Publiéle 30/10/2015 par SudOuest.fr
Viviane Reding, ancienne commissaire et aujourd'hui eurodéputée, occuperait par ailleurs plusieurs postes dans des multinationales© AFP/GETTY IMAGES DOMINIQUE FAGET
De nombreux commissaires européens servent également les intérêts de grands groupes industriels et financiers, ce qui remet en cause leur impartialité dans le débat public, accuse une ONG
Peut-on servir l'intérêt public lorsque l'on défend des intérêts privés ? La question a été maintes fois posée à Bruxelles, tant le lobbying y est puissant et les conflits d'intérêts nombreux. Dernièrement, l'ONG Corporate Europe Observatory (CEO) a répertorié l'ensemble des conflits d'intérêts qui subsistent à la Commission européenne. Les résultats sont édifiants.Quel est le problème ?
Le principal problème que soulève la situation actuelle à Bruxelles est le manque d'impartialité des commissaires européens. En effet, ceux-ci sont responsables de l'initiation, de la négociation et du vote de lois qui affectent le quotidien de 500 millions de citoyens, dans des domaines aussi essentiels que le climat, l'agriculture, l'alimentation, la finance... Leur rôle est donc loin d'être négligeable. Pourtant, parallèlement, nombre d'entre eux occupent des postes dans de grands groupes financiers ou industriels, dans les domaines qu'ils sont sensés encadrer législativement. Payés par ces groupes, il devient alors difficile pour les commissaires européens de légiférer contre leurs intérêts. Cette récupération par les entreprises privées de personnalités politiques est regroupée sous le concept de "Revolving Doors" ("portes tambours"), qui illustre la porosité existant entre les deux milieux.Une vraie porosité entre les deux milieuxL'existences de conflits d'intérêt est depuis longtemps dénoncée par des associations citoyennes et certains politiques, mais bien loin de diminuer, il semblerait au contraire qu'elle s'accentue. Selon CEO, les tentatives des entreprises et des groupes de pression d'influencer les politiques de l'Union Européenne ont été plus efficaces que jamais ces dernières années, sous la Commission Barroso II.Qui est concerné ?
Les chiffres sont accablants : un tiers des anciens commissaires - soit 9 sur 27 - auraient pris des fonctions dans de grandes entreprises privées issues de secteurs souvent proches de leurs affectations politiques. Le tout en cumulant les postes, pour un total de 98 fonctions (soit une moyenne de plus de 10 par personne).37 de ces transferts ont fait l'objet d'un examen par le Comité d'éthique, mais celui-ci n'en a empêché aucun. Selon CEO, neuf d'entre eux n'aurait pourtant pas dû être autorisés, car ils représentaient des conflits d'intérêt directs.- Parmi les commissaires européens concernés :
Quelles conséquences ?
La conséquence directe de ces conflits d'intérêts est la prise de décisions politiques qui, loin de servir l'intérêt des Européens, ne seront votées que pour avantager les industriels ou le secteur financier.
Récemment, l'affaire Volkswagen en a fait la démonstration : le Financial Times a affirmé mi-octobre que des lettres de responsables de l'UE attestaient de la fraude aux tests antipollution dès 2013. Pourtant, il a fallu attendre que le scandale éclate aux États-Unis pour que l'Europe réagisse. Pire, le Parlement vient de voter contre une commission d'enquête sur le sujet, et l'Union Européenne vient d'assouplir sa législation sur les normes de pollution au diesel.
Il a fallu attendre que le scandale éclate aux États-UnisAutre sujet, autre problème : les perturbateurs endocriniens. L'Obs a révélé jeudi une énième enquête accablante sur l'omniprésence de ces substances chimiques toxiques dans l'organisme de nos enfants. Pourtant, là encore, les discussions s'enlisent à Bruxelles sans qu'aucune mesure concrète (qui désavantagerait les industriels) ne soit prise.
Comment y remédier ?
Plusieurs associations ont déjà exigé le durcissement de l'encadrement des prises de fonction des commissaires européens. Dans son dernier rapport, Corporate Europe Observatory réitère ses exigences :- Interdire à tous les anciens commissaires de prendre un nouveau rôle qui risque de créer un conflit d'intérêt avec leur ancien mandat pendant trois ans après leur départ
- Interdire aux anciens commissaires européens de pratiquer le lobbying direct et indirect
- Obliger les commissaires à déclarer tous les nouveaux rôles qu'ils occupent, qu'ils soient rémunérés ou non
- Afficher de manière publique et en toute transparence toutes ces déclarations, via un site internet dédié
- Remplacer le comité actuel d'éthique, interne à la Commission, par un comité externe et indépendant
- Faire appliquer les règles déjà existantes en matière de "portes tambours" au président de la Commission, qui en est pour l'instant exempté
- http://www.sudouest.fr/2015/10/30/la-commission-europeenne-gangrenee-par-les-lobbys-et-conflits-d-interets-2170583-710.php