J’ai profité de vacances en Provence l’été dernier pour rendre visite à un moulin dont je consomme l’huile depuis quelques années: le Moulin CastelaS au Baux de Provence. Des visites sont organisées deux fois par semaines; elles commencent par une explication et visite des ateliers de production, à l’arrêt à moins de s’y rendre en période de récoltes. Une dégustation à l’aveugle est ensuite proposée aux visiteurs les plus curieux!
C’est Rémi Dumont, en charge de la communication de la société, qui nous emmène visite le moulin de Catherine et Jean-Benoît Hugues. Une partie des 100 hectares d’oliviers tri-centenaires (en moyenne) appartenant à Moulin CastelaS jouxte les ateliers, et nous pouvons déjà y voir les fruits de la prochaine récolte, encore très verts en ce début d’été. Le principal ennemi des olives est une mouche qui est ici éloignée par aspersion d’argile verte (la société travaillant en bio) dont on voit distinctement les résidus sur les fruits. Il y a deux ans malheureusement les fortes pluies ont lavé les olives de cette protection, réduisant de moitié la récolte...
Dès le mois d’octobre, la quinzaine d’employés permanent de l’entreprise est doublée d’une équipe temporaire durant les trois mois de récolte (mi-octobre à mi-décembre). De grands treillis sont posés au sol, et les fruits détachés de leurs arbres grâce à des ‘mains’ électriques portées à bout de bras par les récolteurs. Les fruits sont ensuite débarrassés mécaniquement des restes de feuilles et branches, avant d’être rapidement lavés et calibrés.
La phase de trituration peut alors commencer. De grandes presses rotatives vont broyer ‘à froid’ l’olive et son noyau (qui apportera une certaine ardence au produit fini), puis de grandes centrifugeuses pourront séparer les corps liquides (les ‘margines’) du grignon (résidu sec qui servira d’engrais ou de nourriture pour animaux). Les margines seront encore centrifugées et filtrées pour éliminer toute eau du produit fini, une infime quantité de celle-ci pourrait en effet accélérer le rancissement de l’huile.
Au final, grâce à une combinaison soignée des huiles issues de quatre variétés (Salonenque, Aglandau, Grossane et Verdale), on obtient le fameux or jaune de Provence, bénéficiant d’une AOP (Appellation d’Origine Protégée décernée par la CE).
Les équipements du moulin peuvent également être mis à contribution pour presser les olives d’autres producteurs (à partir de 10 tonnes, ne venez pas avec votre kilo d’olives!).
L’huile est conditionnée en bouteilles foncées, ou mieux ces dernières années en joli ‘bidons’ métalliques ou autres ‘bag-in-box’ dont les parois opaques et l’absence d’air offrent un parfait conditionnement permettant de conserver l’huile sans rancissement de longs mois. L’idéal étant néanmoins de consommer l’huile jeune, dans les six à douze mois idéalement.
Place ensuite à la dégustation, en petit comité. On nous présente six huiles, enfermées dans de petits pots bleus afin de ne pas préjuger de leur qualité sur base de la couleur (une couleur trop jaune étant apparemment de mauvaise augure!).
Fiche de dégustation (Fruité, Acidité, Piquant, Amertume, Arômes, Défauts) sous les yeux, Rémy nous apprend à aspirer une bonne dose d’air, bruyamment (!), avec le liquide, afin de bien répartir ses arômes sur nos papilles.
La première huile est douce, beurrée, légèrement herbacée, avec des notes d’artichaut. C’est un régal! La Classic.
Montée en puissance ensuite avec la Mas de l’Olivier développant des arômes herbacés et plus de piquant.
Petit piège ensuite avec la découverte d’une huile (du commerce) rance... pas immangeable à mon goût mais présentant cet arrière-goût typique de peinture, de solvants!
L’huile suivante me fait fort penser à celle qui m’a fait découvrir le Moulin CastelaS: des arômes plus prononcés d’olive noire, tout en restant assez douce. Il s’agit de la Noire d’Olive, qui précède la Fruité Noire offrant elle de francs arômes d’olive très mûre, noire, de cacao presque. Une huile atypique, puissante, qui relève joliment un plat de ses arômes d’olive mûre, comme cette recette que j’avais proposée aux Moulins CastelaS.
Ces deux dernières huiles ne sont pas, comme je le croyais, issue du fruit mûr. Les olives ont un même degré de maturité que les autres olives de la production, mais sont mises à fermenter trois (Noir d’Olive) à sept jours (Fruité Noir) en anaérobie afin de développer ces arômes si caractéristiques.
La CE est malheureusement récemment intervenue pour limiter la période entre la récolte et le pressage à trois petits jours... reléguant de facto dans un avenir proche la Fruité Noir AOP à un ‘produit à base d’olives’ et non une ‘huile d’olive’! Cette dernière disparait donc de la gamme - j’ai fait quelques réserves - au profit de la Noir d’Olive qui offre de belles notes mûres également, mais un rien moins prononcées.
Nous goûterons encore l’huile Seigneurs des Baux, mélange des productions de Jean-Benoit Hugues et deux de ses amis de la vallée des Baux, et une huile aux herbes de Provence (thym et romarin) fraîches et incorporées à l’huile dès les premiers instants du broyage. On est loin (très loin) des huiles tout-venant de supermarchés!
Une petite découverte encore lors de notre retour en boutique: l’huile à la menthe et basilic, que j’ai très hâte d’utiliser pour aromatiser une salade bien fraiche, un taboulé provençal, ou un gaspacho trendy ;-)
Une belle découverte donc. Un plaisir énorme aussi de découvrir les hommes et femmes, le terroir, les paysages, les techniques, le produit qui se cache derrière cette bouteille d’huile que j’apprécie depuis longtemps! Je ne la regarderai et ne l’utiliserai probablement plus tout à fait de la même façon, et c’est réjouissant de savoir que j’aurai une pensée et le son des grillons les prochaine fois que je l’utiliserai!
Si vous êtes de passage dans la région, n’hésitez pas à vous arrêter un instant pour découvrir les secrets de ces huiles d’exception!
Moulin CastelaS
Mas de l'Olivier - 13520 Les Baux de Provence
Tel : +33 (0)4 90 54 50 86
[email protected]
Ouvert tous les jours, visites sur réservation d’avril à septembre (plus d’infos)
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