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Marques nouvelles

Publié le 28 juillet 2016 par Rolandlabregere

Engie est le nouveau nom de GDF Suez. " Oubliez ERDF, la filiale d'EDF se renomme Enedis ", note avec une dosette de taquinerie Le Monde (30/05/2016). Les dirigeants d'Electricité réseau distribution France ont annoncé la nouvelle au Salon des maires et des collectivités locales organisé porte de Versailles à Paris. Pour lancer le compteur Linky, bruyamment décrié par certaines associations qui militent pour la santé, l'opérateur avait besoin de faire moderne. Le Club Camif, héritier de feu la célèbre centrale d'achat de la mutuelle des instituteurs de France, La Camif, se nomme désormais ekoya. Ces entreprises qui renouvellent leur identité par une dénomination conforme à l'air du temps misent sur de nouvelles perceptions de leurs activités par leurs cibles traditionnelles.

C'est en effet d'image qu'il s'agit. Les argumentaires vont dans le même sens : il faut faire coïncider les missions avec le contexte nouveau construit par la modernité avancée. Pour parler clairement, l'environnement sociétal et socioéconomique mis en scène par le libéralisme renouvelé exige des mots à la hauteur de ses désirs de séduction. Acronymes et sigles iront se faire décontaminer. Place aux noms qui sonnent auxquels il est loisible d'attacher un discours consensuel porté par une rhétorique rafraichissante facilitant une benoîte adhésion. Les entreprises doivent faire rêver. La galaxie Oniris s'installe ! Les mots tinteront comme les profits que les marques engrangent. GDF Suez, précédemment Gaz de France suggérait malgré tout une entreprise jadis publique bien placée dans les défilés revendicatifs. Les nouveaux noms regardent l'avenir alors que les syndicats s'accrochent à leurs banderoles. D'un côté les ringards, de l'autre le néocapitalisme qui poétise et adoucit ses capacités de domination. Un prêchi-prêcha trop de fois lu et entendu s'installe : "... ce nouveau nom signifie que nous voulons oser, agir et bâtir ensemble les solutions de demain... [...] notre volonté d'aller plus loin avec vous en matière de qualité de service, d'innovations utiles et d'accompagnement dans les économies d'énergie. Nous voulons également renforcer la relation de confiance... ", explique un responsable. Le slogan est en embuscade mais frise le cliché : " Avec ENGIE, avançons ensemble vers l'énergie de demain ". C'est fun comme l'affiche électorale d'un candidat besogneux. Pour Enedis, l'argumentaire qui accompagne le changement de nom permet à l'entreprise de se mettre en conformité avec les critères de l'économie numérique.

Engie et Enedis font le choix des mots qui marchent. " Défi climatique, énergies renouvelables, transition énergétique " (Engie) portent des connotations positives et sont supposés aptes à faire oublier les risques liées à la production de l'énergie et aux pollutions qui leur sont afférentes. " Ensemble " est bien coté sans qu'on sache s'il vise toute la communauté de travail ou spécifiquement l'entreprise et ses clients. Engie voit dans sa dénomination une " dynamique nouvelle ". Les justifications font appel à la mémoire des entreprises. Ainsi, Philippe Monloubou, président du directoire d'ERDF avait annoncé en janvier 2014 une transformation radicale de son entreprise en poussant le slogan " Plus loin ensemble ". De cette turbulence lexicale Enedis a surgi. " Au départ, nous nous sommes donné un cahier des charges définissant ce qu'on voulait et ce qu'on ne voulait pas, explique-t-il. Nous avons ainsi rejeté des noms en rupture avec le passé d'ERDF pour garantir une certaine continuité et notre socle de valeur, alors que l'entreprise a su s'adapter chaque jour à son nouvel environnement ", mentionne-t-il.

En choisissant de se dévoiler sans majuscule, ekoya affiche de raisonnables ambitions. Le " k " et le " y " esquissent une solidarité graphique, trace du passé militant de la rustique Camif. " Comme avant, mais en mieux ! ", dit le slogan qui suggère que le désir d'utopie n'est pas perdu. Dans cet exemple, le changement de nom est la marque symbolique d'une renaissance.

Une nouvelle identité peut-elle s'imposer quand le nom public est changé ? Il est bien connu qu'une hirondelle ne fait pas le printemps. Un logo redessiné, une com. ostentatoire, un slogan convenu annoncent-ils le renouveau d'une entreprise ? En communicant sur leur nouvelle communication les majors de l'énergie parlent-elles à la population et aux usagers de leurs services ou simplement cherchent-elles l'adhésion des communautés professionnelles qui les composent ? Le changement efficace et durable (autre mot qui siège en bonne place dans l'argumentaire des entreprises et des collectivités d'aujourd'hui) procède-t-il de démarches de com. onéreuses et verticales ? Privilégier les techniques de communication et les procédures d'annonce du changement renvoient l'entreprise aux vieilles méthodes de la publicité pour lesquelles seuls importaient le slogan et l'image. Si celle-ci évolue, qu'en est-il de la vie des salariés ? Traiter une dimension sans penser à l'autre revient à s'arrêter au milieu de l'idée du renouveau et surtout estimer que le message est supérieur en tout. Les mots nouveaux sonnent comme des faux-amis qui frappent à la porte pour vanter une nouvelle marchandise.

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