En rayon, le Ventoux de Roland Barthes

Par Pmalgachie @pmalgachie
Je m'endors hier avec la certitude que l'image du jour, toute actualité confondue, sera la course pédestre de Froome dans le Ventoux. Je m'éveille tout à l'heure, le carnage du 14 juillet à Nice a remplacé l'incongruité de la scène par l'absurde du drame.  Néanmoins, pour être retourné un peu, hier aussi, dans les livres de Roland Barthes, je savais que je n'en avais pas vraiment fini avec le Ventoux. Et peut-être ce paragraphe de Mythologies nous aidera-t-il, non à purger notre esprit de la douleur qui l'habite, mais peut-être à rendre celle-ci moins insupportable.
L’étape qui subit la personnification la plus forte, c’est l’étape du mont Ventoux. Les grands cols, alpins ou pyrénéens, pour durs qu’ils soient, restent malgré tout des passages, ils sont sentis comme des objets à traverser ; le col est trou, il accède difficilement à la personne ; le Ventoux, lui, a la plénitude du mont, c’est un dieu du Mal, auquel il faut sacrifier. Véritable Moloch, despote des cyclistes, il ne pardonne jamais aux faibles, se fait payer un tribut injuste de souffrances. Physiquement, le Ventoux est affreux : chauve (atteint de séborrhée sèche, dit L’Équipe), il est l’esprit même du Sec ; son climat absolu (il est bien plus une essence de climat qu’un espace géographique) en fait un terrain damné, un lieu d’épreuve pour le héros, quelque chose comme un enfer supérieur où le cycliste définira la vérité de son salut : il vaincra le dragon, soit avec l’aide d’un dieu (Gaul, ami de Phœbus), soit par pur prométhéisme, opposant à ce dieu du Mal, un démon encore plus dur (Bobet, Satan de la bicyclette).