Festival d’Avignon 2016

Publié le 13 juillet 2016 par Morduedetheatre @_MDT_

Ayant raté le Festival l’année dernière à cause de mes oraux, je n’étais que trop impatiente de revenir : la chaleur, l’ambiance, et les 4 pièces par jour me manquaient cruellement. Cette année, je ne reste que 4 jours au Festival, mais je compte en profiter au maximum !

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Fabrice Luchini et moi – Théâtre Actuel

Premier spectacle de ce Off 2016 : choisi un peu au hasard pour son titre accrocheur, je retrouve avec plaisir le Théâtre Actuel, l’un de mes lieux préférés du Off. Je ne sais pas à quoi m’attendre ; je n’ai rien lu sur le spectacle. Olivier Sauton entre et nous raconte comment il a rencontré Fabrice Luchini dans les rues de Paris, un soir à 3h du matin. Il imagine alors ce qui aurait pu suivre s’il avait demandé à Luchini des cours particuliers : et là entre sur scène, par l’intermédiaire d’Olivier Sauton, Fabrice Luchini. Ce n’est pas la meilleure imitation vocale que l’on connaisse, mais c’est sans aucun doute l’une des meilleures reproductions faciales des exagérations du regards, et des mimiques incessantes de l’acteur. Mieux encore, pendant toute la représentation, les répliques de Luchini sont plus que fidèles à lui-même : c’est comme si le texte n’avait pas été inventé, mais bien reproduit à partir d’une rencontre réelle. Les punchlines de Luchini, qui sonnent tellement justes, entraînent la salle dans un rire général, et le désarroi d’Olivier Sauton, alors jeune homme imbu de lui-même, ajoute au contraste des deux personnages.

Fabrice Luchini dans le Off, c’est rare, alors courez-y ! ♥ ♥ 

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Adieu Mr Haffmann – Théâtre Actuel

Grégori Baquet dans le Off, c’est immanquable. Il revient cette fois-ci avec une création dans lequel il n’est pas seul en scène : dans Adieu Mr Haffman, il interprète Pierre, un bijoutier qui va reprendre la boutique de son patron juif lors de l’occupation nazie, en acceptant de le cacher chez lui à une condition : qu’il fasse un enfant à sa femme, lui-même étant stérile. Devant ce canevas improbable, j’avoue avoir eu un moment de doute. Pourtant, la pièce nous emporte tout de suite : bien qu’étonnante, l’histoire est remarquablement construite et écrite par Jean-Philippe Daguerre, qui la met également en scène de manière rythmée et très intéressante. Le suspens est haletant, et lorsqu’arrive la scène culminante de la pièce, un certain malaise s’installe en nous. Pour équilibrer ces sentiments, quelques doses d’humour, parfois cynique, sont insérées dans la pièce et produisent un effet immédiat. Les acteurs portent la pièce avec brio : j’ai retrouvé avec plaisir Grégori Baquet, toujours excellent, et découvert avec tout autant de ravissement ses partenaires, tous brillants. Ce n’est pas une énième pièce sur la seconde guerre mondiale, mais un regard nouveau qui présente des affrontements passionnants, et mon coup de coeur du Off 2016.

Un must see. ♥ ♥ 

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Marc-Antoine Le Bret fait des imitations – Le Palace

C’est agréable de retrouver Marc-Antoine Le Bret en-dehors d’On n’est pas couché – où je l’ai découvert. Même dans la grande salle du Palace, que je découvrais pour l’occasion, on se sent un peu entre amis. En tout cas, le public est connaisseur, et moi aussi : à peine reconnais-je Laurent Delahousse que je pars dans un fou rire. Marc-Antoine Le Bret n’est pas le plus grand imitateur que je connaisse – je lui préfèrerais Laurent Gerra – mais il a ses grandes imitations : lorsqu’il devient Delahousse, Ladesou, ou Yann Moix, je ris aux larmes. Son point fort n’est pas la voix mais plus la personnalité, qui, poussée à la caricature parfois, donne un très bon résultat. Seul petit reproche : comme l’indique le titre du spectacle, Le Bret fait des imitations. Le lien qui les unie n’est qu’une vague excuse au dévoilement de sa large palette d’imitations, et j’aurais apprécié un spectacle plus construit, peut-être plus recherché. Mais il est encore jeune, et son spectacle a le temps d’être perfectionné !

Une bonne soirée !  

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Pourquoi ? – Théâtre du Roi René

Déçue de l’avoir raté lorsqu’il était au Petit Hébertot, j’ai profité de ce Festival pour découvrir Michaël Hirsch et son seul en scène : Pourquoi ? Sage décision ! Le jeune comédien donne corps et âme dans ce spectacle qui, quant à lui, fait appel aux cellules grises du spectateur : Michaël Hirsch a écrit un one rythmé autour des grandes questions de l’existence, agrémenté de jeux de langages disséminés un peu partout. Même si la concentration est de mise pour ne pas louper un seul jeu de mot, la salle ne cesse de rire d’un bout à l’autre du spectacle : deviner le mot d’esprit devient un jeu pour tous les spectateurs, et Michaël Hirsch s’amuse à nous voir comprendre, plus ou moins rapidement, ses différents calembours. Et on le laisse poéter plus haut que son cul car c’est si agréable de se faire balader ainsi de questions en questions en écoutant une langue manipulée avec autant de style, d’humour, et d’amour.

Voilà qui saura enchanter les amoureux de la langue ! ♥ ♥ 

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Ivo Livi – Théâtre des Carmes

Voilà également un pèlerinage obligatoire : la Team Rocket cie est un immanquable de mon Festival. Si le Cabaret Blanche était sympathique l’an dernier, plus grâce à leur talent qu’au spectacle en lui-même, ils reviennent plus en forme que jamais avec Ivo Livi, un tracé de l’histoire d’Yves Montand. Pour les initiés comme ceux qui ne connaissent que peu de chose sur sa vie, ce spectacle est une merveille : très bien écrit par la Team Rocket eux-même, excellemment mis en scène par Marc Pistolesi et remarquablement interprété par les différents comédiens, j’ai trouvé ici mon deuxième coup de coeur du Festival. Si je connaissais le travail de la troupe, je découvre avec plaisir la mise en scène de l’acteur et lui tire mon chapeau, notamment pour la scène finale d’une poésie magnifique, qui fait monter les larmes aux yeux. Le spectacle retrace fidèlement à la vie du chanteur, très élégant face à certains aspects de sa vie, agrémenté bien sûr des chansons qui ont marqué les différentes étapes de sa carrière. Ajoutons à cela la sauce Team Rocket, dirigés d’une main de maître par un Ali Bougheraba qu’on ne présente plus, et le spectacle se conclut par une standing ovation spontanée, et tellement méritée.

Courez les applaudir, voilà un petit bijou. ♥ ♥ 

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Voyage dans les mémoires d’un fou – Pixel Avignon

Encore un spectacle que j’avais raté sur la capitale et que je ne voulais pas manquer maintenant qu’il passe à Avignon ! Dans son Voyage dans les mémoires d’un fou, Lionel Cecilio interprète un jeune homme qui apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable, et mortelle. Il se réfugie dans l’écriture, dans le partage de souvenirs – mais sont-ce réellement des souvenirs ou le simple fruit de son imagination ? Pour calquer sur l’esprit agité du personnage, ses différents écrit – de styles parfois opposés – sont accompagnés d’ambiances changeantes, dont l’enchaînement est brusque, autant que les sujets abordés sont nombreux : de la religion à l’apprentissage de la langue en passant par la contradiction d’un apprentissage bête et méchant à l’école, Lionel Cecilio traite de nombreux sujets avec une plume très acérée, et interprète ses différents personnages et leurs particularités avec brio.

Un moment intense, mené d’une main de maître par un acteur brillant.  

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L’enseignement de l’ignorance – Pandora

C’est attirée par les critiques élogieuses du spectacle et la thèse intéressante de l’essai duquel est tirée la pièce que j’ai découvert ce spectacle, joué au Pandora durant le Festival. Voilà un spectacle bien particulier : l’auteur du spectacle veut avant tout nous faire réfléchir quant à la thèse de Jean-Claude Michéa – selon laquelle l’État aurait pour but non plus d’enrichir nos esprits mais bien plus de nous rendre ignorants, et ainsi moins propices à un quelconque mécontentement qui pourrait conduire à des révoltes – et c’est la raison pour laquelle les 10 premières minutes du spectacle sont uniquement lues sur l’écran qui constitue le fond du décor. Nous voilà mis en condition – la suite du spectacle appuiera les questions posées, interrogeant le spectateur en essayant d’aller plus loin que ce que Michéa posait comme base, suivant la pensée de Seb Lanz, l’auteur du spectacle. Si la thèse est passionnante et nous donne envie de lire l’essai, j’ai trouvé que le spectacle aurait pu être plus unifié : certes, il nous met en face du problème, mais les différents exemples présentés s’enchaînent sans forcément de lien précis. Autre problème très personnel : la musique présente durant les 10 première minutes du spectacle, qui m’ont empêchée de bien me concentrer devant un texte intelligent et exigeant.

L’idée est bonne mais le spectacle pourrait être perfectionné. ♥ 

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Le Cid – Théâtre Actuel

Normalement j’évite d’aller voir des grands classiques dans le Off – sauf quand je connais bien la troupe. Mais face aux excellentes critiques et à ce théâtre que j’adore, je me suis laissée convaincre. Voilà un Cid mené avec une belle énergie, et c’est ce qui me vaut un avis plutôt enthousiaste, bien que j’aie quelques réserves. Les deux pères ainsi que Rodrigue sont interprétés avec une vitalité plus qu’appréciable ; malheureusement, Chimène est loin derrière avec des vers trop souvent criés et manque d’élégance pour ce rôle – or Le Cid appelle à une Chimène bien plus qu’à un Rodrigue. De même, si j’ai beaucoup apprécié la musique qui accompagne tout le spectacle, je ne peux que regretter l’interprétation étrange et totalement en contresens qu’est celle du roi : si Alex Bonstein était excellent dans Adieu Mr Haffman et bien qu’il dise magnifiquement les vers, sa version folle et zozottante du roi est une facilité visant à faire rire le public et dont Corneille n’a nullement besoin.

Certes, on passe un bon spectacle. Néanmoins, à la réflexion, avec de tels comédiens, Daguerre aurait pu faire quelque chose de bien mieux. ♥ 

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La Reine de beauté de Leenane – Théâtre des Corps Saints

Comme dit plus haut, je ne manque jamais un spectacle de Grégori Baquet au Festival Off. Ravie du Adieu Mr Haffmann présenté au Théâtre Actuel, et malgré la grande différence entre les deux pièces, je ne doutais pas de l’excellence qui m’allait être présenté. Bingo ! Cette histoire, un genre de Tom à la Ferme pinterien, décrit une relation mère-fille invivable, constamment conflictuelle et surtout malsaine, qui se verra chamboulée par l’arrivée de Pat’, un voisin. L’histoire est délicieusement délirante, les acteurs sont excellents, leurs compositions, exemplaires – Catherine Salviat est une mère-monstre, infâme, abjecte et grincheuse ; Sophie Parel une quadragénaire provocatrice qu’on imaginerait bien mâchant un chewing-gum la bouche ouverte ; Grégori Baquet a un visage qu’on ne lui connaissait pas, le regard vite et benêt, la voix monocorde et légèrement bougone ; et Arnaud Dupont suit cet exemple en composant un demeuré fini, à la personnalité ambigue. Attention, le spectacle est mal référencé dans le programme, et se joue au Théâtre des Corps Saints à 21h15.

N’hésitez pas ! ♥ ♥ 

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L’affaire de la rue de Lourcine – Collège de la Salle

Depuis quelques vaudeville-fiascos lors de mes précédents Festivals, j’ai plus d’hésitation devant le nom de Labiche ou Feydeau. Cependant, le nom de Patrick Pelloquet évoquant en moi des précédentes bonnes critiques sur un Eduardo de Filippo monté au Théâtre 14, j’ai pris le risque. Monté de façon délirante, un peu noire, lente, plutôt inhabituelle, ce Labiche est un délice. La trame est pourtant glauque : deux anciens élèves de la même école, Labadens, se réveillent après une soirée arrosée, persuadée d’avoir commis un crime. Devant le tragique de la situation, ils n’hésiteront pas à commettre le pire pour éviter d’être dénoncés… Les comédiens sont excellents, et la mise en scène, bien que plus lente que ce qu’on pourrait imaginer pour ce genre du pièce, n’en est pas moins rythmée, agrémentée d’intermèdes musicaux très bien interprétés.

Un très bon Labiche en somme, à conseiller pour petits et grands ! ♥ ♥ 

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C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde – La Condition des Soies

Découvert lors de la présentation de saison du Théâtre du Rond-Point, je savais que j’irais voir ce spectacle car j’adore Chloé Olivères. C’est avec un grand plaisir que j’ai appris qu’il se jouait à Avignon cette année : il faut courir à la Condition des Soies pour découvrir ce petit bijou. Elles sont deux sur scène à nous raconter les problèmes que peut rencontrer une femme depuis sa grossesse jusqu’après la naissance de son enfant : des difficultés au travail à la préparation à l’accouchement naturel en passant par les complications post-natales et l’incompréhension liée à l’aptitude des femmes quant à l’éducation d’un enfant, dont tout homme semble dénué, on sort de ce spectacle hilare – et avec, pour ma part, une petite réticence quant à la maternité (mais j’ai encore le temps d’y penser). Le texte est bien écrit et désopilant, et les deux actrices se donnent corps et âme durant plus d’une heure pour ce spectacle féministe qui donne à penser et arrive à faire rire avec une réalité non enjolivée et plutôt amère.

A voir à la Condition des Soies ou au Théâtre du Rond-Point dès la saison prochaine ! ♥ ♥ 

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Des Accordés – Atelier Florentin

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Léonard – Ninon Théâtre

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Je suis plus une adepte du Festival Off ; cependant, lorsqu’un spectacle me tente dans le In, je n’hésite pas très longtemps avant de prendre des places…

Les Damnés – Cour d’Honneur

C’est l’événement du Festival In de cette année : le retour de la Comédie-Française dans la Cour d’Honneur après plus de 20 années d’absence. Inconditionnelle de la troupe comme je suis, je ne pouvais rater cet événement ! Une adaptation du film de Visconti par Ivo Van Hove dont j’avais beaucoup apprécié Vu Du Pont en début de saison, avec les comédiens que l’on connaît, voilà qui promettait d’être grandiose. Nous avons tous lu les nombreuses critiques dithyrambiques qui ont salué le spectacle et m’ont mis l’eau à la bouche : la déception n’en fut que plus grande. Je ne comprends pas pourquoi ça n’a pas pris sur moi : il y a de très bonnes idées de mise en scène, ainsi que des comédiens auxquels on ne peut rien reprocher techniquement, mais qui n’émeuvent pas. Seuls Eric Génovèse et Christophe Montenez parviennent à nous donner un semblant de malaise, de peur. Les comédiens sont remarquablement filmés durant le spectacle pour insister sur un regard ou un geste, et le dispositif ne m’a pas gênée. Mais comme tout, peut-être qu’il a participé à mon extériorisation du spectacle : le spectacle est trop plein, il y a trop de moyen, et cela tend à dénaturer la pièce. Là où on devrait être terrifiés, on se retrouve face à une troupe glacée mais pas glaçante, qui ne parvient pas à nous émouvoir. Je mettrais une partie de la faute sur un texte peut-être trop peu présent : les acteurs n’ont finalement pas tant de chose à jouer. On est parfois au bord de l’ennui, car peu embarqués par cette histoire. Dommage.

J’en attendais peut-être trop…