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Salam Toubib, chronique d'un médecin appelé en Algérie, 1959-1961 - chronique d'une chronique !

Publié le 19 juillet 2016 par 7bd @7BD
couverture de Salam Toubib de Dallanges et Védrines chez Delcourt Titre: Salam toubib, chronique d'un médecin appelé en Algérie, 1959-1961
Auteurs : Claire Dallanges (scénario) Marc Védrines (dessin)
Editeur : Delcourt Collection : Mirages Année : 2016 Pages : 160

Résumé : Avril 1984, Paris. Pauline prépare son bac. Elle doit descendre en Touraine avec son père pour la fête familiale de Pâques. Guère réjouie à l'idée de retrouver cet homme fermé et peu bavard, elle se résigne à son sort et se prépare à un ennuyeux voyage en train. Un événement inattendu va changer la donne de ce trajet. Pauline retrouve son père à la gare, comme convenu mais la petite famille se fait violemment agressée par un voyou armé d'un couteau. Le père de Pauline, vif comme l'éclair, réussit à maitriser son adversaire. Mais comment ce vieux chef de PME a-t-il réussi cet exploit ? Pauline va creuser et forcer son père à sortir de son éternel silence. Pendant ce long voyage en train, le vieil homme va céder petit à petit et lui raconter son service militaire, en Algérie, en 1959... Mon avis : Une histoire découpée en cinq actes qui nous raconte, au rythme des arrêt du train, ce qu'a représenté la guerre d'Algérie pour ce médecin parti volontairement sous les drapeaux. Gilles Tardieu est issu d'une famille aisée. Son choix va non seulement heurter les siens mais aussi son entourage. Rien n'y fait, le jeune homme ne démord pas et part faire ses trois jours. Et le voilà enfin en route pour ce pays, avec la volonté de comprendre les enjeux de ce que personne n'ose appeler « guerre ». Nous allons suivre Tardieu de poste en poste, de régiment en régiment, de découvertes en déceptions. J'ai eu du mal à me retrouver dans le personnage du docteur Tardieu. Même si l'on en comprend les raisons à la fin de l'histoire, la distance et la réserve que dégage cet homme, plus ou moins marquées en fonction des âges de sa vie, m'a éloigné de lui. Pour moi, l'émotion ne naît pas du personnage mais des situations qu'il rencontre. Les situations que crée cette guerre. Si vous ne connaissez rien au conflit, vous en découvrirez les impacts sur les appelés autant que sur les Algériens d'origine. Si vous avez suivi parfois les débats sur cette guerre, vous n'apprendrez guère plus que ce que votre curiosité vous aura fait découvrir avant.

Pour ma part, j'ai découvert des détails qui rappellent le contexte historique et social. N'ayant pas de surprise avec les événements et peu d'affinités avec le personnage central, j'ai effectivement lu cette BD comme une chronique, comme le regard d'un témoin à la limite, sur la ligne de frontière, puisque le docteur Tardieu soigne autant les soldats Français que la population Algérienne. Pauline reste un personnage bien plus attachant, bien plus vivante par son envie de mieux connaître son père, son envie d'en savoir plus sur cette période. Créer un lien, voilà son objectif ! Y parviendra-t-elle ? C'est la question qui trouvera réponse à la fin de cet album, d'une manière inattendue. Après, la guerre d'Algérie reste une guerre, avec tout ce qu'elle a de dégoûtant et d'horrible. Alors oui, on parle de la torture, des embuscades, des assassinats, de la guerre et de l'incompréhension qu'elle provoque. Oui, le pont est fait avec l'Indochine qui s'est fini quand le FLN a lancé se premières attaques. Oui, le regard d'un médecin est original, mettant à jour un nouvel angle de vue mais les thématiques restent similaires à ce qu'on a pu voir au cinéma, ou lire avant. C'est un sujet difficile. Le plus important reste ce pont dressé entre deux générations, une qui n'a connu que la paix et l'autre qui est passée par trois conflits armés ! A mes yeux, cette tentative de percer le mur est plus intéressante que ce qu'il y a derrière le mur. C'est sans doute ce à quoi peuvent se confronter beaucoup de gens de notre génération. D'ailleurs, pour écrire cet ouvrage, Claire Dallanges s'est inspiré de sa propre expérience et des confessions qu'a accepté de lui faire son père. Bien sûr, tous les noms ont été changés pour le respect de tous. Et c'est cette humanité qui ressort plus dans le récit, le combat d'une fille pour entrer dans le monde de son père, pour mieux le comprendre, pour mieux l'aimer. Finalement, le docteur Tardieu va découvrir qu'il peut recevoir de Pauline autant qu'il peut lui donner. page extraite de Salam Toubib de Dallanges et Védrines chez Delcourt Marc Védrines assure les dessins de cette chronique. Ses personnages semi-réalistes savent se montrer expressifs et vivants. Les décors sont dans la même veine. Réalistes dans leur trait, ils gardent une partie allégés, où le trait se fait plus souple sur certains détails pour insister sur d'autres, trouvant ainsi une harmonie suffisante pour soutenir le récit du docteur Tardieu. Les couleurs oscillent entre les palettes bleues de la nuit qui entoure le train du voyage et l'ocre de ce désert flamboyant où a vécu Gilles Tardieu. Elles savent parfaitement rendre la chaleur écrasante, les mois plus doux de cette Algérie en guerre. Les pages sont composées de une à cinq bandes de une à trois cases. Si le premier chapitre garde une forme aérée avec ses pages de trois bandes, en gros, les choses s'accélèrent dès le deuxième acte où les pages de quatre, voire cinq bandes deviennent plus présentes. En effet, on entre dans le vif du sujet historique et les événements vont s'enchaîner, malgré parfois l'ennui qu'éprouve Tardieu dans ces affectations isolées. Le cadrage passe aisément des plans larges, nous faisant découvrir ces décors vastes et ensoleillés où Marc Védrines sait rendre l'ampleur d'un espace magnifique, à des plans plus serrés sur les personnages. Là, le dessinateur parvient à faire ressortir une émotion au coin de l'oeil. Pourtant, son trait garde un style particulier, qui donne cet air naïf aux personnages. Salam Toubib est émouvant pour son histoire humaine, celle d'une jeune fille qui cherche à percer la carapace que s'est construite son père. La BD est intéressante pour son regard historique sur la période, le moyen de découvrir la guerre d'Algérie mais pour moi, il manque un trait qui rend le docteur Tardieu attachant, même si une révélation finale nous l'humanise beaucoup. Mais elle n'arrive qu'à la fin... Zéda aurait aussi connu la guerre d'Algérie... Salam Toubib, chronique d'un médecin appelé en Algérie, 1959-1961 - chronique d'une chronique ! David
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