Je n'aimais ni les sots
Ni les estaminets.
J'aimais flâner
Et lire au parc Monceau.
Un matin que je fréquentai ce lieu,
J'ai rencontré un étrange petit vieux.
Il était maigre et grimaçant,
Anguleux et souriant.
Ce bonhomme m'étonna,
M'intéressa.
Je le guettais.
Et voilà qu'il se mit à exécuter
De gracieux mouvements,
À sautiller galamment.
Il se trémoussait,
Dansait,
Battait des entrechats,
Arrondissait les bras.
Et tortillait son corps de pantin.
Il adressa enfin des saluts incertains
Et exécuta une profonde révérence
Comme on fait devant une assistance.
Il s'arrêta, recula de trois pas,
S'avança de nouveau et s'inclina
Comme font les acteurs sur scène,
En envoyant des baisers de comédienne
Aux arbres plantés en enfilade.
Puis, avec gravité, il reprit sa promenade.
Je le saluai alors, et lui dis :
-" Il fait bien bon aujourd'hui. "
-" Oui, un vrai temps de jadis. "
Huit jours après, nous étions amis.
Il avait été maître de danse à l'Opéra.
Il me confia :
-" Toutes les après-midi
Madeleine, ma femme, me rejoint ici.
Ce jardin, voyez-vous,
C'est notre plaisir, notre vie à nous. "
Je retournai au parc à l'heure du thé.
J'aperçus mon ami.
Il donnait le bras avec cérémonie
À une vieille dame qu'il m'a présentée.
Nous nous assîmes sur un banc de pierre.
Le soleil jetait sur nous une blonde lumière.
-" Expliquez-moi ce qu'est le menuet. "
-" Le menuet,
C'est la reine des danses
Et la danse des reines.
Madeleine,
Veux-tu qu'on le danse...
Pour montrer à Monsieur ce que c'était ? "
Ils allaient et venaient,
Se souriaient, s'inclinaient,
Se balançaient, variaient, sautaient.
Tout à coup ils s'arrêtèrent
Et... s'embrassèrent !