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THE STRANGERS, Na Hong-jin (2016) Nous étions trois à la ...

Par Quinquin @sionmettaitles1

THE STRANGERS, Na Hong-jin (2016)

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Nous étions trois à la sortie de ce film, trois petites langues bien pendues toujours prêtes à débattre et à échanger sur leurs impressions, trois langues qui – une fois n’est pas coutume – restèrent tapies dans leur grotte tant les images en forme de stigmates nous laissèrent sans voix. Si ce blog héberge assez régulièrement des termes tels que « chef-d’œuvre », « pépite », « bijou », « hors-norme » ou encore « ovni », pour le nouveau film de Na Hong-jin je dois reconnaître que les mots et le souffle me manquent. Car ici, nous sommes réellement dans une expérience cinématographique unique en son genre qui abandonne le-la spectateur-trice bouche bée et l’œil exorbité. À la croisée du film d’horreur aux relents « zombiesques », du drame et du thriller, le réalisateur coréen ne fera pas que des heureux avec cette œuvre au feutré hystérisant, au charme maudit, à l’élégance démoniaque et à la narration convulsive. Une production étourdissante, titanesque et inqualifiable qu’il n’est pas recommandé de mettre entre tous les yeux et qui, loin d’être anodine, laisse une empreinte prégnante, que l’on adore ou que l’on abhorre…

The Strangers c’est un petit village tranquille où deux policiers très « Laurel et Hardy », rondouillards, pleutres et quelque peu bécassons coulent de paisibles journées. The Strangers c’est tout à coup une série de meurtres aussi mystérieux et inqualifiables que sordides et sanguinolents. The Strangers c’est toute une communauté qui bascule petit à petit dans la folie et la paranoïa, propulsée du jour au lendemain dans un embrouillamini macabre et insoluble. The Strangers c’est aussi un ermite japonais soupçonnable à souhait et une petite fille dont le comportement bascule inexorablement du côté possédé de la force…

Le résumé se fait volontairement laconique car The Strangers c’est tout cela et bien plus encore… 2h36 durant lesquelles Na Hong-jin prend un malin plaisir à nous balader et nous perdre dans le labyrinthe du surnaturel et de la démence. Si la première heure peut sembler légèrement tâtonnante – on ne sait pas vraiment où le cinéaste veut nous emmener, entre gravité de bon aloi et « comique » abstrait –, ce qui suit se révèle tout bonnement surréaliste. Brusquement le couperet tombe, la narration s’assombrit, l’atmosphère s’alourdit et les personnages gagnent en profondeur et en vivacité, la (légère) pantalonnade du début s’effaçant au profit d’une tension nerveuse exceptionnelle et anxiogène. La photographie elle sublime ce climat inquiétant et étouffant, image bleutée et visages crispés qui sous-entendent sans cesse ce duel entre le Bien et le Mal, la clarté et l’obscurité, le fantasme et la réalité.

Si l’on part du principe que Dieu existe, alors le Diable lui n’est jamais loin et l’on décèle chez Hong-jin une envie (voire un besoin viscéral), à travers ce film à l’âme méphistophélique, de traiter des thèmes de l’apparence et du dilemme, de revisiter la figure du Mal – insaisissable, malin, légion et qui se niche souvent là où nous ne l’attendons pas – et de poser la question de l’étranger, celui qui vient d’ailleurs, entouré d’un halo de mystère et constituant bien souvent une proie et un coupable parfaits. Certaines scènes (rites chamaniques) sont tout simplement époustouflantes et très éprouvantes, ponctuées de musique traditionnelle habitée, vertigineuse et de cris sans fin. Quant à l’épilogue, il s’étend et s’étire, comme une manière de torturer et d’étrangler encore un peu plus le-la spectateur-trice dans une maîtrise du suspense hallucinante, parvenant à mettre un point final subtil, original et inattendu à ce voyage au bout de l’enfer. Na Hong-jin ne se perd pas en route et, pugnace, poursuit son idée jusqu’au bout quitte à faire grincer des dents ou à secouer sans ménagement un public déstabilisé.

The Strangers est un long-métrage qui transpire la diablerie par tous les pores, excessif, noueux, dérangeant, tout en murmures ou en hurlements, en jeux de miroirs, en faux-semblants, où chaque comédien-n-e joue son rôle à la perfection, avec une mention spéciale pour la petite Kim Hawn-hee, dont le talent laisse pantois-e et abasourdi-e. Qui est le bon, qui est le mauvais ? Le gouffre entre le Bien et le Mal est-il aussi béant ou la frontière entre les deux se fait-elle plus ténue que nous ne le pensons ? Bien des questions pour un film difficilement comparable à d’autres, L’Exorciste peut-être, bien que ce raccourci soit on ne peut plus facile.

À certains The Strangers apparaîtra comme poussif et grand-guignolesque, l’on criera donc à la supercherie, tandis que d’autres y verront un chef-d’œuvre incontournable. Je choisis personnellement le second camp, tant je ne suis toujours pas revenue de cette claque cinématographique en forme de plongée dans les tunnels obscurs et sinueux de l’enfer…



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