Ce week-end à Saint-Emilion, il y avait la 5ème édition du Saint-Emilion Jazz Festival.
On connaissait bien sûr Saint-Emilion pour ses Grands crus et ses belles pierres. L’image un peu figée d’un village de carte postale, touristique et très sage.
Ce qu’on ignorait, c’est qu’à l’occasion de son festival de jazz, Saint-Emilion change de visage et d’ambiance. Sous les cèdres centenaires du Parc Guadet, le public a répondu présent et a fait honneur, durant ces trois jours, à une programmation variée et de très grande qualité. Le genre de week-end dont on ressort ressourcé, sourire aux lèvres et de la musique plein la tête !
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut que l’on vous raconte notre belle rencontre avec l’une des bénévoles… Elle s’appelle Florence. Florence a pris le temps, avec une grande gentillesse et une immense simplicité, de nous expliquer comment le festival prenait vie depuis 5 ans. Comment ses 62 bénévoles s’activent tout au long de l’année pour en faire un lieu chaleureux et accueillant pour le public, comme pour les musiciens. Alors, bien sûr, cette année, les évènements tragiques de Paris et de Nice ont marqué lourdement l’organisation et c’est la crainte au cœur que chacun a dû renforcer encore son engagement pour que la fête ne soit pas gâchée. Mais rien n’a paru. Les sourires étaient là et l’ambiance légère.
Et puis, comme elle raconte ses souvenirs musicaux, ses moments de partages, sa fierté de faire partie de l’aventure, ses yeux s’embuent. C’est l’émotion qui parle… un peu la fatigue aussi et toute la pression et l’investissement mis au service de ces instants magiques. Florence, merci. Vous nous avez touchés et émus. J’espère que vous nous pardonnerez de l’avoir dévoilé.
Et tout est ainsi à Saint-Emilion. A fleur de peau. Les artistes ont également salué le généreux accueil de l’armée pacifique des hommes et femmes en rose (couleur des T-shirts de cette 5e édition). Et tous ont également rappelé combien il était important de se battre contre la tyrannie des fanatismes. En même temps, il n’y avait pas de plus bel exemple du vivre ensemble que ces inconnus rassemblés, chantant d’une même voix et dansant d’un même pas !
Car oui nous avons beaucoup chanté et dansé durant ces 3 jours ![Ah bon mais je croyais que c’était un festival de Jazz moi ?.. J’ai rien compris…] Mais si ! C’est bien du jazz ou des jazz. Oh et puis, on s’en fiche des étiquettes ! L’essentiel c’est que ça bouge et que ça fasse du bien par où ça passe non ?
Jour 1 – Vendredi 22 juillet
Tout à très bien commencé.
Sur la scène en plein air du Parc Guadet vendredi soir, MARCUS MILLER. Et là, on prend une jolie leçon. Pas seulement de guitare basse mais également d’humilité. MARCUS MILLER, immense pointure internationale, producteur, compositeur et virtuose, se produit à quelques mètres de nous, sur cette scène si accessible, et la magie opère instantanément.
Comme souvent, les vrais grands musiciens, sont les plus modestes. Il se balade sur son instrument, à tel point que cela paraît facile, et pourtant ce n’est jamais lui qu’il met en avant. Ses musiciens, tour à tour, expriment leur talent (et quel talent !), on ne peut s’empêcher de bouger. Entre chaque morceau, Marcus nous conte une histoire, en français s’il vous plaît ! L’ombre de MILES DAVIS, pour qui il a composé et produit Tutu, plane sur certains titres. Et à mesure que l’on découvre son nouvel album Afrodeezia, Marcus nous raconte ses racines africaines, sa visite d’une Slave House au Sénégal (lieu de transition des esclaves avant leur départ d’Afrique) qui lui a inspiré un titre profond et riche Gorée, message de résilience et d’espoir.
Et puis, avant de nous quitter, après deux heures planantes, il fait monter sur scène, TOM IBARRA, 16 ans, jeune prodige de la guitare (qui se produisait le samedi en programmation gratuite). Sans condescendance, ni paternalisme, il lui laisse la même place qu’à un autre membre du groupe et l’associe aux saluts et aux rappels.
Jour 2-Samedi 23 juillet
Changement de décor.
Ce soir, le concert a lieu dans un petit écrin de pierre, la salle des Dominicains. A l’affiche, JEAN-PIERRE COMO, compositeur et pianiste référence de la scène jazz française.
Il n’est pas venu seul. Il a conçu son dernier projet, Express Europa, comme un voyage, comme un échange, un partage, tout en délicatesse. Pas de démonstration technique, des mélodies planantes portées par les voix magnifiques de HUGH COLTMAN et WALTER RICCI, la guitare ibérique de LOUIS WINSBERG, le saxophone vibrant de STEPHANE GUILLAUME, et la rythmique dentelle de STEPHANE HUCHARD à la batterie et de THOMAS BRAMERIE à la contrebasse.
Si vous connaissez un peu l’univers du jazz, cette liste de noms suffira à vous faire comprendre combien nous étions chanceux.
Mais, là encore, ce qui étonne le plus, ce n’est pas vraiment leur talent, ni la beauté de leur musique, ça on s’y attend, c’est leur simplicité. Le concert était suivi d’une dégustation dans les jardins de cet ancien couvent, et chacun a pu trinquer et parler avec ces musiciens formidables sans chichi. On est bien loin du star système !
Petite remarque à l’organisation cependant… l’année prochaine, pensez à ne pas réserver toutes les premières rangées aux invités des sponsors… pour les vrais amateurs qui ont payé leur place, attendu ce moment et parfois fait des kilomètres pour le vivre, c’est une vraie déception. Et pour les musiciens, c’est parfois difficile, de jouer devant des premiers rangs atones (ou pire qui se lèvent pour partir avant la fin… no comment). C’est notre seul bémol.
Jour 3 – Dimanche 24 juillet
Grand soleil. Dans le ciel comme dans la salle.
FAADA FREDDY a illuminé notre après-midi. Chapeau melon, gilet, et grand sourire. Pour seuls instruments : sa voix, son corps et sa guitare. En quelques minutes, la salle des Dominicains s’est transformée en chorale gospel. Et c’est avec ferveur, que nous l’avons accompagné durant deux heures, reprenant en chœur ses mélodies métissées, frappant dans nos mains, et nous levant même pour chanter plus fort. Un très bel artiste qu’il vous faut absolument découvrir sur scène. Car aucun album ne pourra remplacer la chaleur et l’émotion d’un tel échange.
Bon là, on croyait avoir vécu le plus beau. 3 concerts fabuleux à la suite c’est déjà tellement rare. Donc on rejoint le parc, histoire de reprendre quelques forces (il n’y a pas que la nourriture spirituelle quand même…) et de se poser quelques minutes devant la scène gratuite. Le temps d’apercevoir LEON NEWARS, – groupe bordelais façon big band funk, bien cool,- et de causer avec l’un des musiciens (très sympa lui aussi J) du GET7 BRASS BAND qu’on a malheureusement raté mais qu’on s’est promis d’aller voir bientôt.
Ben vous savez quoi, on a bien fait de se poser deux minutes. Le public lui aussi s’était posé… sur des chaises installées devant la scène. Ah oui, mais ça c’était sans compter sur : ELECTRO DELUXE ! Ouah !!! La méga claque. De l’énergie pure. Il n’a pas fallu plus de 20 secondes à James Copley, le chanteur, pour faire lever l’intégralité du public. Les chaises n’ont pas pu assister au concert… Et ça, c’est pas dommage ! Le souci, c’est qu’ELECTRO DELUXE, ça ne se raconte pas. Ça se vit ! Un bassiste de malade, une section cuivre (trombone, sax, trompette) à faire pâlir Maceo Parker, un clavier endiablé, un batteur parfait, et un chanteur dont la classe n’a d’égale que la folie ! Ils ont mis le feu à la scène et nous n’avions pas d’autre choix que de sauter partout et d’agiter nos petits bras en rythme. Merci les gars. C’était trop bon !
Et après ça, comment reprend-on une activité normale me direz-vous ? Comment fait-on face au lundi ? Eh bien, on bouge discrètement son pied droit sous le bureau (ou ses hanches derrière la photocopieuse, discrètement) en se rappelant que ce week-end… Vivement l’an prochain…
Merci Saint-Emilion !