Un peu plus d'un an après la sortie sur différents supports (e-cinéma pour Miséricorde, cinéma pour Profanation) des deux premiers épisodes de l'adaptation de la saga littéraire à succès de Jussi Adler-Olsen, nous avons eu la chance de visionner le troisième opus des enquêtes menées par le duo improbable et fascinant formé par Carl Mørck et Assad. De la chance car ce film n'était d'abord disponible qu'en e-cinéma (depuis le 5 mai) avant une sortie en vidéo le 6 juillet 2016.
Nico et moi nous posions déjà la question à propos de Miséricorde de la pertinence de la distribution sur des supports différents : si c'était compréhensible pour la trilogie (les deux derniers épisodes ne bénéficiaient pas du budget et donc de la qualité technique du premier et sont donc sortis directement en vidéo), on ne voit pas très bien ce qui le justifie ici, les trois métrages de la franchise ayant eu un budget équivalent et des aspirations artistiques similaires. Il s'agit sans doute d'une stratégie commerciale obscure qui nuit à l'implication des spectateurs puisque le principal intérêt, transcendant même l'intrigue policière, est bien l'évolution des deux personnages centraux avec un inspecteur auto-destructeur tendance nihiliste et un assistant syrien prenant de plus en plus de responsabilités sans pour autant cesser d'épauler le premier, littéralement rongé de l'intérieur par des crises d'angoisse morbides. Nico a assez dit, et je le confirme, combien l'interprétation était brillante (les deux comédiens, déjà célèbres au Danemark, ayant encore franchi un pas dans la notoriété) et l'on s'amusera ici d'assister à un lent bouleversement des rôles, Assad prenant désormais les décisions tactiques du Département V le temps que son chef s'extirpe de la gangue existentielle qui l'empêche de donner le meilleur de lui-même. D'autant que, petit à petit, l'enquête qui semblait presque factice commence à révéler quelque chose de plus sombre : un rapt d'enfant, lié à une disparition qui n'a jamais été signalée. Un odieux kidnapping, sans doute un meurtre, et peut-être d'autres avant celui-ci, et en annonçant de nouveaux...
Pour quelqu'un d'aussi torturé que l'inspecteur Mørck, ce n'est sans doute pas la meilleure affaire qui soit, les implications morales et psychologiques étant décuplées dès lors qu'il s'agit d'enfants. Mais ça a le mérite de le sortir de son trou noir, sans se départir d'un ton caustique qui confèrera aux interrogatoires et aux discussions une couleur spécifique.
S'il y a bien quelques éléments en commun dans ces œuvres liées au " scandinoir ", c'est cette obsession de la souffrance des faibles et des marginaux, cet aspect un peu voyeur que nous adoptons lorsque nous nous délectons (tout en nous en défendant) des tortures physiques et psychologiques infligées aux victimes qui sont la plupart du temps des femmes ou des enfants. Une souffrance qui impacte directement l'entourage de ces derniers, mais également les personnes qui cherchent à les sauver, n'en ressortant jamais indemnes. Les œuvres de ce genre qui fait florès en Europe se nourrissent des pires bassesses commises par l'humain, l'occasion à l'écran de verser dans le gore et le scabreux, tout en jouant de certains codes graphiques visant le décalage. Assez bizarrement, le nouveau réalisateur, Hans Petter Moland, a choisi de déplacer l'action de l'automne (comme dans le roman, considéré comme le meilleur de la série par les lecteurs) au printemps : les champs de colza en fleurs apportent ainsi une touche de couleurs vives au récit de plus en plus noir et on assistera de temps à temps à une stylisation marquée de certaines séquences sans pour autant nuire à la fluidité de la narration.
Cette dernière s'avère plus linéaire que dans Profanation, plus facile à suivre et avec moins d'implications retorses : les seuls flashbacks surviendront vers la fin et ne serviront qu'à expliquer visuellement au spectateur les origines du monstre qui commet ces atrocités. Moins dense et moins politiquement engagé, Délivrance s'avère plus vif, plus percutant et se pare de propos sur la foi qui manquent malheureusement de punch et se perdent en circonvolutions maladroites. Il y avait de quoi faire entre un inspecteur complètement désabusé et un assistant dynamique, optimiste et croyant, surtout lorsqu'on sait que le criminel qu'ils poursuivent ne s'en prend qu'à des communautés religieuses fermées. Le questionnement sur la foi salvatrice est bien au centre du script mais manque d'arguments, se contentant d'opposer des visions antagonistes qui ne cherchent pas à convaincre.
L'ensemble se suit avec plaisir : pas de temps mort avec un montage très sec et une montée en tension efficace jusqu'à la résolution finale. Si Assad prend en charge l'enquête proprement dite, Mørck reprend progressivement du poil de la bête et paiera (comme toujours) de sa personne pour mettre la main sur cet être malfaisant qui s'en prend aux plus fragiles. Un démon humain incarné par un troublant
A noter que Wild Side Vidéo propose également un coffret des trois films.
Une bouteille jetée à la mer, repêchée et oubliée dans un commissariat des Highlands. A l'intérieur, un appel au secours écrit en lettres de sang et en danois. Lorsque le message échoue au Département V de la police de Copenhague, chargé des dossiers non élucidés, les années ont passé... L'imprévisible Carl Mørck, Assad, son assistant syrien au flair infaillible, et Rose, leur secrétaire, vont-ils prendre au sérieux ce SOS ?