"Combien sont ils à prendre des amphétamines ou des gélules de caféine à des dosages dix fois supérieurs à la posologie autorisée pour produire plus? Ou pour tout simplement tenir?"
Brillante paru en début d'année 2016 aux éditions Mercure de France, 185 pages) est un premier roman écrit par Stéphanie Dupays inspectrice à l'Inspection générale des affaires sociales qui aborde un thème qu'elle doit connaitre de par son expérience professionnelle : le harcèlement au travail .
Cette satire sociale traite selon les intentions de l'auteur "de la place qu’occupe le travail dans nos vies, de la violence au travail – et notamment de celle faite aux femmes, et de ses répercussions intimes."
A travers la destinée de Claire, chef de produit de développement chez Nutribel, une grande entreprise leader de l'agroalimentaire, positionnée sur le créneau de la santé et du bien-être, Dupays nous trace un portrait à la Douglas Kennedy avec l'apogée puis la descente aux enfers d'une jeune trentenaire aux dents longues qui va se retrouver quasiment du jour au lendemain placardisée.
"Le DRH lui demande pourquoi elle a inscrit « Littérature » dans la case Loisir de son CV, Claire désamorce immédiatement la présomption d’intellectualisme car dans l’entreprise s’adonner à une activité aussi inutile que la lecture vous classe dans la catégorie des intellectuels non assimilables à la chaîne de production : « La narration est au cœur du marketing. Les consommateurs n’achètent pas du soda, du café, de la lessive, ils achètent une belle histoire."
On pense aussi beaucoup aux formidables "Heures souterraines" de Delphine de Vigan , deux romans proches par cette même description au scalpel du monde de l'entreprise froid et désincarné, dans lesquelles les valeurs humaines ont peu d'importance et où le harcèlement moral s'installe insidieusement.
Grâce à une plume maitrisée et d'une grande finesse ( comme quoi la fonction publique peut receler de belles plumes, c'est plutôt reconfortant :o) le lecteur perçoit parfaitement le sentiment de malaise et de mal-être qui empoigne Claire, qui tombe dans un piège sur lequel elle n'a hélas peu de prise.
Un roman qui n'est pas forcément très tendre pour le monde du travail, et qui devrait encore accroitre le nombre de veilléitaires du travail indépendant ( très présent dans la génération Y), mais à assurément à lire avant la prochaine vague de la rentrée littéraire de septembre 2016....