Pour rappel, The Neon Demon est la dernière réalisation en date du cinéaste danois Nicolas Winding Refn, à qui l’on doit notamment Drive et Only God Forgives. Présenté à Cannes au mois de mai, le film s’intéresse à l’histoire de Jesse, interprétée par Elle Fanning, une jeune fille qui débarque à Los Angeles dans l’espoir de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.
Dans The Neon Demon, plus que dans ses autres films, Nicolas Winding Refn use abondamment de métaphores, références, symboles et autres mythes. Et si certains sont plutôt évidents, d’autres sont en revanche plus subtils. Dans cet article, qui ne se veut en aucun cas exhaustif, je m’efforcerai d’évoquer quelques-uns d’entre eux. L’objectif étant d’offrir à ceux qui le souhaitent des pistes de réflexion afin de prolonger l’expérience de visionnage, et pourquoi pas d’ouvrir le débat. Avant d’aller plus loin, il me paraît toutefois bon de m’arrêter, pour commencer, sur le titre du long-métrage. Concrètement, que désigne le fameux « Neon Demon » ? Plusieurs interprétations sont possibles. Il peut s’agir de l’omniprésent triangle inversé, symbole de féminité, de virginité et d’innocence. Ou encore du lieu où se déroule l’histoire (Los Angeles), une ville lumineuse et brillante qui vous dévore à petit feu et vous recrache une fois qu’elle en a finit avec vous. Enfin, Jesse elle-même peut également être perçue comme le « Neon Demon », son personnage symbolisant à lui seul toutes ces facettes. A en croire les déclarations du réalisateur en interview, le « Neon Demon » désigne d’ailleurs bien Elle Fanning.
Toutes trois sont en quête, pour différentes raisons, d’une chose précieuse que Jesse possède : la beauté naturelle (innocence, virginité, jeunesse…). Et plus l’histoire évolue, plus on s’aperçoit qu’elles ne reculeront devant rien pour s’en emparer. Ainsi, en même temps que Jesse assume progressivement sa beauté, le danger qui l’entoure (et qu’elle représente également pour les autres) devient de plus en plus perceptible à l’écran, faisant petit à petit basculer le film dans l’horreur. Plusieurs éléments symbolisent ce danger naissant. Le plus évident de tous étant peut-être l’utilisation spécifique des couleurs, en particulier le rouge qui apparaît dans pratiquement toutes les scènes où Ruby intervient. Cette dernière constitue d’ailleurs un personnage clé du film puisque, de par son métier, elle a une relation particulière à la mort, autre thématique maîtresse du long-métrage. Par opposition, la couleur bleue renvoie, quant à elle, plutôt à des instants narcissiques où Jesse se contemple/est contemplée. Dans cet esprit, la scène centrale de défilé qui voit la couleur virer du bleu au rouge à mesure que Jesse s’abandonne à son apparence physique prend subitement toute sa signification.
Enfin, le dénouement sanglant du film renvoie aussi inévitablement à l’histoire d’Elisabeth Bathory, comtesse du 16e siècle condamnée pour avoir tué de nombreuses jeunes femmes, principalement vierges. La légende raconte en effet qu’elle était tellement obsédée par sa beauté qu’elle se baignait dans le sang de ses victimes pour enrayer sa vieillesse. Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Ruby, à la fin, qui se baigne dans le sang de Jesse pour assouvir un désir qu’elle ne lui a pas octroyé de son vivant. De la même façon, Gigi et Sarah consomment, elles aussi, littéralement la beauté de Jesse en la dévorant. Et si pour Sarah, véritable top model fantomatique, l’expérience est réussie, Gigi, quant à elle, voit son corps refuser la transition en recrachant l’œil de l’héroïne. Comme si la beauté factice avait ses limites, au même titre que la culpabilité. Un sentiment de culpabilité que ne connaît pas Sarah puisque celle-ci ne se gêne pas pour récupérer l’œil et l’ingurgiter. Pour la petite histoire, l’œil peut d’ailleurs renvoyer à une précédente déclaration de Jesse, qui confessait à son petit ami qu’elle voyait la lune (celle-là même qui apparaît à plusieurs reprises dans le film) comme un œil qui l’observe.
En conclusion, vous l’aurez compris, si The Neon Demon est un film qui se vit plus qu’il ne s’explique, il dispose néanmoins d’une richesse formelle (et scénaristique) qui offre une belle base de réflexion à tous ceux qui souhaitent prolonger l’expérience. J’espère que cet article vous aura permis d’en prendre conscience et, pourquoi pas, de mieux appréhender certains concepts-clés. Comme d’habitude, n’hésitez pas à réagir par commentaire si vous avez des questions, des remarques ou même, qui sait, une approche différente de la mienne.