En France, l’État aime passionnément les corporations, surtout lorsqu’elles sont puissantes, comme par exemple celle des taxis et des compagnies de taxis.
On pourrait croire cela paradoxal, mais il n’en est rien : après tout, les politiciens qui dirigent l’État ont bien compris l’intérêt de s’acoquiner avec ces corporations, qui représentent un levier financier dodu souvent doublé d’un pouvoir de nuisance important et présentent un sommet, limité à quelques personnes, faciles à identifier et aisées à pressurer en cas de besoin. On comprend dès lors très bien pourquoi ces corporations sont choyées, protégées même, et pourquoi les politiciens font régulièrement d’énormes efforts pour les contenter : le capitalisme de connivence tient d’abord à ces petits arrangements entre copains et coquins.
Malheureusement, tout ne se passe pas toujours bien dans ce monde décidément encore trop ouvert : ces dernières années, l’arrivée d’entrepreneurs audacieux et surtout très politiquement incorrects aura bouleversé l’ordre établi. Dans le monde du taxi, ce fut Uber et ses véhicules de tourisme avec chauffeur, dont la concurrence directe et implacable avec les taxis se sera rapidement transformée en guerre.
Le chaos n’a jamais gêné l’État sauf lorsqu’il ne peut en tirer profit ; cette situation promettait la disparition d’une corporation, sans l’apparition d’une autre pour compenser. Il devait donc intervenir rapidement pour, au moins, mitiger les effets d’Uber sur la puissante corporation des taxis. Depuis, on observe donc différentes tentatives de l’État et de ses différents bras armés (le législateur et la police notamment) pour mettre des bâtons dans les roues des VTC.
On se souvient par exemple de l’incroyable réalisation d’une application mobile bancale destinée à concurrencer celle d’Uber et ses concurrents. Cette application, réalisée avec l’argent du contribuable mais destinée à venir en aide à des taxis privés n’a semble-t-il défrisé que quelques libéraux. Son usage, finalement sans intérêt, est resté franchement confidentiel (ce n’est pas grave, ce n’est pas l’État qui paye, c’est vous).
Parallèlement, pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, l’État s’est aussi dit qu’il faudrait peut-être atténuer les vilains problèmes de licence de taxis qui se profilent maintenant avec insistance. Ces dernières, gratuitement délivrées par les préfectures, sont revendues de particulier à particulier ou, plus exactement, de compagnie de taxis à compagnie de taxis. Leur nombre étant très syndicalement et très manifestement limité par les taxis eux-mêmes, leur pénurie est donc savamment entretenue pour attirer leur prix vers les sommets qu’on a observé ces dernières années.
Jusqu’à l’arrivée des VTC en nombre… qui ont commencé à faire dégringoler ces prix, concurrence oblige (ah, méchante, méchante concurrence qui fait tomber les prix des licences, des voitures, des télécoms, de l’électricité et des yaourts !). Panique chez les taxis qui n’entendent pas se voir ainsi dépossédés d’une partie de leur patrimoine pourtant exclusivement acquis sur une législation obsolète, sujette à changement (depuis le premier octobre 2014, les licences délivrées sont incessibles, par exemple), et qui interdit explicitement tout rachat (loi Pasqua de 1995) : il faut faire quelque chose, et de préférence, rapidement !
Âprement sollicité (et de plus en plus vocalement à mesure que les prix tombent, la concurrence s’intensifie et le consommateur, tout joyeux à l’idée de la faire jouer, s’adapte sans problème), le gouvernement est pressé de trouver une solution. En France, rappelez-vous que lorsqu’un problème survient, tout le monde se rue dans les jupons de l’État-maman pour obtenir qui un câlin, qui un bonbon, qui une protection.
Première surprise au début du mois de juillet : et si la puissance publique, avec tout son argent gratuit des autres, rachetait les licences ? Oh, bien sûr, on ferait ça discrètement, en limitant le rachat à certains chauffeurs de taxis, les plus valeureux, les plus proches de la retraite, ceux qui ont acquis une licence depuis assez longtemps, bref, à la tête du client et à hauteur des crédits disponibles exclusivement (une centaine de millions, une broutille, oubliez ça), hein, pas de blague…
L’argent ? Alain Vidalies, ministre de tutelle des chauffeurs et auteur de ces propositions, entend le trouver via « une taxe forfaitaire sur les réservations », un « droit forfaitaire » acquitté par les nouveaux entrants ou encore « une taxe sur le chiffre d’affaires » qui serait acquittée par les plateformes de réservation. Oh, oui, une taxe, que voilà une idée lumineuse !
Forcément, ça devrait bien marcher, d’autant qu’on va faire ça bien comme il faut en concertation avec les intéressés, c’est-à-dire les syndicats des taxis, des VTC, mais surtout pas des plateformes qui mettent les clients en relations avec ces VTC et ces taxis.
Bizarrement, l’information, assez scandaleuse lorsqu’on y réfléchit deux minutes — comment justifier auprès du public que des entreprises comme G7, pas particulièrement pauvres, vont brutalement s’enrichir au frais du contribuable ? — a fait comme un petit flop mou auprès de toutes les organisations de chauffeurs, au point de calmer nettement les ardeurs du gouvernement à sortir sa matraque taxatoire :
« Le succès de notre proposition a été mitigé »
…a convenu le pauvre Vidalies, le secrétaire d’État aux transports, dans un euphémisme quasi-hollandesque. En effet, pour ces taxis, l’État-maman est responsable de la baisse de prix à cause de son inertie (ben voyons) et doit donc indemniser les petits chatons qui, bien que souples et pas du tout inertes, n’ont pas pu s’adapter, eux. D’autres n’approuvent pas l’avalanche de taxe à la source du fonds (oh, franchement, c’est étonnant !). Le gouvernement, sentant l’odeur fétide planer sur son projet, a prudemment demandé une consultation écrite de tous les chauffeurs intéressés en espérant que, d’ici le 15 septembre, une tendance se dégage.
À ce stade de l’imbroglio dans lequel s’est empêtré le gouvernement, il apparaît délicat de savoir comment toute cette histoire va se terminer. Plusieurs solutions étaient envisageables : on aurait pu annuler le principe même de licence. On pouvait aussi distribuer progressivement une licence supplémentaire à tout détenteur de licence et ce, régulièrement jusqu’à ce que le marché, redevenu moins tendu, établisse un prix bien plus faible de la licence tout en laissant le temps à chaque détenteur de vendre ses licences surnuméraires. L’État pouvait aussi choisir d’augmenter sensiblement et régulièrement le nombre de licences sur les marchés tendus.
La solution actuelle, proposée par le gouvernement, ressemble tout de même à la plus pourrie possible puisqu’elle mobilise, d’une façon ou d’une autre, l’argent du contribuable ou du consommateur pour payer un bien qui fut distribué gratuitement en premier lieu, que la loi interdit à l’État de racheter, et que ce dernier a lui-même contraint en nombre par simple calcul électoral.
Aucune remise en question de la démarche étatique n’est, semble-t-il, à l’ordre du jour. Aucune remise en question du monopole des taxis non plus, du reste. Pourtant, une autre solution existe pour l’État et le contribuable : ne rien faire, et laisser faire le marché, qui se charge déjà, actuellement, de répondre à la demande des consommateurs avec des solutions pratiques qui entraînent déjà un ajustement des prix de licence, sans frais pour le contribuable.
Oh, bien sûr, certains patrons-taxis, certaines sociétés de taxi qui misaient sur un marché toujours en hausse en seront pour leur frais. Aussi triste cela puisse-t-il paraître, c’est malheureusement le cas pour tout marché, pour tout artisan, sur toute la planète : votre fonds peut se dévaloriser, votre profession peut disparaître, votre métier peut changer.
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