Ce qui tue la politique, et a tué l'Europe

Publié le 18 juin 2008 par Edgar @edgarpoe
C'est un document dont la dernière édition s'appelle :  "Recommendation for a COUNCIL OPINION in accordance with the third paragraph of Article 5 of Council Regulation (EC) No 1466/97 of 7 July 1997 On the updated stability programme of France, 2007-2012".

Ce document périodique sert à apprécier la conformité de la politique macro-économique de la France aux règles du pacte de stabilité.

Petit rappel : pour apprécier la politique économique de qui que ce soit à l'aune du pacte de stabilité, il faut admettre que l'alpha et l'omega d'une bonne politique macroéconomique consiste à avoir moins de 2% d'inflation (même avec un pétrole qui fait +20% chaque année), moins de 3% de déficit public (et même beaucoup moins pour se préparer au pire) et moins de 60% d'endettement. Rappel 2 : ni le Japon, ni la Chine, ni les Etats-Unis ne rentrent dans ces critères, mais il semble que, comme la radioactivité du nuage de Tchernobyl, les règles de la macroéconomie s'arrêtent à la frontière de la zone euro.

Dond, appréciée à l'aune du pacte de stabilité, la politique française doit être infléchie dans le sens suivant (je traduis, mais je dois noter auparavant qu'il est SCANDALEUX que ce texte, qui sert de guide à l'ensemble de notre politique économique, ne soit disponible qu'en anglais sur le site de feue l'Union européenne).

la France est donc "invitée à :

(i) accroître considérablement le rythme de l'assainissement (
consolidation) budgétaire et de la réduction de son endettement pour s'assurer d'une marge satisfaisante de sécurité sous la limite de 3% de déficit et faire en sorte que les objectifs de moyen terme soient atteints en 2010, ceci contribuant de façon décisive à la soutenabilité de long terme des finances publiques.

(ii) appliquer les régles existantes de contrôle de la dépense publique et étendre leur portée à tous les secteurs de l'activité publique pour garantir le respect du plan pluriannuel de réduction des dépenses publiques.

(iii) progresser dans les réformes structurelles, pour accroître la croissance potentielle et limiter la dépense publique
".

Voilà, c'est fini. "chômage" ? non. "pauvreté", non plus. "crèches" ? Ah ah ! "éducation" I beg your pardon ? Vous voulez parler d'éducation à l'économie des réformes structurelles, je présume ? Aucun de ces termes ne figure parmi les recommandations qui nous sont faites.

L'économie vue par Bruxelles, c'est la pensée du Trésor telle que dénoncée par Keynes, de la merde intellectuelle, certes emballée dans un bas de soie avec une étiquette en anglais.

Car enfin, les réformes structurelles n'ont jamais relancé la croissance et la réduction des dépenses publiques ne peut pas être un objectif en soi. La politique économique à laquelle nous contraint l'Europe est nulle, et s'assimile au clystère des médecins de Molière.

Ce qui est plus gênant, c'est que les mêmes lignes auraient été écrites, par les mêmes fonctionnaires, Ségolène Royal eût-elle été élue présidente de la République. Que demain Moscovici, Hollande ou n'importe quel candidat PS soit élu, et il devra passer sous les mêmes fourches caudines et tordues.

En cela, je ne comprends pas que le PS s'entête, contre la volonté même de la majorité de ses sympathisants, à louer le génie de la démarche européenne. (Pour Mosco, ça ne m'étonne pas. Depuis que je l'ai entendu, comme enseignant, plaider qu'il existait un déficit d'épargne mondiale, je sais qu'en économie il est de droite).

Elle est là la paresse intellectuelle du parti dit socialiste, pas dans les débats sur le libéralisme ou le Bade Godesberg auquel le PS s'auto-invite chaque année.

Et même la gauche dite extrême ne me semble pas réaliser à quel point la première chose à faire pour évoquer ce que peuvent faire ensemble les pays européens, c'est de sortir de l'Europe actuelle. En dehors de cela, point de salut.

*

Post scriptum : certains bons esprits me diront que le document cité n'est qu'un texte émanant de la Commission, et que le texte final du Conseil peut-être différent. En réalité, l'avis définitif du Conseil est sorti après que j'ai lu les préconisations, et ce que j'ai traduit est l'avis définitif. Vous pouvez comparer, c'est à 90% identique à la recommandation initiale, et c'est plutôt infléchi dans un sens restrictif par rapport au texte initial de la Commission.