Si le domaine de la Blockchain reste encore assez obscure pour le grand public, la France n'a toutefois pas à rougir de ses homologues anglo-saxons en matière de démocratisation.
Clément Jeanneau est co-auteur, avec son collègue Antoine Yeretzian, de La Blockchain décryptée, les clés d'une révolution. Écrit en partenariat avec Netexplo et véritable vulgarisateur de la tendance, cet ouvrage poursuit le même but que la startup cofondée par les deux auteurs, Blockchain France : accompagner les entreprises dans la compréhension et le déploiement de solutions Blockchain.
Votre but est de sensibiliser les entreprises françaises à la Blockchain et à ses différentes applications. Sommes-nous, selon vous, dans une période charnière ?
Nous avons créé Blockchain France début septembre en partant du constat suivant : lorsque l’on cherchait le terme “Blockchain” sur Google, les résultats en français étaient très peu nombreux. Cela nous a paru révélateur d'un manque par rapport à l'écosystème. Et surtout, cela marquait une grande différence face au monde anglo-saxon qui commençait déjà à se préparer à cette révolution.
Nous ne voulions pas que la France prenne du retard sur un tel sujet. Nous nous sommes donc fixés pour but de démocratiser le sujet en écrivant dans un premier temps des articles didactiques.
On entend beaucoup parler de Bitcoin mais la blockchain n’est pas limitée au domaine financier. Quelles sont les autres applications?
Effectivement. Nous pouvons délimiter trois types d’usage de la Blockchain. Il y a d'abord les transferts d'actifs dont le Bitcoin est une des applications. Mais il peut y en avoir d'autres, avec ce qu'on appelle les métadonnées, on peut transférer par exemple des votes, des actions, des obligations.
Le second usage est en tant que registre. Il faut savoir qu'avant tout une Blockchain n'est rien d'autre qu'une base de données distribuée et sécurisée. Ce registre permet, par exemple, des utilisations dans le domaine du luxe ou dans les cadastres. Dans le luxe, on retrouve la start-up Everledger qui sort de l'accélérateur Allianz à Nice. Elle propose d'enregistrer des diamants sur la Blockchain afin de prouver leur authenticité et lutter contre la contrefaçon et les vols de diamants. Mais elle veut s’ouvrir à d'autres éléments du secteur du luxe, plus tard des sacs, après des montres.
Retrouvez notre article sur la startup Bitland qui utilise la Blockchain pour le cadastre !
Le dernier type d'usage est ce qu'on appelle les Smart Contracts. Ce sont des programmes autonomes qui exécutent automatiquement des conditions définies en avance, et là, nous sommes sur des usages probablement très prospectifs, mais qui peuvent être très forts.
Est-ce qu’on pourrait trouver des applications également dans le secteur de la santé ?
Il n’y a pour l’instant que peu de noms en France qui se dégagent dans le domaine. Un hackathon a toutefois récemment eu lieu à l'école 42 et on peut aussi citer le projet BlockPharma qui propose de certifier les ordonnances sur la Blockchain. Mais il y a des possibilités : on peut notamment imaginer des utilisations pour la gestion des données médicales personnelles afin que les patients puissent se les réapproprier et garder le contrôle.
Quelles sont les limites actuelles au développement de la Blockchain en France ?
Ce sont les mêmes que l'on rencontre pour l'instant dans le monde. Il y a des limites de tous types. Des limites techniques par exemple : il faut savoir qu'on ne peut pas dépasser 7 transactions par seconde aujourd'hui sur la Blockchain Bitcoin, à comparer aux 2000 en moyenne dans le réseau Visa.
Retrouvez notre article sur le hack du smart contracts TheDAO !
Il y a des limites culturelles aussi et en termes d'expérience utilisateur parce que l'utilisation de crypto-données n'est pas forcément évidente pour tout le monde. Nous faisons souvent le parallèle avec l'invention d'Internet avant le Web. Pour l’instant, le rapport à la Blockchain est un peu celui des utilisateurs d’Internet dans les années 90 : il reste les couches applicatives à développer qui permettront l'utilisation de la Blockchain par tout un chacun. On peut même aller jusqu'à dire que la Blockchain aura réussi quand on l'utilisera sans même le savoir.
Le 24 mars dernier, une journée parlementaire a été consacrée à ce sujet. Cette “appropriation” par la sphère politique marque-t-elle selon vous, le début de la démocratisation ?
La France n’est pas en retard. Il y a eu plusieurs amendements déposés dont un par le gouvernement très récemment et deux par une députée Les Républicains. Et en dehors du monde politique, les entreprises commencent à s'y intéresser. Certaines commencent à vouloir construire des POC, des premiers Proof Of Concept.
Retrouvez notre article sur la Blockchain dans les énergies renouvelables!
Alors évidemment, la France n'est pas d'ores et déjà leader par rapport au monde anglo-saxon, mais il est assez intéressant de voir qu'il y a une dynamique qui s'enclenche et que ça prend de plus en plus d'importance. Mais je pense qu’il est important que les pouvoirs publics reconnaissent l'importance de la Blockchain et ne freinent pas. Et cette reconnaissance sera ainsi un message fort adressé aux entrepreneurs, développeurs et surtout chercheurs qui doivent urgemment s’intéresser à cette technologie.