Héros car semeur

Publié le 07 juillet 2016 par Fabianus

Michel Rocard vient de mourir ! L’ex premier ministre de tonton le sphinx aura survécu neuf ans à son hémorragie cérébrale qu’il avait eu le malheur de contracter lors d’un séjour en Inde.

Michel Rocard est mort et avec lui une frange de la gauche ancrée dans les idées de Mendès France. Une gauche qui ne se reconnaît pas dans le galimatias pro-libéral d’un Hollandisme aux abois, condamné à jouer du 49.3 pour faire passer une loi sur le travail alors même que ce stratagème constitutionnel avait été fustigé par l’hôte de l’Elysée…

Michel Rocard vient de rendre l’arme à gauche, cette gauche qui faisait dire à ses disciples : « un Rocard sinon rien », pour paraphraser un slogan publicitaire d’esthète anisé (est-ce tétaniser ?)

Licencié ès lettres et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Ecole nationale d’administration (ENA), Michel Rocard adhère en 1949 aux jeunesses socialistes. Ce n’est pas encore la grande rose mais c’est déjà la rosette qu’il déguste en salle amie avec des potes aux mêmes idéaux.

 Après son entrée à l’ENA, il s’oppose à la guerre d’Algérie aux côtés des socialistes en rupture avec Guy Mollet lequel traite ces jeunes coqs en pattes par-dessus la jambe. Il adhère au Parti socialiste autonome (PSA avant que ça ne devienne Peugeot Citroën) et participe à la fondation du Parti socialiste unifié (PSU) en 1960.

Nommé inspecteur des Finances en 1958, il gère des dossiers épais et sue. Puis il devient secrétaire général de la Commission des comptes et des budgets économiques de la nation en 1965, puis secrétaire général du PSU.

Le Courbevoisin se présente aux élections présidentielles de 1969 mais sa courbe voit atteindre une asymptote bloquée à 3,61 % des suffrages exprimés. Par contre, la même année, il détrône Couve de Murville (alors 1° ministre), lors d’élections législatives. Il devient alors député des Yvelines (poste qu’il perdra en 1973 tant sa députation se couvre de murs vils).

Economiquement, le modèle yougoslave l’attire ; ses idées empruntent des Balkans et pas par un petit taux (et pas parrain peut Tito). Oui, il aime l’autogestion à la sauce yougoslave, ce socialisme de marché, ouvert aux collectifs ouvriers, même si ce système trouvera ses limites car un salarié reste avec un sale air d’exécutant de directives d’Etat.

Lors de la campagne présidentielle de 1974, il soutient Mitterrand. Il devient alors membre du bureau exécutif du PS et secrétaire national chargé du secteur public. Elu maire de Conflans-Sainte-Honorine (78) en 1977, il obtient le titre de député de la circonscription de cette même ville aux législatives de 1978 et s’occupe au mieux de ses administrés (il ne veut pas voir que des cons flâner, heu..que des Conflanais)

Postulant à la Présidentielle de 1981, il se retire quand Mitterrand annonce sa candidature au nom de la rose et contre un Giscard dont, déjà, les valets rient.

Il devient alors Ministre du Plan (et rampe hâta plan)  et de l’Aménagement du territoire et son mot roi est « plan Etat-Région ». Puis il s’occupera de l’agriculture jusqu’au jour où il considérera comme mauvais pis à lait le scrutin à la proportionnelle proposé par Tonton et qui fera rentrer, en 1986, des élus du Front National à la chambre des députés !

Pour cette raison il se nomme démissionnaire en 1985 et se fait des missions ailleurs, mais on perd sa trace jusqu’en 1988.

Cette année-là, Tonton (que son camp sert) se fait réélire à l’Elysée. C’est reparti pour sept ans de mitterrandisme et l’homme de Latché accepte enfin de nommer Michel à Matignon.

Et Rocard sans rancœur de requin à courroux se requinque au rencart concédé, du bout des lèvres, par le père caché de Mazarine. Las pour lui, il ne bénéficie pas d’une grande majorité en dépit de ses 58 balais bien sonnés et devra utiliser le fameux 49-3 dont il sera le champion de l’usage (28 fois).

Influencé par le père Wresinski (ATD quart monde) il instaure le RMI (Revenu Minimum d’Insertion) le 12 octobre 1988 car le hère est mis en priorité dans sa conscience protestante et pour le salut terrien (salut luthérien !). Cette initiative est d’ailleurs votée à l’unanimité à l’assemblée. On regrettera toutefois que l’insertion du I dans RMI n’ait pu générer de… l’Insertion pour les demandeurs de travail tant les ans ploient sous le manque de contrats.

La même année, à la suite des événements en Nouvelle-Calédonie, il fait signer les accords de Matignon (26/06/88) et rétablit la paix entre Kanaks (autochtones mélanésiens) et Caldoches (population blanche) : une sorte de vie nouvelle cale hédonisme dans les rangs sociaux, en apparence. Ces accords seront suivis, en 1998, des accords de Nouméa qui nous met à imaginer un référendum d’ici 2018 pour fixer un statut à  cette île. Celle-ci demeure, pour l’instant, une collectivité sui generis d’Outre-mer mais aussi d’outres paires : une pour chaque communauté et qui peut les cœurs d’aise altérer !

En 1990, il fait adopter la CSG (Contribution Sociale Généralisée), un ovni fiscal (l’Ovni, vise l’Ovni ♫)  reposant sur les revenus du travail et du capital et qui augmente votre revenu imposable : votre assiette est alors plus large pour y placer une tranche supérieure de gens bons à l’assujettissement.

En 1996, face aux vagues migratoires (déjà), il lance « La France ne peut accueillir toute la misère du monde », une phrase dont la teneur exacte était, selon lui : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part ». Il n’empêche, on continue à utiliser l’exorde de ce mini discours sur l’exode en ajoutant un air de xénophobie latente !

En 1991, le Sphinx élyséen, ne le supportant plus, lui demande de démissionner. Il quitte Matignon en se préparant une bonne soupe de Cresson assez in-Edith. En 1993, il devient premier secrétaire du PS, un poste qu’il quittera un an plus tard à la défaveur d’un échec aux élections européennes (juin 1994). Il bute sur un Tapie dont l’âme hoquette au rythme des tremblements du grand patron de la rose dont la prose tâte le pamphlétaire anti-rock-art, musique jugée trop révolutionnaire.

De 1994 à 2009, il siège au Parlement Européen et soutien l’entrée de la Turquie dans l’UE. Pour lui il n’est pas insultant de dire que ce pays bosse fort et qu’il pourrait être hôte aux mannes précieuses : accès aux routes énergétiques, économie en plein essor et prête à payer en carats…

Il quitte l’Europe en 2009. A la demande d’un petit nerveux, qui se veut incarner en l’Etat l’honnête, il remet un rapport dans lequel il préconise une taxe carbone de 32 € par tonne de CO2. Car l’homme, grand navigateur, aime cette Terre qu’abaissent tant les dérives humaines sans temps gais, juste au bord de l’amer.  Il propose même, avec le divin chauve (Alain Juppé) un désarmement nucléaire mondial. Avec le maire de Bordeaux il ne travaille pas en vain : les deux cerveaux jadis ennemis œuvrent ensemble !

Pourtant, déjà, l’homme est diminué. Une hémorragie cérébrale, en Inde, en 2007, limite son activité. Les pathologies se succèdent en file indienne. L’homme sert au quart. Il se déclare guéri d’un cancer en 2015. Mais, le crabe aura raison de lui ce 2 juillet 2016.

Aujourd’hui, un hommage national, présidé par François Hollande, lui est rendu dans la cour des Invalides. L’occasion de rassembler tout l’éventail politique : les anciens amis, les ennemis notoires, les traîtres…


L’homme incarnant la deuxième gauche va recevoir les honneurs de la Nation mais il faudra garder de lui cette intégrité (liée à son protestantisme) : une vertu qui manque à pas mal de ceux et de celles qui, en ce jour, pleurent ou se recueillent autour de sa dépouille.