Les pleureuses professionnelles ont pour mission d’affich...

Publié le 30 juillet 2016 par Daniel Leprecheur

Les pleureuses professionnelles ont pour mission d’afficher de manière ostentatoire chagrin et douleur lors de funérailles.

Largement pratiquée dans l’Antiquité, cette activité était tout à fait banale en Égypte, en Grèce, à Rome, comme en attestent de nombreuses représentations picturales et témoignages écrits. On ne pouvait alors envisager de cérémonial funèbre digne de ce nom sans recourir à leurs services.

Les religions monothéistes en ont réprouvé l’usage, qu’il s’agisse du christianisme ou de l’Islam. Si pareil refus a largement réduit cette pratique, il ne l’a certainement pas éradiquée. Il existe encore des pleureuses professionnelles, en Afrique, en Asie … et en Europe. Quel est leur rôle ? Que représente ce marché ?

La mise en scène du chagrin

En grande majorité de sexe féminin, les pleureuses ont pour mission de feindre une tristesse exacerbée, traduite par des comportements excessifs : sanglots, cris, griffures des joues, des bras, se frapper la poitrine, s’arracher la chevelure et les habits, se heurter la tête contre les parois, se rouler par terre …

Ces manifestations s’étalent durant la mise en cercueil, les différentes bénédictions, l’arrivée au cimetière ; elles sont hiérarchisées, augmentent au fur et à mesure que les funérailles se déroulent, pouvant atteindre un paroxysme au moment de la mise en terre.

L’objectif est de rendre un hommage extrême à un personnage dont on veut souligner l’importance, la notoriété ; la pleureuse de ce fait a une fonction sociale évidente, elle traduit l’influence que le défunt avait, son ancrage, sa puissance.

Certaines font référence à la vie du disparu, évoquent son action, son rôle, d’où une fonction de biographe.

Par ailleurs l’excès de ce comportement a pour vocation d’enclencher l’émotion de la famille, d’entraîner ses pleurs, de souligner sa tristesse, voire de l’accroître.

Ce travail permet à nombre de femmes de survivre dans des milieux sociaux souvent défavorisés et difficiles ; cela leur apporte une forme d’émancipation et de reconnaissance sociale, car beaucoup considèrent cela comme un talent, un don qui peut se transmettre de génération en génération. De fait les pleureuses font souvent l’objet d’un profond respect.

Une activité encore vivace

Les pleureuses sont encore très actives dans certaines parties du globe.

Ainsi dans plusieurs pays d’Afrique (Cameroun, Gabon, Côte d’Ivoire, …), elles se montrent très présentes, organisées en corporation. Elles possèdent des agences, montent des entreprises, engagent du personnel. Leurs services sont détaillés, pleur normal, pleur en se traînant par terre, pleur en insultant le coupable de la mort, pleur en menaçant d’entrer dans la tombe, … Ces prestations, allant de 300 à 500 euros, font l’objet de réduction selon le nombre d’intervenantes engagées. Par ailleurs les pleureuses se mettent de plus en plus en avant via le web, et recrutent par le même biais, insistant sur la qualité de la formation des recrues.

En Inde, les rudaali sont issues des classes populaires ; les familles très riches les engagent pour se lamenter à la place des femmes aisées dont l’attitude doit demeurer concentrée et irréprochable en toute circonstance.

A Taïwan comme en Chine, l’arrivée de la pleureuse prend des allures de véritable spectacle. Ainsi chaque manifestation de Mme Hu Xianglian, l’une des dernières représentantes de la profession et une véritable célébrité, tient de la performance théâtrale. Ses interventions se doublent de lecture de texte, de chorégraphie, et elle se présente toujours accompagnée d’une petite fanfare, ainsi que d’un microphone, d’éléments de sonorisation et de spots lumineux.