Certains plats sont éblouissants…
Union de deux hommes. Union de la salle et de la cuisine. Une union qui fait la force et leur force vient de cette union. Le chef, Toshitaka Omiya, Tosh pour les intimes et les familiers, japonais bien sûr, amoureux de la cuisine française évidemment, qui se lance dans l’inconnu dans les années 2000 où il arrive en Rastignac à Paris. Doué et même talentueux, il se retrouve chez les classiques étoilés du moment : Briffard, Legendre, Passard, et la rencontre avec Lapeyre qui le met chez Toutain et lui offre la place de chef à l’Agapée, dans le XVIIème arrondissement.
C’est dans ce restaurant à la cuisine pour le moins atypique sinon expérimentale, qu’il rencontre Shawn Joyeux qui dirige la salle. Il est dans le métier depuis déjà un moment et rêve d’une aventure personnelle. Ce sera l’alliance avec le chef et l’Alliance le restaurant.
Dans une rue paisible du Vème, proche de la place Maubert, une devanture discrète, tout en verrières pour la lumière, une salle (presque) nue, dépouillée, peu de tables, ambiance intimiste, pas encore religieuse (pourvu que non), une sorte de sérénité, une sorte de silence que quelques conversations n’arrivent pas à briser, concentration, confort discret… Une carte à l’image du reste, courte, précise, nette, ciselée, d’aujourd’hui, et le rituel classique « les allergies » et une nouveauté qui devrait s’étendre rapidement « les aliments tabous ». Un mot assez primitif pour définir des interdits ou des croyances elles aussi primitives, et des attitudes ou postures du moment dans les restaurants où nourrir son prochain va devenir un exercice de haute voltige. Enfin, tout est en place, en ambiance, en style, pour accueillir la première assiette.
Amuse-bouche bien sûr, avant-première, premier contact imposé, avec un chef, une cuisine, même s’il s’agit d’une virgule, d’une ponctuation. Ce jour-là, une Mousse de lait fumée (très légèrement), pain, citron. Du mou et du crunchy, et un ensemble assez fade, une saveur que travaille les Japonais mais qui effleure à peine nos rustres palais occidentaux.
Plus travaillée, recherchée, réussie, une Huître Gillardeau « Perle Blanche » pochée rapidement et refroidie, découpée et ornée d’une mousse au citron caviar, d’oignons frits et de bourrache. Fraîcheur, saveur, bonheur. Une réussite originale.
Quel plat étrange que cette Pomme de terre Allians (variété allemande à chair ferme), cuite dans la graisse d’oie, agrémentée d’oignons, de girolles minuscules, de pleurotes et d’un léger crumble salé. Un plat un peu sec, dans tous les sens du terme, certes délicat mais un peu asséché, un plat presque « mort », en fait qui ne s’éveille pas à la vie d’une assiette. Bourratif au final, comme on disait dans l’ancien monde. Tout bêtement.
Soudain, LE plat. Celui qui va définir le chef et nous montrer de quoi il est capable. De grandes choses à l’évidence avec cette Lotte de Noirmoutier à la cuisson plus que parfaite (école Passard ?), et des petits pois d’anthologie préparés avec carottes et sarriette. Que c’est beau et bon !
Foie gras frais, pochage en bouillon parfumé discrètement au gingembre et citronnelle, légumes de Mr Rigault ( ?) dont blette, cèleri, navet… Doux, délicat, savoureux, malgré un foie gras un peu « nerveux », un peu « mollasson » donc proche de l’écœurant, qui aurait mérité quelques secondes de saisi avant le plongeon dans le bouillon. Peut-être…
Changement de décor et de franchise des saveurs avec un magnifique Faux-filet, maturé sur place, de race Pie Noir normande, parfaitement saisi, moelleux, et d’un goût exceptionnel. Un jus de cuisson serré et des oignons confits. La viande en majesté pour un plat superbe.
Les desserts sont… nuageux, en tout cas aérien. Douce Mousse à la vanille, olives noires, puis Chocolat Grand Cru Papouasie, madong, crème glacée au persil. Ce n’est pas le mariage de l’année mais ça passe. On s’étonne, on s’ébahit, c’est peut-être fait pour ça…
Une cuisine à l’évidence très technique, esthétique, épurée, hors sol par moment, manquant de chaleur parfois, mais toujours passionnante. Cette cuisine nouvelle, faite par des chefs japonais, française certes mais plus tout à fait. Un entre-deux d’une alliance des styles et des cultures qui raviront par principe les partisans du métissage à tous crins tandis que d’autres attendront pour voir. En tout cas, certains plats sont éblouissants et c’est là l’essentiel, le reste n’étant que glauserie de passionnés des casseroles.
Choix de vins au verre d’une rare perfection. Service parfait. Accueil professionnel. L’adresse qui monte, qui monte…
75005 Paris
Tél : 01 75 51 57 54
www.restaurant-alliance.fr
contact@restaurant-allaince.fr
M° : Maubert Mutualité
Fermé samedi & dimanche
Carte : 75 € environ
Menus :
Alliance : 70 € (six services)
Déjeuner salé : 29 € (3 services)
Salé-sucré : 34 € (4 services)