Nous vivons dans un univers hyperconnecté où les moyens de communication n’ont jamais été aussi nombreux et variés. On constate toutefois, paradoxalement, que la qualité de nos échanges avec les autres se détériore. Privilégiant la brièveté du message, son instantanéité, son accès au plus grand nombre (via les texto et les réseaux sociaux), nous en oublions souvent l’essentiel, en d’autres termes le contenu, la précision, la réflexion, le sens de la nuance, l’impact que produira le message sur ceux auxquels il sera destiné. Les nouvelles technologies parviennent même à faciliter une vie sociale sans contacts direct, donc, d’une certaine manière, déshumanisée, qu’il aurait été impossible d’imaginer il y a vingt ans. Un Finlandais, auquel je demandais un jour lors de l’un de mes cours de management interculturel comment il pouvait définir le plus fidèlement possible ses compatriotes dont la culture introvertie est légendaire, me répondit fort sérieusement : « c’est quelqu’un qui est assis dans un bar devant une bière et qui communique par SMS avec son meilleur ami, assis devant une bière dans le bar d’à côté… »
Tous ces nouveaux modes de relation, en dépit de leur modernité et de leur utilité, créent des conséquences fâcheuses. Nous accordons davantage d’importance à ce que nous disons qu’à ce que l’on nous dit, nous nous soucions assez peu d’être parfaitement compris et nous restons médusés ou agacés si notre interlocuteur semble mal réagir à nos propos. Henri Jeanson disait : « Méfiez-vous de votre première impression, c’est toujours la bonne, surtout quand elle est mauvaise. » Il suffit de lire les commentaires « à chaud » de certains politiques habitués à tweeter sous eux face aux événements les plus divers pour en trouver la confirmation ; ils n’ont toutefois pas le monopole des réactions dénuées d’analyse.
Ces questions relatives à la communication font l’objet d’un essai de Marie Andersen, Tout s’arrange avec des mots (Hugo et Cie, 253 pages, 17 €). Le titre pourrait sembler bien optimiste au regard des conflits et autres incompréhensions qui parasitent les relations humaines; il n’en ouvre pas moins d’intéressantes perspectives. Articulé en quatre chapitres, l’ouvrage prodigue des conseils pratiques qui pourraient se résumer ainsi : « Bien écouter, bien s’exprimer et bien communiquer nécessitent des attitudes réfléchies et conscientes, différentes de celles qui président à la discussion spontanée. » L’auteure souligne avec raison que le rapport entre l’émetteur et le récepteur d’un message se révèle beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, puisque l’un doit trouver les mots justes pour exprimer fidèlement sa pensée quand l’autre perçoit le message à travers des filtres qui lui sont propres et dépendent de son histoire, de son éducation, de sa personnalité, etc. J’ajouterai bien sûr, de sa culture. La question du ton, du langage non verbal (gestuel) sont encore des paramètres de nature à infléchir, voire à contredire, le sens de ce message. Il faut en tenir compte. Le livre se présente donc comme une invitation à une meilleure connaissance de soi, au développement de l’écoute des autres, à choisir avec soin son mode d’expression et à éviter les écueils les plus fréquents de la communication. De nombreux exemples, issus de la vie courante ou de l’expérience de Marie Andersen – une psychologue clinicienne – ponctuent régulièrement le texte qui, de son côté, ne sombre pas dans la complexité ni l’abstraction que l’on aurait pu redouter.
Sans doute beaucoup de conseils, y compris quelques méthodes proposées, sembleront frappés au coin du bon sens. Pour autant, ils fourniront des pistes de réflexion, dans la mesure où notre mode de vie, marqué par l’immédiateté et, bien souvent, le tout-à-l’ego, ne réserve à ce bon sens qu’une part de plus en plus réduite.