L'histoire de cette trajectoire commence avec l'ambition stratégique de délivrer une expérience client différenciante. Or, avant de viser cet objectif, une analyse objective de la situation existante dans le département informatique d'ING a révélé un certain nombre de handicaps : la croyance que la technologie est banalisée et qu'elle peut être maîtrisée par n'importe qui, la gestion de la qualité exclusivement par l'adhésion aux processus, l'adoption d'un rôle de fournisseur vis-à-vis des interlocuteurs métier (clients internes)…
À la lecture de la liste des défauts identifiés, la plupart des banques risquent de se reconnaître, encore en 2016 : la multiplication des partenaires et sous-traitants, jusqu'à ne plus savoir qui solliciter en cas d'incident, la séparation des responsabilités érigée en système, qui isole les acteurs les uns des autres (entre métier, développement, production…) et devient source d'inefficacités et de travail manuel, la perception de l'informatique comme un centre de coûts dont la seule priorité est de réduire le budget…
La réponse d'ING à ces défis a débuté par la reconnaissance de la valeur de la technologie pour son activité et par le développement d'une nouvelle culture de l'ingénierie logicielle, dont une des clés est le besoin d'une forte expertise interne. L'exemple a été d'abord donné avec la mise en place d'une équipe de développement mobile, placée au cœur du siège de la banque et opérant en mode « guérilla », de manière à stimuler une propagation organique du mouvement dans toute l'entreprise.
Naturellement, la transformation n'a pas été sans soulever de graves questions. Très rapidement, le DSI d'ING a dû remettre en cause sa politique de recrutement et de formation (ainsi que les modèles d'externalisation) afin d'adapter les compétences disponibles à la vision proposée. Sur le plan technologique, les systèmes historiques représentent un challenge spécifique, en partant du principe qu'ils ne peuvent être écartés de la dynamique de changement : jusqu'à quel point peuvent-ils intégrer une approche agile et à quel moment faut-il impérativement envisager leur remplacement ?
Plus important encore, la réalisation de la nécessité d'une évolution parallèle du côté des métiers a des conséquences sur l'ensemble de l'organisation. Au-delà de la seule implication dans la conception des solutions logicielles, la perspective retenue est d'impliquer les (ex-)clients internes dans le cycle complet de distribution. C'est ainsi qu'une démarche dite « BizDevOps », inspirée par les méthodes en vigueur chez Spotify [PDF], maintient un lien direct entre tous les intervenants (techniques et humains) concernés par les projets, sur toute leur étendue, de la conception à la livraison.
Six ans après le début de l'aventure, la maturité a considérablement progressé. Aux Pays-Bas, ING est en plein déploiement de son approche « BizDevOps » (l'alignement « DevOps » entre développement et production y est déjà intégralement généralisé), tandis que, dans le reste du monde, la transition agile est finalisée à 70%. Sur le plan des ressources humaines, considéré comme le plus critique de la stratégie, plus de 500 nouveaux ingénieurs logiciels ont été recrutés. Mais, en dépit de ces avancées, le dernier message de Ron van Kemenade est qu'il reste toujours des améliorations possibles…