Vous remarquerez que
(presque) plus personne ne parle de nos déficits et de notre dette publique ou
plutôt de nos dettes publiques.
Rassurés par la fausse impression que la crise de l’euro est loin derrière
nous, béatement anesthésiés par notre capacité à emprunter à des taux négatifs
ou extrêmement faibles selon les échéances, stupidement convaincus que nous
avons déjà fait beaucoup et donc suffisamment d’efforts, la dette publique
n’est clairement plus une préoccupation majeure dans ce pays.
Pourtant, l’INSEE nous annonce que la dette publique de la France s'est
établie à 2.137,6 milliards d'euros au premier trimestre, en hausse de 40,7
milliards par rapport au trimestre précédent.
Cette date pharaonique représente 97,5% du PIB de la France.
Lorsque la question des déficits est néanmoins évoquée c’est soit pour se
féliciter de l’action efficace du Gouvernement pour le réduire, soit pour se
plaindre de la rigueur que nous imposerait Bruxelles à travers une réduction
drastique des déficits. Sur cette question tout le monde à tort. C’est en
substance ce que nous dit la
Cour des comptes.
Le Gouvernement tout d’abord, dont la Cour dénonce les demi-vérités sur le
niveau d’efforts fait depuis 2012. Celle-ci nous explique en effet que depuis
le début du quinquennat, la réduction du déficit public est « sensiblement
inférieure à celle affichée dans le Programme de stabilité » et qu’elle a
résulté pour près de la moitié de la diminution de la charge
d’intérêts.
La Cour relève également que la réduction du déficit public par rapport à
2014 provient pour les deux tiers des administrations publiques locale grâce
essentiellement à une baisse des investissements. Elle précise que beaucoup des
éléments justifiant la baisse des dépenses ne sont pas
reconductibles.
Plus grave, la Cour des comptes ne croit pas aux prévisions de dépenses
annoncées par ce même gouvernement pour 2016 et 2017 et évoque « un risque
significatif de non-respect des objectifs de déficit dès 2017 », manière soft
de dire que ces objectifs ne seront jamais atteints.
Ont tort également tous ceux qui dénoncent véhémentement le diktat de
Bruxelles et des sacro-saint 3%. Ceux-ci seront certainement heureux
d’apprendre que l’effort structurel en dépenses réalisé par la France en 2015
est inférieur de 6 milliards environ à l’effort minimal d’ajustement de 0,5
point de PIB qui est demandé par les règles européennes à un pays qui, comme la
France, n’a pas atteint son objectif d’équilibre structurel. Et plus
globalement qu’entre 2010 et 2015, la dépense publique en volume a continué
d’augmenter davantage en France que dans la plupart des autres pays de l’Union
européenne.
En clair, ils seront ravis de savoir que, comme d’habitude, la France ne
tiendra pas ses promesses de réduction des déficits publics.
En début de quinquennat, et après de nombreux reports, l’objectif de passer
sous les 3% devait être atteint en 2013 !
Il a été de 3,6% en 2015 malgré une conjoncture favorable faite de taux
d’intérêts extrêmement bas et d’une croissance plus soutenue
qu’anticipé.
En 2016, les estimations du Gouvernement mettent ce déficit à 3,3%, chiffre
dont la Cour des comptes parle en ces termes : « Les annonces
successives de nouvelles dépenses publiques, qui ne sont ni financées ni gagées
par des économies pérennes, font peser un risque sur les finances publiques en
2016 mais plus encore sur les années suivantes » !
Et tout cela avant l’annonce de Hollande d’une possible baisse des impôts
des ménages pour un cout estimé à 2 milliards d’euros.
Autant dire que ces 3,3% sont pour le moins improbables. Et un an avant
l’élection présidentielle, il faut plutôt s’attendre à une exubérante
prodigalité qu’à une sage frugalité de la part de nos gouvernants.
Encore quelque chose que Hollande aura raté faute de véritable courage
politique !
La France va donc continuer à s’endetter sur un rythme trop élevé,
incompatible avec sa croissance, avec les objectifs du Pacte de stabilité, avec
ses promesses répétées et surtout incompatible avec l’avenir qu’elle veut
donner à ses enfants.
Bien entendu, cela n’empêchera pas les pourfendeurs de la rigueur de continuer à tenir leurs discours d’irresponsables. Pourtant, ces chiffres le montrent encore une fois, la France ne connait pas la rigueur mais elle connait le chômage de masse. Il va bien falloir qu'ils se résolvent à chercher une autre explication.