Certes, la banque française n'est pas tout à fait étrangère aux rachats de startups, ayant déjà absorbé successivement (en moins d'un an) Le Pot Commun et Depopass, via sa filiale S-Money. Cette fois, les enjeux ne sont toutefois pas les mêmes, entre autre parce que la cible se place en concurrence sur son cœur de métier, qu'elle est allemande (et porte donc une culture spécifique) et qu'elle possède une dimension relativement conséquente, avec sa communauté de 350 000 personnes, dont 120 000 clients.
Naturellement, les deux partenaires affichent leur optimisme pour l'avenir. Pour Fidor, l'entrée d'un actionnaire important à son capital lui offre les moyens de poursuivre, et accélérer, sa stratégie offensive, toujours aussi résolument tournée vers l'innovation, l'obsession du client… et l'internationalisation. Côté BPCE, le message est aussi simple, bien qu'il puisse être sujet à multiples interprétations : il s'agit de renforcer sa transformation « digitale », devenue son mot d'ordre depuis quelques mois.
S'il faut en croire les affirmations selon lesquelles la jeune pousse conservera une large autonomie de fonctionnement, l'hypothèse la plus vraisemblable, dans l'immédiat, est une diversification de l'offre existante du groupe bancaire, à travers l'ajout à sa panoplie d'un établissement 100% mobile qui lui faisait défaut jusqu'à maintenant. Les visées paneuropéennes de Fidor, pour l'instant installée en Allemagne et au Royaume-Uni, constituent également un facteur d'attraction pour une entreprise très franco-française.
La logique consisterait à opposer une résistance à la menace de nouveaux entrants (startups ou autres, tels qu'Orange Bank) grâce à une néo-banque qui reste l'une des plus originales et des plus séduisantes du monde, donc susceptible de conquérir la clientèle demandeuse de relation « digitale ». Cela, sans remettre en cause le modèle à réseau des deux principales enseignes du groupe (Banque Populaire et Caisse d'Épargne), considéré comme répondant aux besoins d'une majorité de consommateurs.
L'autre option, complémentaire, pour BPCE serait de capitaliser sur les actifs de la néo-banque en vue de moderniser ses propres activités. L'idée d'introduire les technologies de la petite (qui font aussi partie de son catalogue) dans les systèmes de la grande a de quoi faire rêver à une vraie transformation, en profondeur, apportant une agilité incomparable à une « vieille » institution. Il faut cependant craindre que l'ampleur d'un tel chantier dépasse sa capacité d'audace acceptable… Sans même parler du risque d'absorber dans ces efforts toute l'énergie des équipes de Fidor.
A minima, l'acquisition est un message fort lancé à tous les collaborateurs du groupe, les incitant à prendre conscience des mutations en cours dans leurs métiers et qui participe, de la sorte, à l'indispensable évolution de la culture interne. D'un point de vue opérationnel, le groupe BPCE doit maintenant prouver qu'il peut réussir une intégration extrêmement ambitieuse, pour laquelle il n'a ni l'expérience ni la préparation de BBVA lors du rachat de Simple, un des rares cas de succès dans ce type de transaction.
Au fil du temps, j'ai souvent traité de Fidor Bank. Voici une chronologie de ses principales innovations au cours des 5 dernières années de « C'est pas mon idée ! » :
- Fidor, une « vraie » banque communautaire
- Fidor veut se faire des amis (sur Facebook)
- Fidor libère la banque 2.0 (sur son offre technologique)
- Fidor adopte les paiements P2P de Ripple
- La première « crypto-banque » arrive
- Quand un telco allemand lance une banque