Magazine

La Maison de Paco Roca, une histoire tout en douceur...

Publié le 14 juillet 2016 par 7bd @7BD
couverture de La Maison de Paco Roca chez Delcourt Titre: La Maison
Auteurs : Paco Roca
Editeur : Delcourt
collection : Mirages
Année : 2016
Page : 128 pages
Résumé :
Un vieil homme fait un malaise dans sa demeure.
José, un écrivain, et sa femme arrivent dans cette maison, laissée à l'abandon. Cela fait un an que le père est mort, c'était lui le vieil homme du début.
Reprenant contact avec les lieux de son enfance, l'écrivain va retrouver des souvenirs du passé, puis son frère Vicente et sa soeur Carla vont à leur tour faire le pèlerinage dans ce lieu, pour le « préparer à la vente ».
Au travers de sauts dans le passé, c'est l'histoire d'une famille qui se dessine, avec les questions sans réponse, les incompréhensions et les non-dits laissées par le décès d'un proche...
Mon avis :
Paco Roca nous emmène dans un récit doux-amer qui parle de la famille, de la transmission et des souvenirs. Le père a fait sa vie en pensant à ses enfants, qui se sont peu à peu éloignés. Et maintenant qu'il est mort, ils se retrouvent, là, dans cette vieille maisonnette. La maison est le lieu qui les relie tous. Souvenirs d'enfance joyeux, traces du quotidien, certains veulent la garder, d'autre pas. Que va-t-il se décider ? Ce n'est pas le plus important ici. Ce qui compte, c'est de retrouver un passé perdu, dévoré par le quotidien et son urgence à faire les choses, « à ne plus avoir le temps des choses simples ». Finalement, on se rend compte que « on ne prend plus le temps de... ».
Cette sensation, nous l'avons tous vécu et c'est pour cela qu'elle est d'autant plus frappante dans ce récit. Cette maison porte les souvenirs des réussites mais renvoie aussi aux échecs.
La douceur de l'histoire se sent dans la narration, dans le temps de s'arrêter sur un arbre, un tuyau, des feuilles, un panorama. Le temps d'échanger pour un couple sur leur vie.
Le côté amer vient des regrets et des tensions qui vont ressortir dans cette famille. Le plus amer étant qu'on ne peut plus revenir en arrière. Il n'y a pas moyen de refaire le passé, ni même de le revivre. Il faut accepter que le passé « n'est plus que pour avoir été », comme disait le poète. Il reste dans nos mémoires, tant que nous prenons un temps pour nous en souvenir...
Cette découverte va être vécue par les trois enfants du père décédé. Paco Roca prend avec une sensibilité minutieuse le temps de nous parler de cette famille, ou plutôt de les laisser nous parler d'eux, dans le présent, le passé, et surtout dans cette maison qu'on ne quittera pas de toute l'histoire.
C'est le lieu de l'intrigue et c'est le lieu unique du récit. Seul quelques flashbacks permettent de s'en éloigner.
Tout en gardant le même lieu, l'auteur parvient à nous donner différents points de vue sur la vie. Nous partageons des moments avec chacun des enfants et avec le père, en tout cas, avec le père qu'ils imaginent. Cet homme décédé, nous en découvrons les facettes par les souvenirs partagés de chacun de ses enfants. Mais même ainsi, nous n'avons pas de réponse, même en assemblant les pièces du puzzle, nous découvrons qu'il nous en manque encore beaucoup. Les souvenirs réunis de José, Vincent et Carla ne suffisent pas à recréer la totalité d'un homme. Même ceux du voisin, Manolo, restent parcellaires. Le portrait d'un homme tient plus qu'au souvenir de ses proches. C'est aussi un peu comme cela que nous est présentée cette maison. On ne la voit jamais en entier, rarement mais surtout, on ne la voit jamais dans son terrain en entier, de même qu'on ne verra jamais pleinement la vie du père, ce qu'il pouvait penser. Cette maison à laquelle il tenait tant, nous ne la verrons jamais complètement car nous sommes trop proches, nous y sommes collés comme y est collée la famille qui doit gérer ce deuil, même un an après. Cette maison qu'aucun d'eux n'oubliera, cette maison, que Paco Roca dessine à merveille.
page extraite de La Maison de Paco Roca chez Delcourt  aller-retour entre présent et passé...
Cette maison, l'auteur a su lui donner l'impact du temps aux différents âges de sa vie. En construction, habitée par toute la famille, habitée par le père seul, à l'abandon, en nettoyage, elle est là, bien vivante. Un dessin de personnages semi-réalistes. José et les siens ont des visages stylisés mais expressifs, des poses du quotidien qu'on reconnaît tout de suite. Portable à l'oreille, en train de monter une échelle, de regarder l'horizon, on s'attache vite aux membres de cette famille au travers de leurs attitudes simples, quotidiennes.
Ces personnages contrastent avec un décor totalement réaliste, renforcé par ces couleurs chaleureuses ou plus froides qui reflètent bien les différentes saisons qui passent sur la maison.
La couverture rend bien cet été écrasant, ce soleil du sud qui frappe et étend les ombres. Cette ambiance simple, vous la ressentirez tout au long de l'histoire. Des différences de couleurs permettent de séparer tout en finesse les passages du présents au passé. Ce sont même les seuls repères permettant de remarquer l'enchaînement.
La composition est assez symétrique. Pour marquer ce temps qui passe lors des discussions, Paco Roca joue sur une répétition de la composition dans la page. Soit des enchaînements de case identiques où les personnages sont quasiment dans les mêmes positions, aux expressions près, soit des cases différentes définissant un schéma – par exemple, une grande et une petite – mais se répétant sur la page. Et cela fonctionne à merveille.
Les cadrages sont aussi simples même si parfois les cases sont assez petites à certains moments. Le fait que la BD soit dans un format à l'Italienne, ou paysage si vous préférez, joue probablement là-dessus. Paco Roca alterne avec aisance des plans sur les personnages et des inserts sur les objets de la maison, le tuyau d'arrosage qui coule de plus en plus faiblement jusqu'au goutte à goutte ou encore un écureuil qui tient une noisette sur une branche, avant de se faufiler dans le feuillage.
La composition joue aussi sur des belles pages comme celle de l'arbre généalogique ou celle du tracé de la maison.
Même si la maison est omniprésente, la nature a une belle place. La nature qui reprend ses droits dans la maison, les racines qui crèvent les pots mais aussi le terrain autour de la maison, les arbres que le père souhaite – ou souhaitait - faire pousser. Cette histoire coule aussi lentement que la rivière que l'on regarde assis sur la berge. Les émotions flottent et vous happent à certains moments. Tout en douceur...
Paco Roca nous offre un beau tableau de famille fonctionnant par touches impressionnistes, où beaucoup de choses fonctionnent en sous-entendus, affleurant à la surface le temps d'une case, ou le temps de cette gouttière qui sépare deux cases.
Ne passez pas à côté de cette maison, une histoire si simple en apparence, mais porteuse de tellement d'idées...
Zéda découvre également la maison...
La Maison de Paco Roca, une histoire tout en douceur...
David
Inscrivez vous à notre newsletter :

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


7bd 7128 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte