avec Radio Pulsar et le Magazine Bouge
Vincent Posé (Steven Copin) est l'un des visages de feu 8-6 Production à Poitiers et l'animateur de l'Envers du miroir (les mini-matchs d'impro quotidiens diffusés sur Pulsar). Dans cette interview (accordée dans le cadre du dossier réalisé pour le magazine Bouge), il revient sur l'histoire de 8-6 Production et nous donne point de vue sur l'évolution de l'image avec Internet.
Quand l'association 8-6 Production a t-elle été crée?
J'ai crée 8-6 production (avec Julien Hémon) en mars 2003. Nous venions de réaliser notre premier film ensemble. Et nous nous sommes dit qu'il fallait peut être mieux monter une structure associative pour financer nos prochaines créations. C'est comme ça qu'à vu le jour 8-6 production, qui était également destinée à accueillir des projets théâtraux et radiophoniques. Il y avait une dizaine de membres dans l'association, issus surtout de formations audiovisuelles (DESS de réalisation documentaire à l'époque à Poitiers).
Pourquoi l'association s'est-elle arrêtée?
L'association a vécu jusqu'à mars-avril 2006. Ca s'explique par un manque de personnes, un manque de moyens et aussi le fait que je sois parti m'installer à Paris.
Quelles ont été les principales réalisations de 8-6 prod?
En un peu plus de 2 ans, 8-6 production a sorti une dizaine de films vidéo, aidé plusieurs projets de réalisation, et produit 3 spectacles de théâtre.
Le plus "gros" succès de 8-6 production est le concept du Gag Club (chaque 1er avril, de 2003 à 2005). On mêlait dans ces soirées des projections vidéo, spectacle d'impro et autres animations.
Comment définiriez vous le paysage vidéo poitevin?
Ce qui m'a frappé lorsque j'ai découvert la création vidéo à Poitiers, en 2002-2003, c'est que je sentais qu'il y avait un potentiel énorme. J'ai l'impression que je suis arrivé au moment où la vidéo a pris un réel essor. Je me souviens avoir assisté à une projection des Films de la Lymphe à la Maison des Étudiants, et j'ai été vraiment impressionné. Dès lors j'ai pris contact avec eux, et j'ai ensuite découvert la richesse des associations vidéo du coin. A l'époque, il y avait 3 ou 4 associations qui étaient sur ce créneau. Quand j'ai crée 8-6 production, je suis allé à la rencontre des acteurs, associatifs et professionnels de la région pour mieux appréhender le "paysage". C’est là que j’ai rencontré des associations ou des gens isolés qui avaient des projets vidéos aussi divers que passionnants. Plus de 4 ans après, la majorité de ces projets ont vu le jour.
Ce paysage est-il particulièrement actif, créatif?
Ce qui est remarquable, c'est que depuis 2003, il y une bonne dizaine de structures qui se sont mises en place. Chacune avec ses ambitions, ses envies et son univers. C'est ce qu'on ressent dans ce paysage vidéo poitevin. Chaque structure a son approche de la vidéo, et peut être même du cinéma. C'est une force, et une faiblesse. Un force parce qu'il y a de véritables propositions. On peut aimer ou détester, mais chaque structure a le mérite d'exister et de proposer des productions singulières. Chacune dans un style affirmé. L’intelligence des vidéastes de Poitiers, c’est que finalement personne n’est véritablement concurrent des autres. Mais c’est également une faiblesse. Sans « concurrence », il n’y a pas de pression pour pousser les vidéastes dans leurs retranchements. Et ainsi progresser plus vite dans leur art.
J’explique mon propos : Chaque structure a une identité propre, claire, définie et respectée par autrui. Mais elles n’ont pas de concurrent sur le même créneau. Si elles devaient être en « compétition », elles devraient à chaque production faire mieux que l’autre. Se démarquer. Etre plus originales et plus « pensées ».
Néanmoins, cette situation fait de Poitiers la ville idéale pour mettre en place ses premiers projets vidéo. Mais ensuite, pour progresser, il faut nécessairement partir dans de plus grosses villes. Chaque année, on voit des jeunes talents partir parce que, structurellement, il y a très peu de débouchés professionnels dans le domaine audiovisuel à Poitiers.
D’ailleurs, mis à part de rares structures qui réussissent tant bien que mal à financer une partie de leurs productions vidéos, le manque de moyens disponibles est aussi un facteur d’exil pour les vidéastes.
Comment expliquez vous cette certaine effervescence autour de la vidéo à Poitiers?
En me basant sur mon expérience, je trouve qu’il est plus facile de rencontrer des gens du « milieu » à Poitiers qu’ailleurs. C’est à dire que quelqu’un qui a une idée de film, un scénario, ou juste une volonté de faire de la vidéo, aura à Poitiers, des interlocuteurs compétents pour mener à bien son projet. D’une manière générale, à Poitiers, les gens se connaissent et il y a un esprit « village ». Tout le monde peut donner un coup de main à tout le monde. C’est un peu le règne du système D mais au final, on réussi à faire naître son projet. Je pense que c’est cet esprit qui anime les créateurs vidéos à Poitiers.
Ensuite, pourquoi la vidéo ? Là, je ne sais pas vraiment. Je pense que les étudiants en arts du spectacle fournissent l’essentiel des vidéastes pictaves. Les Films de la Lymphe viennent de là. Je pense aussi qu’on assiste à l’avènement d’une génération de l’image. Il y a même 5 ans, nous étions encore qu’une grosse dizaine a pouvoir faire des films en numérique. Aujourd’hui, les caméras de base sont bon marché. Les jeunes sont éduqués à l’image. Ils ont accès, avec le DVD, le téléchargement et la médiathèque, à plus de 100 ans de cinéma. Et comme n’importe qui possédant une caméra peut faire des films avec ses potes. Ce n’est pas étonnant qu’il y ait de plus en plus de structures de « production » et de vidéastes.
Internet est en train de révolutionner notre rapport à la vidéo de la même façon que la télévision a opéré une fracture avec le cinéma. Que pensez-vous du médium Internet pour la diffusion de la création?
De mon point de vue, il faut distinguer deux cas de figure.
Imaginons que je suis un jeune vidéaste. Je fais des films dans mon coin, avec mes potes. Internet, c’est l’idéal pour diffuser mes films. La qualité d’image n’a pas besoin d’être géniale, le son non plus. Sur Internet, mes potes pourront aller voir le film, ils pourront le partager avec leurs amis aussi. Bref, c’est sympa. Ici, Internet correspond à la cassette qu’on copiait avec le caméscope VHS des parents, et qu’on refilait à ceux qui avaient joué dans le film.
Si je suis jeune vidéaste mais que je veux me faire connaître du grand public et/ou des professionnels, alors Internet est un outil un peu plus frustrant. Il faut se concentrer sur les techniques d’encodage pour ne pas abîmer l’image et la son. Il faut également sélectionner le contenu que l’on va mettre en ligne. Et là, on rentre dans des problématiques autres. Internet a intégré le phénomène de zapping. Si notre production dépasse 5 minutes, c’est presque certain qu’on aura très peu de visibilité. Les internautes ne vont pas spontanément vers les formats longs. Et le format long, c’est 5 minutes ! De même, le rythme est important. Les films « lents » ont peu de succès. L’internaute zappe vite.
C’est pour ça que le montage « clip » s’est imposé comme un standard aujourd’hui. De même que les vignettes de 45 secondes à 1 minute 30.
Donc, en tant que vidéaste qui veut se faire connaître du grand public et des professionnels, il faut résonner en terme de « produit d’appel ». Ce qui sera visible sur Internet devra donner envie à l’internaute de découvrir mon « œuvre ».
Par exemple, si j’ai produit un court métrage de 30 minutes, il faudra que je mette en ligne ma bande annonce d’1 minute. Puis, si le buzz prend, ce sera au tour de mon film en entier.
Une autre solution, c’est de cibler uniquement les professionnels. Dans ce cas, on pourra construire une simple page avec son film en entier. Et l’adresse de la page sera inséré sur sa carte de visite ou sur son CV.
Pour faire simple, je pense qu’effectivement Internet est en train de révolutionner notre rapport à la vidéo. Autant comme spectateur que comme réalisateur. J’espère simplement que le court métrage de demain ne perdra pas de sa créativité en s’adaptant aux contraintes du « zapping numérique ».
Que pensez-vous des sites comme Myspace, Dailymotion ou Youtube pour faire circuler ses créations?
Je trouve que ces sites ont le mérite de mettre la vidéo à portée de tous. En revanche, en tant que réalisateur et producteur de films, je suis profondément choqué du peu de considération de ces sites pour les créateurs de contenu. Il faut savoir que ces trois sites, avec Facebook, vont devenir, dans les années qui viennent, des superpuissances financières. Et si on réfléchit, leurs sites attirent du public, ce qui génère des revenus publicitaires colossaux. Mais à la base, ce sont des contenus postés par les internautes qui génèrent le trafic. Et que touchent les créateurs de contenu indépendant ? Rien. Les chaînes de télévision et les majors américaines sont en train de conclure des accords sur la rémunération des droit d’auteur sur ces sites. Mais nous, les « petits » créateurs de contenus, personne ne nous représente. Nous somme ne plein no-man’s land juridique. Et finalement, nos films et productions sont diffusées, dès aujourd’hui, sans que nous ne puissions toucher un centime des recettes publicitaires que nous générons. La rémunération des auteurs et vidéastes est, à mon avis, le gros chantier à ouvrir à propos de ces sites et de la diffusion sur Internet en général.
www.dailymotion.com/stevencopin
www.vincentpose.fr
Prochain épisode du dossier : le projet Eatman avec Bastien Cousaert