Sultan, l’Inde a trouvé son Rocky !

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Avec Sultan d’Ali Abbas Zafar, l’Inde pourrait bien avoir trouvé son Rocky. Romance et sport de haut niveau s’entremêlent avec la même verve dramatique, Salman Khan porte un personnage fictif de prolétaire émouvant se hissant vers la gloire dans le seul but de conquérir un cœur et se compromettant par vantardise.

Sultan Ali Khan (Salman Khan que l’on a vu dans le très beau Bajrangi Bhaijaan) est un homme peu cultivé, loser faisant les quatre cents coups avec son ami Govind (Anant Vidhaat Sharma). Lorsqu’il fait la connaissance d’Aarfa (Anushka Sharma) , une lutteuse prometteuse, il en tombe éperdument amoureux. Éconduit par la belle, indépendante et moderne, il décide de se mettre au sport pour la convaincre de sa valeur. Le père d’Aarfa (Randeep Hooda) va accepter de l’entraîner après avoir testé sa détermination.

Sultan (Salman Khan)

Sultan s’organise en deux actes scindait par un évènement hautement dramatique sanctionnant l’attitude désinvolte de l’athlète, la destinée se chargeant de remettre l’homme à sa place. Le long-métrage s’ouvre sur une pancarte portant l’inscription suivante, terrible mais révélatrice d’un mal profond qui ronge encore l’Inde : « Ne brûlez pas vos filles sinon personne n’épousera vos fils. » En filigrane, c’est le propos qui va émerger de la première partie du récit, portant aussi bien sur l’amour véritable des deux tourtereaux que sur le carcan machiste dont Sultan peine à s’extraire. Le futur lutteur n’est pas un mauvais type et souffre même d’un certain complexe d’infériorité concernant son éducation chancelante, ne sachant pas un mot d’anglais, par exemples, ce qui résonne comme la marque de la bourgeoisie fleurissante. Imprégné de mauvaises habitudes, il est vite mis en respect par Aarfa qui lui fait bien comprendre, féministe dans l’âme, que l’on ne peux conquérir une femme avec du harcèlement de rue. Trait culturel que l’on voit d’ailleurs souvent mis en oeuvre, même dans les plus progressistes des péloches indiennes. De tous les long-métrages de la plus grande démocratie du monde que nous avons vu, c’est la première fois que l’interdit est aussi clairement mis en place par une femme. Clairement, Sultan affirme que la femme ne peut pas être défini que par sa relation à l’homme. Sultan subit un revers cuisant lorsqu’il se vante auprès de ses amis qu’Aarfa est sa petite amie alors même qu’ils sont justes de bons camarades. Cette appropriation des femmes comme possession en propre de l’homme, comme une conquête à proclamer à la face du monde, est remise en cause.

Aarfa (Anushka Sharma)

C’est ainsi que le combat de Sultan Ali Khan est d’abord un combat contre lui-même. Un combat fait de haut et de bas et de rechute dont la véritable héroïne est finalement Aarfa. Tout d’abord, c’est d’elle (et de son père) que Sultan apprendra les rudiments de la lutte. Et Aarfa est également une championne de haut-vol. Sacrifiant sa carrière pour une grossesse, mettant sa famille avant le sport, Aarfa fait preuve d’une abnégation dont Sultan sera bien incapable. Gonflé d’orgueil, le voilà qui se pavane et prend la grosse tête, délaissant sa femme, plaçant son ego devant toute chose jusqu’à ce que la vie le ramène brutalement sur terre. Sultan avait oublié qu’avant d’être une machine à fric, le sport et notamment la lutte, doit être une philosophie de vie. L’important n’étant pas forcément de gagner mais de toujours se relever. Cette leçon, il va l’apprendre, en guise de rédemption, sur les rings d’un tournoi de MMA dont les règles sauvages n’ont d’égale que la nauséeuse organisation d’un sport où l’argent est roi, où des combattants massacrés sur l’autel du pain et des jeux appartiennent à de riches financiers. Opposé à cette vision des arts martiaux, Sultan va néanmoins accepter d’être la caution indienne d’un sport mal perçu par les indiens. Avec l’aide de son entraîneur (Randeep Hooda) et Aakash (Amit Sadh), le fondateur du tournoi, il va se préparer à la victoire. Il s’agit pour lui de se prouver qu’il est encore capable et de financer un projet humanitaire qui lui tient à coeur. Mais surtout, Sultan, pétris de remords mais trop fier pour l’avouer y voit un expédient pour reconquérir le cœur d’Aarfa. Dans cette arène moderne, face à des adversaires qu’il cerne très mal, l’ancienne star national va devoir se montrer humble et revenir aux fondamentaux.

L’entraineur (Randeep Hooda) et son poulain (Salman Khan)

A l’image de Mary Kom, qui s’inspirait de l’histoire vraie de la boxeuse indienne, Sultan réussit à allier l’adrénaline des combats à une véritable émotion. Poignante narration de l’ascension d’une star, de la chute d’un homme et de la rédemption d’un amant, Sultan, qui plus est, prône l’égalité homme-femme dans une nation ou tout reste à faire. Les deux acteurs principaux sont particulièrement émouvants, la dramatisation des enjeux étant particulièrement maîtrisée. Nous ne pouvons que vous conseillez de rechercher la salle la plus proche de chez vous avant que ce film singulier, reprenant de nombreux thèmes de la saga Rocky à la sauce indienne, ne quitte nos radars, et de vous laisser porter par les élans romanesques de ce héros à le recherche de son honneur perdu.

Boeringer Rémy

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