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L’affaire dite du mariage de Bègles : la fin de l’histoire…
Publié le 11 juillet 2016 par Elisa Viganotti @Elisa_ViganottiAffaire CHARPENTIER et CHAPIN contre France, CEDH 5ème section, 9 juin 2016
La Cour Européenne des Droits de l’Homme, saisie par deux requérants français, était amenée à se prononcer sur l’annulation de leur mariage par la République française, le 9 juin 2016.
C’est en 2004 que les demandeurs à l’action, tous deux de sexe masculin, publient les bans de leur mariage, célébré par le maire (Noël Mamère) alors que le mariage homosexuel n’était pas encore reconnu en France. Le procureur de la République s’étant emparé de l’affaire, presque douze années de bataille judiciaire, jusqu’à la Haute juridiction européenne auront été vaines pour les deux époux.
En effet, la CEDH saisie sur le fondement des articles 8, 12 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, déboute les requérants. Elle ne reconnaît aucune violation de l’article 8 de la Convention EDH lequel dispose : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » ni de l’article 14 :« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». En outre, aucun faux pas discriminatoire au regard de l’orientation sexuelle des requérants n’a été commis par la France.La Cour fait au contraire preuve de prudence et de frilosité en réfutant la violation des articles visés, ainsi qu’en se basant sur sa jurisprudence constante en la matière. Ainsi, elle cite plusieurs arrêts récemment rendus (SCHALK & KOPF contre Autriche du 24 juin 2010, HAMALAINEN contre Finlande du 16 juillet 2014 et OLIARI et autres du 21 juillet 2015) et « ne voit aucune raison d’arriver à une conclusion différente dans la présente affaire, vu le bref laps de temps écoulé depuis les arrêts qu’elle a rendu » (§39)
Et pourtant, au moins une raison apparaît plus qu’évidente et mériterait un assouplissement de la jurisprudence européenne : la reconnaissance du mariage homosexuel en France depuis la loi du 17 mai 2013. Mais, la Cour a choisi de se baser sur ses arrêts certes récents, mais qui semblent devenus obsolètes. La Cour Européenne des Droits de l’Homme martèle qu’au regard de l’absence de consensus européen, il n’était pas de son ressort d’imposer l’ouverture du mariage pour tous à ses Etats membres.
Estelle TOVOLIAssistante juriste
Pour aller plus loin: Arrêt CHAPIN et CHARPENTIER contre France