Après mon dernier billet relayant une colère sourde, qui a eu l’intérêt à défaut d’être constructif d’initier un échange intéressant avec plusieurs amis, j’ai souhaité prendre le temps de rentrer plus en profondeur dans le sujet. C’est donc fort humblement – avec toutes les imperfections que vous me connaissez et que vous corrigerez avec bienveillance dans les commentaires – que je voulais essayer de regarder ce qui se passe, dans notre monde, avec ce que j’en lis, ce que j’en comprends… ou pas.
Ce billet est vraiment pour moi l’occasion, à travers quelques balbutiements de tenter d’organiser une pensée et d’essayer de ne pas rester enfermé dans un sentiment stérile.
Merci à ceux qui prendront le temps de me lire, et de participer à l’échange.
Et merci déjà à Guillaume, Carlos, Vincent, Jean-Sébastien et Florian pour l’avoir initié, sans forcément le savoir.
Avant propos :
Ce billet est un peu long : il se veut parcourir quelques unes des multiples facettes d’un même sujet, car évoquer les conséquences du fondamentalisme islamiste sous un seul angle ou avec un seul regard serait beaucoup trop réducteur. Je vous propose donc cette petite table des matières pour vous y retrouver.
Je vous invite cependant à essayer le lire en entier avant de faire un jugement à l’emporte pièce1)ou de m’allumer méchamment dans les commentaires, le sujet est trop sensible pour souffrir d’une quelconque caricature.
Chiffres
Accumuler les chiffres n’est pas la facette la plus agréable du sujet, et elle est d’autant plus violente par sa dimension. Il ne faut pas qu’elle fasse oublier chacun des individus, chaque situation, chaque famille. Mais regarder dans le rétroviseur permet tout de même de se rendre compte de l’ampleur de ce qui nous frappe. Il ne s’agit ici que de l’année 2016, et de crimes directement liés au bien mal nommé Etat Islamique ou à ses ramifications dans le monde.
Ces chiffres sont basés sur cette liste2)Vous pouvez mettre des commentaires directement dans le document pour que je corrige les erreurs ou oublis le cas échéant, liste probablement incomplète mais déjà horriblement longue.
Victimes des attentats par mois en 2016
Carte des attentats de Daesh dans le monde en 2016
On parle donc à l’heure où j’écris ces lignes d’au moins 1782 morts en 7 mois, pour l’estimation la plus basse, et bien évidemment sans compter les milliers de blessés. Juste en 2016.
Ces chiffres montrent entre autre que malgré l’immense émotion que produit chaque attentat en occident, la France – et l’occident – ne sont que relativement peu touchés par ces massacres. Ce sont l’Irak et la Syrie, pays où est implanté Daesh qui sont sur le haut de ce triste podium. Et on en parle tellement moins. Et ce sont pourtant aussi des hommes, aussi des femmes, aussi des enfants…
Je ne me lance pas dans une quelconque analyse de ces chiffres, ça serait indécent, mais je ne sais pas si vous vous rendiez compte de ces 1782 morts, en 7 mois, du fait de Daesh.
Moi je n’avais ni ceci en tête, ni dans le cœur.
Géopolitique
Pour dépasser les chiffres et prendre autant que possible un peu de hauteur, je voulais commencer par partager avec vous une vidéo passionnante de Gaël Giraud, économiste au CV impressionnant (CNRS, AFD, Fondation Nicolas Hulot, Finance Watch), et également jésuite – donc prêtre catholique.
S’il côtoie les plus grands, il est aussi extrêmement pédagogue et aborde dans cette vidéo un contexte qui apporte un regard différent à ce que nous vivons. Et si son intervention n’était pas au départ explicitement sur le sujet du terrorisme, elle l’aborde en creux, avec cet autre regard qui me parait intéressant, en introduction de mon propos.
Il prend l’axe des problèmes d’accès aux ressources, comme le pétrole ou l’eau, de la démographie ou des changements climatiques. Et de leurs conséquences sur nos sociétés.
N’étant ni géopoliticien ni économiste, je ne m’étendrais pas en commentaire de cette intervention. J’en retiens tout de même que les problèmes qui nous frappent de plein fouet ne sont peut-être qu’une toute petite partie d’un monstrueux iceberg auquel nous contribuons tous un peu… et dont nous ne saisissons pas encore tous les contours.
Une fois que l’on a posé notre regard sur la terrible réalité des attentats et du nombre de leurs victimes, une fois que l’on s’est alimenté d’un regard géopolitique, regardons donc une autre facette de notre sujet.
L’Islam et ses problèmes
Nous rentrons ici dans un sujet éminemment épineux, et même carrément casse-gueule. Mais je tenais à explorer avec vous ces quatre sujets parce qu’ils me travaillent depuis de nombreuses années, au fil de mes lectures et qu’ils font écho aux événements vécus ces derniers mois. C’est probablement très incomplet, mais ces points me semblent suffisamment importants pour être évoqués.
Nota 1 :
Je vous supplie de croire que mon propos n’est pas d’être islamophobe, ni de faire le procès de qui que ce soit, mais bien au contraire d’essayer de discuter en vérité d’un sujet compliqué, après m’être – je crois – un peu documenté sur le sujet.
Nota 2 :
Ces quatre problèmes ne peuvent pas être réglés sans les musulmans – après tout, chacun ses soucis et les autres religions en ont malheureusement bien d’autres – mais la République y a aussi un rôle à jouer, fermement, dans le respect, au moins pour le second point, qui découle du premier. Et c’est en tant que citoyen français que je m’autorise à en parler.
Les Islams
Un petit morceau des Islams
Seconde hérésie, après avoir écrit que l’Islam avait des problèmes, j’écris Islam au pluriel.
Amis musulmans, veuillez me pardonner : je vais m’expliquer.
Si vous avez un tant soit peu suivi les actualités, les mots chiites et sunnites ne vous seront pas étrangers. Ils représentent deux branches de l’Islam – religion basée sur le Coran, révélé par son Prophète Mahomet. Chacune de ces branches se décompose en sous branches, chacune avec ses traditions, son interprétation, ses écoles juridiques – et aussi ses guerres intestines.
Pour présenter un peu mieux le sujet, je vous renvoie à deux productions très éclairantes du même auteur : Adrien Candiard, islamologue de l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales (au Caire).
Adrien Candiard
La première :
Comprendre l’islam (ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien). Publiée sur Facebook au lendemain des attentats du bataclan, elle fait une dizaine de pages, et elle devrait être lue par toute personne qui s’intéresse un tant soit peu à l’Islam.
La seconde :
Elle porte le même nom, mais est sensiblement plus détaillée. Elle a été l’un de mes livres de chevet en ce début d’été. Je l’ai dévorée (ça se lit très bien), et comme sa lecture est conseillée par Erwan Le Morhedec, allez-y sans crainte
Comprendre l'Islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien
Adrien Candiard [FLAMMARION]
Prix: EUR 6,00
En regardant l’image et après avoir parcouru les quelques lignes du premier lien que je vous propose plus haut, vous comprendrez que même s’il n’y a qu’un seul Coran, il y a bien plusieurs familles dans l’Islam, si différentes qu’il est presque faux de parler de « l’Islam » mais qu’il serait probablement beaucoup plus juste de parler « des Islams« .
Les points d’accord entre tous les musulmans du monde sont au fond très peu nombreux : croire qu’il n’y a qu’un Dieu, que Mahomet est son Prophète, que le Coran témoigne d’une manière ou d’une autre de la volonté de Dieu pour les hommes, qu’un Jugement divin nous attend au dernier jour. C’est à peu près tout.
Adrien Candiard, islamologue à l’IDEO
Et ça, c’est un sérieux problème qui dépasse les seuls aspects religieux ou doctrinaux.
Il pose des problèmes géopolitiques (voir plus haut), politiques (regardez la Syrie avec les alaouites), mais aussi organisationnel, j’y viens.
La hiérarchie dans l’Islam
Les groupes se réclamant de l’Islam ne sont liés entre eux presqu’uniquement par le Coran. Mais tout le reste – ou quasiment – est différent. Sur une partie religieuse à proprement parler (comme nous l’avons vu plus haut), mais aussi d’un point de vue hiérarchique, sur l’autorité ou la pensée de référence.
A contrario des églises orthodoxes ou catholiques qui reconnaissent majoritairement une autorité commune (les Popes ou le Pape), et une hiérarchie qui découle d’eux, l’Islam n’a pas de clergé, et est de fait beaucoup plus auto-géré. Qu’il s’agisse du choix des imams par une communauté, ou de leur formation par exemple.
Quels sont les intérêts d’une hiérarchie ?
Ils sont multiples :
- Elle permet d’officialiser une doctrine – un dogme – et donc de dire clairement qui est dedans ou qui est dehors. Typiquement, il est très clair pour un catholique de dire qu’il est interdit de tuer3)sauf cas extrême de légitime défense, hors sujet ici, parce que c’est écrit dans un livre qui résume le dogme catholique et qui s’appelle le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Il n’est d’ailleurs que très peu ouvert à interprétation.
C’est beaucoup plus compliqué dans le cas de l’Islam, même au sein de chaque « branche ». - Elle permet d’identifier clairement les responsabilités et de contrôler
Pour suivre le même exemple, quand un prêtre faute, et que son évêque le couvre, l’évêque en porte une part de responsabilité (au yeux de l’Eglise, et souvent aux yeux de la loi – au regard de la faute). Ça n’est pas parfait, il y a des brebis galeuses à tous les niveaux et donc des ratés, mais la hiérarchie permet clairement le contrôle, et donc de garder un tant soit peu le troupeau.
Supprimez le berger, et le troupeau autogéré risque de suivre chacun sa route, ou le premier berger venu, avec les dérives non contrôlables que l’on connait aujourd’hui. - Elle permet d’avoir des interlocuteurs clairs pour les pouvoirs publics, qui engagent la communauté
Toujours dans le même exemple : le maire parle avec le curé, le préfet avec l’évêque, le Ministre des Cultes avec le Président de la Conférence des Evêques de France, éventuellement avec le Pape ou l’un de ses représentants quand c’est nécessaire.
Dans l’Islam, même combat : l’imam de la Grande Mosquée de Paris a beau dire blanc, et signer tous les accords possibles avec l’état, celui de Sarcelles ou d’ailleurs n’en est en rien engagé. Ainsi, les possibilités de régulations et d’adaptation à une réalité locale (ville ou pays) est quasi impossible.
Face à cette dernière problématique, Nicolas Sarkozy a voulu créer le Conseil Français du Culte Musulman, qui avait clairement ce rôle de poser un interlocuteur pour l’Etat. Cependant, ce conseil – bien qu’élu par des représentants de l’Islam en France – n’engage en rien les musulmans de France, et n’a certainement aucun pouvoir réel sur le dogme, les prêches, ou les dérives de ses brebis perdues.
C’est dans cette optique qu’a travaillé Gérald Darmanin, à travers son Plaidoyer pour un Islam français (pdf) qui repart de l’histoire de l’Etat français avec les monothéismes, et la manière dont ils ont trouvé une manière de travailler ensemble, souvent de manière contrainte. On se rappellera pour l’Eglise Catholique du Concordat de Napoléon puis de la loi de 1905 dite de Séparation de l’Eglise et de l’Etat, ou du Grand Sanhédrin en 1807 pour le judaïsme, où a été ressuscité de manière artificielle une instance juive en morte depuis plus de 1500 ans pour faire rentrer les juifs de France « dans le rang ».
(c) Kak
C’est sur ce modèle d’assemblée convoquée et contrainte que le maire de Tourcoing propose de faire participer les musulmans français à un « CFCM » accepté par tous – ou imposé à tous – à qui serait confié notamment des missions précises, de nomination et de formation exclusive des imams (et donc leur contrôle). Pour le dire autrement, tout imam non nommé par le Grand Conseil de l’Islam de France ne pourrait pas être imam et encourrait des poursuites. Le Grand Conseil de l’Islam de France serait donc responsable d’éventuelles dérives de prêche salafiste, intégriste, etc. par ses imams.
Cela serait un changement de culture et de fonctionnement radical pour l’Islam en France, permettant de créer un Islam de France, c’est à dire un Islam intégré et accepté par la République Française, et acceptant ses règles (avec des conséquences dans le cas contraire).
Cette solution me plait beaucoup sur le papier (sous réserve que le courage politique suive pour la mettre en oeuvre), et elle permettrait peut-être d’organiser des débats sur le fond des choses, et notamment sur le dogme dans l’Islam.
L’Islam et son dogme
Si vous avez suivi les points précédents, vous me corrigerez et vous aurez raison : il faudrait écrire les Islams et leurs dogmes. L’Islam étant multiple et assez peu hiérarchisé, les écoles dans l’Islam (religieuses, juridiques, politiques) sont diverses et leurs pratiques comme leurs dogmes en sont les reflets.
Comme l’explique très clairement Adrien Candiard dans son livre cité plus haut, ce qui se joue derrière les « extrémismes religieux » (ce qu’il appelle le littéralisme ou le textualisme) c’est une définition du dogme de l’Islam – au moins dans le sunnisme – à savoir en vulgarisant : qui est un vrai musulman et qui ne l’est pas. Et dans ce combat de fond, un acteur récent y prend un rôle dramatique, tant dans le vocabulaire utilisé que sur sa portée dans les esprits.
Je parle ici du salafisme, qui au passage n’est pas traditionaliste mais qui se revendique plutôt d’un Islam des origines fantasmé, et qui en se faisant appeler « radical » fait croire ou comprendre aux autres musulmans qu’ils sont des croyants tièdes, ce qui est somme tout une véritable insulte pour un croyant (quelle que soit la religion). Le salafisme contribue donc par son intransigeance et par notre méconnaissance à répandre la croyance que le « vrai » Islam est un Islam dur et violent. Et malheureusement, cela fonctionne en partie, même chez certains musulmans dits « modérés ». Cela ne veut pas dire qu’ils passeront aux actes, fort heureusement, mais qu’ils peuvent regarder cet Islam revendiqué comme pur avec un peu de culpabilité, au moins de ne pas l’être autant.
L’Islam et la violence
Comme le mentionnait Philippe Val après l’attentat de Charlie Hebdo (également sous le coup de l’émotion), ou plus haut Adrien Candiard, vous pourrez trouver dans le Coran tout un tas de citation qui vous disent qu’il ne faut pas tuer, et vous en trouverez tout un tas d’autre qui disent exactement le contraire.
Car si vous lisez le Coran (et oui, je l’ai lu – en français, ne lisant pas l’arabe) il y a en effet des versets qui font froid dans le dos4)Comme dans la Bible me direz vous, si ce n’est que ça n’est en rien comparable : la Bible n’est pas dictée par Dieu, et donc l’interprétation en est la base, particulièrement l’interprétation historico-critique pour les textes les plus violents qui sont aussi les plus anciens, par opposition aux Evangiles, mais ça n’est pas le sujet de ce billet., et c’est sur ces versets et sur cette lecture particulière que le salafisme en général, et Daesh en particulier base sa doctrine et sa propagande.
En effet le salafisme joue sur la nature même du Coran et de sa révélation, pour ne laisser aucune place à l’interprétation5)ce que des siècles de tradition musulmane contredisent a fortiori si l’on suit la règle du mansûkh (مَنْسوخ), ou règle de l’abrogation. Il est dans ce cas très facile d’en conclure que la violence est intrinsèque à l’Islam, et qu’il faut au nom d’Allah aller trucider les mécréants.
Cela pose d’autres questions sur la Raison dans l’Islam (sujet que le Pape Benoit XVI avait abordé dans sa fameuse conférence de Ratisbonne, avec les conséquences que l’on connait), mais nous ne rouvrirons pas ici ce débat.
Pour quitter quelques instants Daesh, je vous renvoie tout de même à deux livres passionnants et qui se lisent très bien, pour creuser le sujet. Ils permettent de prendre conscience – bien au-delà du terrorisme – que si la violence extrême est l’une des interprétations fallacieuses de l’Islam, ce dernier contient en lui – ou dans sa tradition – une autre part de violence, qui n’est pas si anecdotique que cela.
1) Le prix à payer, de Joseph Fadell
C’est le témoignage vrai d’un musulman issu d’une famille descendant du prophète qui se convertit à la foi chrétienne et qui déchaîne une haine sans nom à son égard. Cette histoire n’a pas lieu au sein de l’Etat Islamique, mais elle révèle la dimension que peuvent prendre la violence et la haine, même au sein d’une famille envers un apostat (celui qui a renié sa foi, en l’occurrence l’Islam).
Le prix à payer
Joseph FADELLE [Pocket]
Prix: EUR 6,95
2) Jésus et Mahomet : profondes différences et surprenantes ressemblances
C’est un livre beaucoup plus académique, écrit par un érudit musulman, formé à l’université Al-Azhar du Caire (reconnue comme la plus haute autorité de l’Islam sunnite) puis converti lui aussi au Christianisme, et qui apporte donc un regard très précis sur ces deux religions, pour en comprendre le fonctionnement. Lisez-le, il est éclairant, et complète tout à fait l’ouvrage d’Adrien Candiard.
Jésus et Mahomet : profondes différences et surprenantes ressemblances
Mark Gabriel [Ourania]
Prix: EUR 6,00
Ces deux livres font tous deux (et à leur manière) mention de cette violence qui est réellement présente dans certaines sociétés – a priori pas « extrémistes » au sens où on l’entend habituellement – où l’Islam est majoritaire (depuis l’Etat jusqu’aux cellules familiales).
Je ne m’étendrais pas d’avantage sur l’Islam, et je laisserai les commentaires ouverts à ce sujet pour qui voudra en discuter honnêtement et de manière constructive.
Après avoir pris conscience de la réalité de ses attentats, des enjeux géopolitiques derrière les tensions dans ces régions, et avoir trop vite parcouru le sujet de l’Islam qui participe bien évidemment à l’équation, intéressons nous à la réponse possible à savoir la gestion du risque, la protection des populations et le renseignement.
La protection, le renseignement et le risque zéro
Après les attentats, nombreuses ont été les critiques portant sur l’état du renseignement français, notamment après le passage de Nicolas Sarkozy à l’Intérieur puis à l’Elysée. Sa réforme de 2008 a en effet contribué à dégraisser les troupes du renseignement français, et en particulier le réseau des agents sur le terrain, empêchant la remontée de précieuses informations qui auraient été fort utiles aujourd’hui. Cela a manifestement contribué aussi à désorganiser un système en place au plus mauvais moment (mais on est toujours plus malin après qu’avant…). Soit dit en passant, notre cher Premier Ministre n’a en 20136)alors qu’il était encore ministre de l’Intérieur pas remis en question la dite-réforme mais s’est au contraire inscrit dans sa continuité. Balayons ainsi les critiques politiciennes qui ne mènent à rien, et intéressons-nous au fond.
Comment prévenir l’imprévisible ?
Tout n’est pas imprévisible, certains attentats auraient probablement pu être évités ou atténués comme c’est le cas du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, du fait du cloisonnement des administrations américaines de sécurité ou du renseignement, ou probablement des attentats de Paris si les services de renseignement inter-états avaient mieux coopéré (sur l’arrestation des fuyards en Belgique notamment). Cela met indéniablement le doit sur des dysfonctionnements qu’il faut corriger au plus vite.
Mais si l’attentat de Nice était réellement une « radicalisation express » – l’enquête le dira – , alors comment aurions-nous pu prévenir une telle tragédie ?
On a vu fleurir dans les propositions politiques des absurdités sans nom. Je ne parlerai pas du lance-roquette (trop tard…), on n’imaginera pas non plus parquer tous les rassemblements publics avec des plots de béton, qui n’éviteraient de toute manière pas d’autres types d’attaques : la créativité des malfaisants est malheureusement sans faille.
Il y a selon moi au moins deux axes à approfondir :
- gérer les menaces « probables et connues » beaucoup mieux,
- continuer d’améliorer le renseignement.
Les menaces connues ou probables
Le renseignement fait déjà bien son boulot dans bon nombre de cas, et c’est vers la justice et au le courage politique qu’il faut se tourner. Nous pourrions parler de la radicalisation dans nos prisons, des zones de non-droit, de certains fichés S, de mosquées salafistes non contrôlées, de leurs imams connus mais restant en France, etc.
Il est clairement possible dans ces cas-là de faire des choses, et c’est probablement un manque de moyen de la justice qui empêche d’aller plus vite. C’est donc au politique – et aux citoyens qui les élisent – d’augmenter radicalement ces priorités pour que les problèmes déjà connus soient approfondis, et réglés au plus vite.
Améliorer le renseignement
Et comme on sait malheureusement que Daesh excelle sur les réseaux sociaux (où soit dit en passant les policiers n’ont pas le droit d’intervenir sous pseudonyme ! encore un frein rapide à lever !) et sur Internet, la tentation est grande de prendre le virage d’un Internet complètement espionné, où tout citoyen sera a priori soupçonné. Et le risque de légiférer dans un tel moment d’émotion est qu’il sera indécent pour tout français de s’opposer à de telles mesures.
Cela pose donc la question existentielle de la concession des libertés individuelles ou collectives à la sécurité… question à laquelle il serait trop long de répondre ici.
Le rôle des politiques et du chef de l’Etat
Il est indéniable que lors des attentats de Charlie Hebdo, la classe politique française – et mondiale – a été dans son immense majorité très digne. Ça n’était pas la première fois que le terrorisme islamique frappait en France, mais le symbole était fort, la réponse l’a été tout autant.
Mais depuis Charlie, tout ou presque – dans la réponse politique – a été raté. On a vu l’interminable et inutile débat sur la déchéance de nationalité, des votes de lois liberticides, les prolongations de l’Etat d’urgence qui manifestement n’a rien solutionné, des annonces de « renforcement de dispositifs » qui étaient censé être déjà à leur plus haut niveau. Et j’en passe.
Bref, une réponse d’un pouvoir politique qui semble complètement perdu, pris entre la pression du peuple à qui les sirènes du populisme susurre des réponses caricaturales, et la réalité politique d’une fin de mandat raté empêchant toute initiative courageuse.
J’aurais aimé voir du volontarisme politique, mais notre François Hollande en tête, et la classe politique derrière lui, de gauche comme de droite, n’a pas relevé ce défi, et le paiera dans les prochains mois.
Le dernier exemple en date est la création de la médaille aux victimes du terrorisme…
.@fhollande a souhaité la création d'une médaille manifestant l'hommage de la Nation aux victimes du terrorisme https://t.co/cbJJvmm2iu
— Élysée (@Elysee) July 13, 2016
Je vous relaie en réponse le billet de Jérôme Godefroy qui résume bien ma pensée (Gardez votre médaille) :
On fait quoi alors ?
Face à ces problèmes et ces différentes facettes d’un même phénomène, c’est – au-delà de l’Etat – à chaque citoyen qui doit se positionner, et ce billet est ma manière de commencer à le faire. De se renseigner et de s’éduquer (n’hésitez à piocher dans la bibliographique que je vous proposais), pour pouvoir poser des choix éclairés dans le quotidien, dans chaque discussion, et dans les prochaines échéances électorales.
Il est indéniable que malgré toutes les bonnes volontés et avec les meilleurs services de renseignement, ces tragédies se renouvelleront. Doit-on vivre dans la peur pour autant ? Doit-on arrêter de sortir, de participer à des rassemblements ?
Probablement pas, ou pas complètement. Pour ma part – et cela a changé depuis que je suis père de famille – je pense que je serai d’avantage prudent, peut-être trop, et peut-être est-ce déjà une petite victoire des terroristes, en évitant quelques situations qui me paraîtront plus risquées que d’autres. Sans forcément de critère objectif.
Ce qui est certain c’est que nous devrons apprendre à vivre un peu avec, en travaillant le fond pour que le monde que dans la durée, les idées puissent gagner, et que le nous laissions à nos enfants s’améliore un peu. J’espère.
Portez vous bien.
References [ + ]
1. ↑ ou de m’allumer méchamment dans les commentaires
2. ↑ Vous pouvez mettre des commentaires directement dans le document pour que je corrige les erreurs ou oublis le cas échéant
3. ↑ sauf cas extrême de légitime défense, hors sujet ici
4. ↑ Comme dans la Bible me direz vous, si ce n’est que ça n’est en rien comparable : la Bible n’est pas dictée par Dieu, et donc l’interprétation en est la base, particulièrement l’interprétation historico-critique pour les textes les plus violents qui sont aussi les plus anciens, par opposition aux Evangiles, mais ça n’est pas le sujet de ce billet.
5. ↑ ce que des siècles de tradition musulmane contredisent
6. ↑ alors qu’il était encore ministre de l’Intérieur