Voici un tour d’horizon des problèmes structurels: Sur quelles hypothèses reposent ces politiques publiques? Quelles solutions alternatives existent? etc.
Les méthodes utilisées contre le chômage reposent la plupart du temps sur les idées suivantes:
- Améliorer la compétitivité grâce à une politique industrielle (ce qui ne semble pas vraiment marcher au bout de 10 ans).
- Subventionner l’emploi des personnes en difficulté sur le marché du travail
- Favoriser l’innovation et attirer des entreprises internationales, qui créeraient de l’emploi
- Encourager les gens à créer leur propre emploi, par une libéralisation progressive du marché du travail (travail temporaire, etc.)
- Favoriser la production et consommation locale
Ces politiques reposent sur deux idées implicites
Toutes ces politiques de lutte contre chômage reposent sur une idée simple, qui n’est certainement plus valable aujourd’hui : ces politiques partent du principe qu’il y a du travail pour tout le monde. Je cherche toujours la preuve que cela soit possible. Mes dernières lectures sur le sujet semblent indiquer le contraire : la productivité augmente constamment ; on produit de plus en plus avec de moins en moins de personnes. La tendance est à l’automatisation des tâches: il y aurait donc de moins en moins de travail. C’est ce que j’ai compris de deux rapports (ici et ici) rédigés par le cabinet de conseil en stratégie, McKinsey. Les auteurs des rapports McKinsey affirment rapidement que l’augmentation de la productivité a toujours conduit à la création d’emploi, mais j’aurais besoin de plus d’arguments pour en être convaincu. Un article du financial times confirme aussi mes inquiétudes; vous pouvez en lire une traduction française ici : asservissons les robots, libérons les pauvres.
Il y a une autre hypothèse implicite derrière le concept de chômage : le marché du travail. Tant que nous voulons réduire le taux de chômage, nous reconnaissons la nécessité du marché du travail comme seul moyen de régulation. La tendance actuelle semble montrer que le marché n’est pas forcément le meilleur moyen pour organiser la « survie » des gens et leur épanouissement, car le marché est toujours en quête de plus de productivité. L’idée du marché du travail nous semble normale aujourd’hui, car nous avons été habitué à cela et il est difficile d’imaginer autre chose. Dès notre plus jeune âge, on a intégré que nous « devons » trouver un travail pour vivre. Mais avons-nous vraiment besoin du marché du travail comme moyen unique de régulation ? N’y a-t-il pas d’autres moyens complémentaires ? Le marché du travail est un système qui s’est établi progressivement au cours du XIXème siècle, comme le décrit Polanyi dans La grande transformation.
La tendance actuelle : « bullshit » jobs et précarité?
Sommes-nous prêts à faire décroître la productivité afin que chacun ait un travail ? Apparemment non. La tendance actuelle est plutôt à la création de jobs précaires et de « bullshit jobs ». Les bullshit jobs sont des jobs ressentis comme inutiles par ceux qui les exercent, mais qui peuvent ramener beaucoup d’argent. Ces jobs inutiles existeraient uniquement afin que les gens soient occupés et payés. Ce type de job absurde (?) serait souvent générateur de stress, de burn-out et de souffrance…
Les solutions alternatives pour mener une « bonne vie » : expérimentations et recherches en cours
Plusieurs mouvements sociaux et politiques (incluant aussi des « business people ») suggèrent que des changements structurels doivent être apportés au système actuel de production. Par exemple, quand on voit que de milliers de personnes travaillent gratuitement pour des communautés open-source (Linux, Wikipedia, etc.) et qu’elles sont capables de développer des produits et services meilleurs que ceux produits par des entreprises classiques, je me pose des questions sur la valeur du travail salarié et sur les modes d’organisation du travail les plus justes. A quoi bon créer du travail salarié, si les bénévoles peuvent faire mieux et créent des biens communs qui bénéficient à tous. L’impact social de ces bénévoles serait plus fort que celui de leurs équivalents qui sont salariés. Ne serait-il pas plus logique de fournir un salaire de base à ces bénévoles et les laisser libre de choisir l’activité où leur impact social sera le meilleur ? De nombreuses solutions potentielles émergent autour de ces idées et sont l’objet d’expérimentations (évidemment, toutes ces idées sont loins d’être parfaites, mais elles donnent matière à réflexion):
- Revenu de base
- Monnaies complémentaires
- Biens communs
- Self-production (à l’image des fablabs)
- Communautés open-source et production P2P
- Ressources éducatives libres
- Partage et don
- Coopératives
- Diminution de la spécialisation du travail
- Etc.
Ces programmes de recherche et d’expérimentation apparaissent progressivement dans des universités, écoles de commerce et dans la société civile… dans le monde entier. Ils proposent des alternatives structurelles au mode de fonctionnement actuel et pourraient corriger certains déséquilibres. Bref, de nouvelles formes d’organisation et de nouveaux processus entrepreneuriaux à suivre…
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