Nicolas Cage a beau avoir disparu des écrans de radar des salles de cinéma française, il vit une seconde carrière en direct-to-vidéo. Après La sentinelle, consternant film d’espionnage revanchard, l’acteur remonte fortement dans notre estime avec un petit polar qui commence sur des accents jazzy de maraude pour sombrer peu à peu dans le blues du cambrioleur. Premier film des frères Breller, Benjamin et Alex de leurs petits noms, Le casse, qui sortira le 3 août 2016, est une surprise agréable et inattendue.
Jim Atone (Nicolas Cage que l’on a donc vu dans La sentinelle) et David Waters (Elijah Wood) sont deux flics de Las Vegas à la ramasse que leur hiérarchie ignore. Alors que Jim est convaincu d’avoir mis au point un système informatique de pointe pour la police scientifique, il travaille aux saisies et à la fourrière. David est un de ces subordonnés. Lorsque Jim sent un coup fourré derrière une caution exorbitante, il décide d’embringuer son collègue dans un casse, pour changer de vie.
David (Elijah Wood) et Jim (Nicolas Cage)
Exit le jeu cabotin des dernières œuvres de Cage, plus en retenu l’acteur réussit à donner du corps à son personnage, légèrement décalé, toujours à deux doigts de sombrer dans la folie douce, sans pour autant devenir caricatural. C’est un d’ailleurs le sujet d’un étonnement véritable. Face à lui, Elijah Wood interprète un personnage plus effacé, servant efficacement de balance, apte à faire basculer le récit d’un registre comique au drame intime. Le casse débute tout doucement, comme un lendemain de cuite, et situe immédiatement sa trame narrative dans un univers subtilement transgressif. Jim part bosser comme un va-t-en guerre, alors même qu’il n’est qu’un subalterne tandis que David se lève à reculons, campant un loser immédiatement identifiable, quittant une prostitué. Le premier semble sur de lui tandis que le deuxième est sans appel un pauvre type. Le traitement, pourtant très sérieux du récit d’une part, se nimbe d’irréalité par l’irruption discrète de l’absurde qui se niche toujours à l’arrière plan. Comme, par exemple, cette tentative de fuite d’un voyou alors que Jim et son supérieur discutent et ne s’aperçoivent de rien, en scène d’ouverture, établissant le ton du long-métrage.
David (Elijah Wood)
S’ensuit un glissement progressif des rôles, rehaussé par les soubresauts intempestifs du leader, un poil dérangé, parfois froidement violent, dont la dangerosité perle pour distiller une tension permanente. Cette ambiance particulière fait tout le sel du film qui oscille entre thriller et drame teinté de comédie douce amère. Pour le reste, Le casse développe un discours moral assez convenu fixant les limites éthiques des apprentis cambrioleurs à des échelles différentes, transformant peu à peu l’expérience en calvaire pour l’un et en catharsis pour l’autre. Les frères Brewer arrivent ainsi à nous maintenir en haleine, car sachant bien qu’un dérapage aura lieu, on est bien en peine d’en saisir la teneur avant qu’elle se dévoile. Forcé de condamné les agissements de Jim, le spectateur ne peut qu’être touché par la compassion de David, tout en s’angoissant qu’elle ne le fasse courir à sa perte. Drôle de film de cambriolage que ce thriller plus psychologique que spectaculaire, laissant poindre les failles de ces personnages, les mettant à nue sans trop en dire, figures identifiables et pourtant au goût d’inédit. L’imagination est à l’honneur tant l’ennemi et les dangers encourus semblent longtemps présents et insaisissable à la fois.
Sky Fereira que l’on a vu dans The Green Inferno
Le casse est une première réalisation réussie, à la réalisation soignée, et au tempérament affirmé. Sans grande prétention, ce premier film sobre laisse envisager un futur prometteur pour les jeunes réalisateurs, à suivre de près pour voir si le coup d’essai se transforme en coup de maître.
Boeringer Rémy
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