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Dans l'union, il n'est plus à craindre de séparation, tout est mis en commun :"Mais quoi, ne vous semble-t-il pas, ô mon Amour,que je craigne, en mon abondance,d'être frustrée de votre jouissance,comme je 'lai été dans le passé ?Non, quoi que je dise, je ne le crains pas,car vous êtes mienet je suis vôtre.Vous me possédez et je vous possède tout à tout,tout entier et totalement.Et nous ne sommes qu'un,en l'un et l'unique de nous deux,également ravisde l'amour et de la beautéde l'un et de l'autre,l'un en l'autre,et par les mutuels et ineffables embrassementsl'un de l'autre,l'un en l'autre.Dans cet état, nous nous possédonsà égalité de jouissance,à égalité de simplicité,dans un amour simple,en cet être que nous formonssimple et simplement unique,au-delà de l'action,au-delà de la passion,au-delà de l'inondation,au-delà de l'amour même,dans l'amour-donné au même amour-reçu.Tout ceci se réalise en la très simple,la très unique et très attentivevision réciproque et mutuelle de nous deux,dans l'unique indivision de nous deux.C'est au-delà de la compréhensionau-delà de l'étonnement, sans étonnement,tout à fait indescriptible.J'y suis totalement submergée,perdue d'amour et de joie,au-delà de l'amour et au-delà de la joie,dans l'unique Objetqui me tient dans un état immuable,à la fois prise de force et consentante,en une perpétuelle attention sans tension,en vous et à vous,mon unique Objet et mon Epoux.Qu'est-ce que tout cela ?Le conçoive qui pourra ;l'exprime, s'il le veut, qui le connaîtra ;s'il le peut, cela lui est permis.Mais surtout, qu'il le taise s'il le doit.Car c'est le domaine où notre jouissance intuitiveparle en nous deuxde façon respective et mutuelle,non pas de cette réaliténi de rien qui s'y rapporte,mais d'infiniment autre chose,qui est hors de cecipar son profond, perpétuel et ineffable silence."Jean de Saint Samson, Chant d'amour, 31, début du XVIIè siècleTout est dit.Et pourtant, rien n'est dit.