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Madame de Montespan – Jean-Christian Petitfils

Par Plumehistoire

4.5 Stars (4,5 / 6)

   Après avoir dévoré « Louise de La Vallière » de Jean-Christian Petitfils, je ne pouvais manquer la biographie de celle qui lui ravit le cœur du Roi !

   La rencontre entre Athénaïs de Montespan et Louis XIV transforma le règne du Roi-Soleil. C’est au contact de cette femme au charme sensuel qui sait lui tenir tête, pour qui il éprouve une attirance charnelle, que Louis XIV devient Louis XIV, ce monarque imposant et majestueux, et que Versailles rayonne dans toute l’Europe. Leur liaison coïncide avec la période la plus flamboyante du règne, et c’est la favorite qui lui donna cette impulsion brillante.

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Un entourage fascinant

Madame de Montespan jouant de la harpe, par Caspar Netscher, 1671

Madame de Montespan jouant de la harpe, par Caspar Netscher, 1671

   D’emblée, voilà le lecteur plongé au cœur des intrigues de famille. Et quelle famille ! Un père irrésistible, libertin, ingénieux mais piètre gestionnaire de sa fortune, une mère de grande vertu, bien en Cour auprès d’Anne d’Autriche, un frère bon vivant, volontiers excessif, qui grandi auprès de Louis XIV, des sœurs intelligentes à la personnalité affirmées, toutes plus jolies les unes que les autres… Elles entretiendront d’ailleurs le cercle d’Athénaïs à l’heure de la faveur.

   Le lecteur fait connaissance avec le mari d’Athénaïs, Mr de Montespan, ce personnage haut en couleurs et particulièrement loufoque, que la plupart des biographes ont tendance à seulement évoquer.

   C’est pourtant un personnage central dans les premières années d’Athénaïs à la Cour : son mari ! Car ce n’est pas l’esprit tranquille que la jeune femme vit les débuts de sa liaison avec le Roi… Et sans cesse ce mari turbulent se rappelle à elle.

   Jean-Christian Petitfils nous fait découvrir un marquis habile, fin, contrastant avec le Mr Montespan des débuts. Une occasion, également, de découvrir d’Athénaïs n’est pas cette femme sans cœur que certains n’ont pas manqué de dépeindre.

   Attention inhabituelle chez les biographes de la jeune femme, Jean-Christian Petitfils consacre au marquis des pages entières dans les derniers chapitres de l’ouvrage, retraçant sa vie après l’abandon définitif de sa femme au Roi-Soleil. Une existence rocambolesque et tragique.

Liaison spirituelle ?

   Il est intéressant de constater que la jeune femme n’a pas toujours été la favorite autoritaire, fière et sans scrupules immortalisée par l’Histoire. Jean-Christian Petitfils nous montre que, certes brillante et admirée par tous dès son arrivée à la Cour, elle reste sage et se forge une réputation de jeune femme inaccessible. Elle ne souhaite pas devenir la maîtresse du Roi, mais seulement le dominer par l’esprit.

  Cette vision apportée par l’auteur n’est pas la plus répandue, Madame Bertière par exemple, affirme de son côté qu’Athénaïs a rapidement une conscience très claire de ce qui l’attend, et excite, agace le Roi, joue avec sa conversation piquante pour mieux le retenir.

   Jean-Christian Petitfils apporte, à ce niveau là, un point de vue intéressant, qu’il justifie par des témoignages contemporains.

   Quoi qu’il en soit, il fallait qu’Athénaïs soit bien naïve cette année là, pour croire un seul instant que le Roi de France se contenterait longtemps de sa conversation, toute extraordinaire soit-elle ! Et telle est prise qui croyait prendre…

   Un regret : l’entrée à la Cour d’Athénaïs, ses débuts dans le cercle de la Reine, ses premiers badinages avec Louis XIV ne sont pas très détaillés. Jean-Christian Petitfils ne s’attarde pas assez à mon goût sur le jeu de séduction qui s’est déroulé entre ces deux personnalités, et qui a conduit à l’une des liaisons les plus célèbres de notre Histoire.

Une personnalité unique modestement dépeinte

   Nous n’entrons finalement qu’assez peu dans le quotidien d’Athénaïs, sa vie durant ces années de cohabitation avec Louise de La Vallière. Mis à part la naissance des enfants du Roi et de sa favorite, ainsi que le périple du Roi durant lequel elle l’accompagne, les anecdotes se font rares.

   Ce fameux esprit Mortemart, qui n’est pas l’apanage de la favorite mais bien de sa famille, n’est pas assez mis en avant à mon goût. Ce caractère si autoritaire, parfois violent, l’intelligence, la perspicacité, les railleries, l’éclat… Tout ce qui fait la personnalité d’Athénaïs !

   Les cinq premières années de la relation entre Ahténaïs et Louis XIV se déroulent si vite, que lorsque l’auteur introduit la mystérieuse Mme Scarron, j’ai été surprise d’en savoir finalement si peu sur Mme de Montespan, sur sa vie à la Cour et sur sa relation avec le Roi.

    Comment organisait-elle ses journées, de qui était composé son cercle, quelles étaient ses fréquentations ? Parmi toutes les réalisations que nous lui devons, seule sa propriété de Clagny retient l’attention de l’auteur. Deux pages seulement sont consacrées à l’impulsion qu’elle donne aux arts, la protection qu’elle accorde aux artistes.

Madame de Montespan en Iris, peinture attribuée à Louis Elle le Jeune – Musée du château de Versailles et Trianon

Madame de Montespan en Iris, peinture attribuée à Louis Elle le Jeune – Musée du château de Versailles et Trianon

Un combat de chaque instant

   Jean-Christian Petitfils expose avec brio les rivalités perpétuelles auxquelles la favorite doit faire face. Elle est contrainte de batailler ferme pour garder la faveur du maître.

   C’est un aspect de son long « règne » un peu moins connu. Et pourtant ! L’inconstance de Louis XIV lui faisait toujours craindre qu’une jeune fille un peu moins écervelée que les autres ne s’installe durablement dans le lit du Roi et ne parvienne à conquérir son cœur.

   Pour se maintenir, elle use de tous les stratagèmes. Une vigilance de chaque instant, proprement éreintante. Je n’ai pas pu m’empêcher de voir là une similitude avec la situation de Mme de Pompadour, qui, sous le règne de Louis XV, usera sa fragile santé afin de conserver sa position.

   On ne peut que saluer la santé de fer dont jouit Athénaïs, qui lui permet de supporter cabales, voyages épuisants, fêtes incessantes et multiples grossesses.

Tout savoir sur l’Affaire des Poisons

   Une intrigue, d’extrême importance, du à l’époque effrayer autrement plus sérieusement la favorite que les amourettes du Roi : il s’agit de cette célèbre affaire des Poisons, que Louis XIV, malgré ses précautions, ne réussit jamais à étouffer puisque tous les historiens du Grand Siècle se penche encore dessus.

  Beaucoup d’encre coule encore sur la réelle ou supposée culpabilité de la marquise dans cet incroyable imbroglio de sorcellerie, d’empoisonneuses, de sacrifices et d’arrestations. Voir aussi l’Affaire des Poisons, du même auteur.

   Jean-Christian Petitfils analyse avec habileté cette sombre histoire. Tel un véritable détective, il expose les faits, puis énumère, discute, épluche, dissèque tous les témoignages inculpant Mme de Montespan, avant de faire la part des choses en se référant aux historiens s’étant déjà penché sur le sujet. Il en ressort des constatations, des preuves oserais-je dire, particulièrement convaincantes. A chacun de juger…

Après le soleil

Détail d'une peinture anonyme représentant Athénaïs et ses enfants, collections du Musée du château de Versailles

Détail d’une peinture anonyme représentant Athénaïs et ses enfants, collections du Musée du château de Versailles

   Jean-Christian Petitfils s’attarde beaucoup sur la déchéance de la favorite. Une disgrâce progressive, un peu sournoise. Louis XIV, il faut l’avouer, sait fort bien disposer des femmes à sa guise. Une fois qu’elles le lassent, il ne s’embarrasse nullement de sentiments, ne songeant qu’à son plaisir. Et Athénaïs, comme Louise avant elle mais avec encore plus de ténacité, s’accroche de toutes ses forces à l’amour du Roi.

   Aux alentours de l’année 1678, la faveur du Roi pour celle qui est encore sa favorite décline inexorablement, dix ans après le début de son ascension spectaculaire. Mais il lui faudra dix années de plus pour admettre que la partie est perdue, puisque ne quitte la Cour qu’en 1691 !

   Mme de Maintenon, désormais, dirige seule le cœur et l’esprit du Roi. On remarque aussi que Louis XIV, qui déteste les conflits et les larmes, laisse son ancienne favorite prendre la décision de son congé, sans se soucier de l’humiliation quotidienne qu’il lui fait subir…

   Un aspect que j’ai beaucoup apprécié dans cette biographie est le souci de l’auteur de rendre justice à celle que l’on qualifiait de monstre d’égoïsme, une pècheresse sans scrupules ni foi.

   Or, la foi d’Athénaïs a toujours été profonde, bien plus profonde que celle de Mme de Maintenon. Et quelle surprise de découvrir toutes les œuvres charitables de celle que l’on disait si cupide, insensible, si méprisante. Avec les pauvres et les humbles, elle l’était beaucoup moins que Mme de Maintenon qui, finalement, n’aura fait que s’inspirer de la communauté des Filles de Saint-Joseph entretenue par Athénaïs pour créer son Saint-Cyr, en y ajoutant son critère : son établissement n’ouvrira ses portes qu’aux jeunes filles de condition…

   Nous ne nous intéressons généralement que très peu à sa vie après la Cour, après la faveur, après l’éclat, nous figurant une Athénaïs maugréant contre « Mme de Maintenant », ressassant ses souvenirs, sa gloire passée, et ses illusions perdues. Il n’en est rien.

   Inépuisable voyageuse, profondément repentie et détachée de sa vie passée, elle fait le bien autour d’elle, dépense sa fortune à des œuvres charitables, donne aux pauvres, désireuse de renouer avec son fils légitime. Si elle continue à vivre dans une relative aisance, son train de vie n’a plus rien d’opulent ni de tapageur, et elle rend fréquemment visite à sa sœur l’abbesse de Fontevrault.

    Il aurait cependant été intéressant de savoir quels liens elle garda avec ses enfants adultérins. Ne se sont-ils jamais revus ? Ne leur a-t-elle jamais écrit ? L’auteur précise que seul le comte de Toulouse fut affecté à la mort de sa mère… Sans elle, les bâtards de Louis XIV ne seraient pourtant jamais nés sous le Soleil !

∫∫  Ce qu’il faut retenir ! ∫∫

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Points positifs

♥ Importance accordée par l’auteur au marquis de Montespan, un personnage haut en couleur et assez difficile à cerner.

♥ Exposition brillante de la lutte perpétuelle que doit mener la marquise pour conserver sa position, le plus longtemps possible.

♥ Des chapitres entiers consacrés à la vie d’Athénaïs après la gloire, après la Cour. Une découverte.

♥ Analyse habile et convaincante des accusations portées contre d’Athénaïs dans la terrible affaire des Poisons, qui précipita sa chute.

Points négatifs

♠ L’ouvrage manque de détails sur le caractère d’Athénaïs, sur le célèbre salon qu’elle tient aussi avec sa sœur aînée. Je recommande en complément le très bon « Les reines de France au temps des Bourbons : les femmes du Roi Soleil

 » de Simone Bertière.

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