Entre Arpajon-sur-Cère et Montauban (190,5 km), victoire du Britannique Mark Cavendish. Pendant ce temps-là, les proches de sang de l’«affaire Puerto» font son retour dans le cyclisme. Bientôt de nouvelles révélations? Le peloton tremble.
Montauban (Tarn-et-Garonne), envoyé spécial.
Par le Cantal, l’Aveyron et le Tarn-et-Garonne, la sixième étape entre Arpajon-sur-Cère et Montauban (190,5 km), frappée d’une stupéfiante chaleur, avait quelque-chose de la carte postale estivale présentant tous les atours d’une mélancolie géographique autant qu’historique. Côté géographie : près des rivières, ensommeillées dans ce paysage presqu’ardéchois, quelques viragos devaient rêver à leurs Combis garés plus haut sous les branchages, ignorant ostensiblement cette francité insolente du Tour qui condescend une fois l’an à parcourir les entrailles de juillet sous les yeux de familles enjouées. Côté histoire: alors que les deux échappés du jour (Barta et Arashiro) s’échinaient à conserver en vain leurs cinq minutes d’avance sur un peloton passablement tranquille à la veille d’attaquer les Pyrénées, beaucoup de suiveurs étaient encore hantés par une vieille aporie du cyclisme, resurgie depuis moins de quarante-huit heures, le dopage.
«Ils vont nous faire chier longtemps avec ça?», pestait le directeur sportif d’un Français visant le podium à Paris. Le «ils», concernait l’Agence mondiale antidopage (AMA), sans oublier certains journalistes, parmi lesquels le chronicoeur continue de prendre place. Le «ça», signifiait à l’évidence que la fameuse «affaire Puerto», qui a traîné en longueur en perdant de sa saveur – comme ces longues après-midis sur France-Télé –, réapparaissait dans le champ de vision du vélo au pire moment, pendant l’exposition en mondovision de la Grande Boucle. Le calendrier de l’AMA joue en effet un sal tour aux oublieux.
Et pour cause. Les responsables de l’Agence ont confirmé avoir réceptionné les 211 poches de sang et de plasma saisie il y a dix ans chez le sulfureux docteur Eufemiano Fuentes, dans le cadre de la célébrissime «affaire Puerto», qui a déjà coûté leur réputation à plusieurs cyclistes de renoms, Alejandro Valverde (présent sur cette édition), Jan Ullrich, Jörg Jacksche ou Ivan Basso… Rappelons que le 15 juin dernier, le médecin canarien a été blanchi par la cour d’appel de Madrid et pouvait même de nouveau exercer sa «profession», malgré son implication dans un vaste réseau de dopage sanguin démantelé en 2006 par la Guardia Civil, qui lui avait valu une condamnation en première instance à un an de prison. Le dossier semblait clos. Pas pour l’AMA qui, à force d’acharnement, a obtenu la possibilité d’analyser – loin d’Espagne – les prélèvements sanguins et de révéler prochainement leurs teneurs toxiques et sans doute leurs propriétaires. L’AMA et l’UCI précisent d’ailleurs qu’ils examineront «toutes les options juridiques possibles», malgré les délais de prescription. Voilà pourquoi le peloton tremble. Et surtout les « ex » coureurs qui gravitent dans la caravane et s’empressaient de répéter, hier, que les «cyclistes ne sont pas les seuls concernés par le docteur Fuentes » et que « des footballeurs et des tennismen» allaient tomber…
Mais nous allions oublier l’arrivée. Qui s’adjugea au sprint, avec une nouvelle victoire du Britannique Mark Cavendish, la vingt-neuvième de sa carrière, soit une de plus que notre Hinault national. Le Tour, éternellement marqué au cuissard. On ne devrait jamais piquer Montauban.
[ARTICLE publié dans l'Humanité du 8 juillet 2016.]