"L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi -vers l'autre là-bas, comme nous égaré dans le noir."
Dans ces courts textes lumineux, Christian Bobin nous invite à porter attention au monde qui nous entoure.
Dans le premier il écrit "Une lettre à la lumière qui traînait dans les rues du Creusot , en France, le mercredi 16 décembre 1992, vers quatorze heures.", louant ainsi un monde personnifié vivant qui répandrait la joie dans le coeur de celui qui aura su saisir la beauté de l'instant.
"Ecrire des lettres d'amour est, certes, un travail peu sérieux et sans grande importance économique. Mais si plus personne ne l'exerçait, si personne ne rappelait à cette vie combien elle est pure, elle finirait par se laisser mourir -vous ne croyez pas ?" p. 16
Vivre pleinement l'instant, cela signifie aussi lutter contre les maux de notre époque comme cette fuite en avant du temps, "La vraie vulgarité de ce monde est dans le temps, dans l'incapacité de dépenser le temps autrement que comme des sous, vite, vite, aller d'une catastrophe aux chiffres du tiercé, vite glisser sur des tonnes d'argent et d'inintelligence profonde de la vie, de ce qu'est la vie dans sa magie souffrante, vite aller à l'heure suivante et que surtout rien n'arrive, aucune parole juste, aucun étonnement pur." p. 21 Le Mal
La légèreté de l'instant se retrouve dans l'innocence de l'enfant qui vit seulement ici et maintenant, et peut par l'imagination s'évader au-delà des frontières closes du réel. Dans "Le thé sans le thé", l'écrivain s'évade d'une conférence soporifique pour aller jouer avec des enfants, et dans 'Une fête sur les hauteurs', les enfants tutoient les anges de la mort, instinctivement, en lançant les conventions par dessus tête, ils rendent un dernier hommage fleuri à une aïeule décédée.
Par le pouvoir de l'écriture qui évoque plus que les images, l'écrivain grave dans les mots la beauté transcendante de ses rencontres, et les plaisirs minuscules qui embellissent la vie, comme celui de nager dans un étang, en se laissant porter par le courant, comme en apesanteur ( "Elle ne vous fait plus peur")
"Il nous faudrait apprendre à compter un par un chaque visage, chaque vague et chaque ciel, en donnant à chacun la lumière qui lui revient dans cette vie obscure." p. 111 "L'inespérée"