A quel moment as-tu vu tes premiers tags et tes premiers graffes ?
J’ai vu mes premiers tags et graffs dans la rue mais aussi dans des pages de magazines urbains, dans des clips ou pochettes de disque : c’était au collège et on échangeait surtout avec Nbs1 qui porte le même intérêt que moi pour le hip hop.
Quand est-ce que tu as commencé à taguer ?
J’ai commencé à taguer quand on trouvait des sprays, des markers et qu’on les faisait tourner.
Où as-tu peint la première fois ?
Au quartier.
Et où as-tu posé ton premier tag ?
Sur un mur de local poubelle.
Quel est ton pseudo depuis le début ?
IEA, mais j’ai eu plusieurs blazes comme Exor, Ruk, Zerkay… pour revenir à IEA en 2008.
Peux-tu nous en dire plus sur tes premières années ?
En 1997, on matait des clips, on rappait, on dansait et comme je dessinais beaucoup et que le hip hop m’influençait je me suis très vite intéressé au graff. Un jour le poto avec qui on partageait cette passion me ramène un fond de spray rouge. Avec mon grand frère le soir même, on est partis poser notre premier coup de spray, puis on s’est dégoté de la peinture et on a remis ça de temps en temps avec mon reuf ou mon meilleur pote. On a cartonné de jour comme de nuit jusqu’à ce que je me fasse balancer par un gosse du quartier, en 2001.
De là, étant issu d’une famille modeste, pour ne pas pénaliser ma mère, j’ai mis la street de coté pour me concentrer sur d’autres techniques, des kilomètres de lignes sur papier, du classique, des natures mortes, des portraits. Bref je m’amusais mais le coté hip hop a vite repris le dessus avec des sketchs bien street à coups de lettrages mais surtout des b-boy et des scènes, pour revenir sur du plus grand format en 2008. C’était essentiellement de l’acrylique sur contreplaqué lors d’évènements, et dés que j’ai pu me payer mes premiers sprays, j’ai repris le mur, c’était en 2011 mais plus sérieusement et dans la légalité. Un gros support pour dessiner sans pression, je trouvais ça révolutionnaire (rires) puis en 2012, j’ai commencé à bouger dans toute la France : je peignais souvent seul mais grâce au net, j’ai pu rencontrer des gens cool, souvent des jams, de la fresque, puis des connexions à l’étranger.
Qui as-tu croisé à cette époque ?
Honnêtement je ne vais pas énumérer tout les blazes, j’ai croisé énormément de writers en 4 ans, mais je lance un big up à Salgos, mes TCE, l’équipe de Valence, Lyon, Grenoble avec qui on peint souvent, Nbs1, Skor93, Babastreet, les Tgc, KV, V13, Aoa, mkc, les Welsh, les Bullshiters, Vision, Loodz, Mizo, Tonce, Zeus wb, JackL, Bond, Maps (mon champion) les NC, les NT, les HEC, l’équipe de Belfort, Kcoh, les APC, le poto Rosh aussi, Sock, Inert, Jeaze et ces équipes du sud, Mevok du Maroc… Bref à tout ce que j’ai pu croiser sur un bout de mur de 2012 à maintenant.
Certains diront qu’ils ont vu des bâchés avec mon blaze…
Quels étaient les endroits où tu as peint ?
Les supports publics, des trucs classiques pour un mec qui fait ça pour rigoler, pas de truc forcement prémédité ou dangereux, ni super organisé car je suis souvent seul quand je tourne dans la rue. Parfois un petit tag sur un transfo, un flop sur un vieux bâtiment en bord de route, rien de vraiment audacieux, je pense (rires)… Il suffit de voir ce de quoi sont capables certains vandales.
Peux-tu nous parler de ton premier crew et de son histoire ?
Alors ça va être simple (rires), je fais partie de la génération née au milieu des années 80, et je pense que maintenant un crew, c’est plus un truc commun pour des potos qui aiment se retrouver pour peindre tranquille : des gars avec qui on fait surtout des fresques, on rigole, et c’est dans cet esprit là qu’on a créé TCE avec Salgos en 2012. Cela veut dire Tenue Correcte Exigée, c’est pour les mecs que le système a refoulé (rires), et pourtant on vient tous de milieux différents, et c’est cette mixité sociale, donc artistique qui est intéressante. Maintenant, c’est difficile de peindre tous en même temps (rires), il y en a toujours un qui rentre d’ailleurs, et d’autres qui repartent (rires) ce qui a permis à TCE d’être représenté dans toute la France mais aussi dans les DOM TOM, et dans presque tous les continents mise à part les Amériques. Le crew, c’est : SALGOS, IEA, MAPS, ORMIE, NYUZE, SHENA, SABIO, GROEK mais on va sûrement encore recruter des potes avec qui on a l’habitude de peindre.
Ce groupe existe-t-il toujours ?
Oui il existe toujours étant donné que c’est encore tout frais, on se retrouve parfois pour peindre, sinon chacun représente à sa manière : vandale, terrain, concours, perf, expo… On est vraiment sur tous les fronts, mais c’est réellement la prise de plaisir et l’épanouissement dans nos trucs personnels qui nous guident avant tout.
Est-ce que tu vis du graffiti art ?
Cela me permet de faire du blé, c’est sûr, mais je fais partie de l’école de la débrouille, donc finalement je ne me pose pas la question de savoir si j’en vis. En tout cas je le vis et c’est l’essentiel !
Peux-tu nous donner quelques anecdotes ?
Ah les nuits à dormir dehors durant des jams sauvages : merguez et thé à la menthe, puis d’autres évent’ à dormir à l’hôtel, restaurants… Le truc bizarre, c’est ce contraste qu’on peut trouver dans ce milieu et je pense que c’est cette ouverture qu’on recherche tous et qui nous plait : l’art, c’est la diversité, le mélange des classes, car le temps d’une peinture on est tous égaux… Mais bon vous pourrez voir vers Lyon un graff et un b-boy sur un terre-plein central qui sépare les deux voies de l’autoroute, c’était un embouteillage à 7h du mat, des sprays dans le coffre et c’est parti (rires).
Photographies : IEAone