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L’art peut – il se passer de commentaire (s) ?

Publié le 04 juillet 2016 par Aicasc @aica_sc

Cette question abordée en juin dernier lors de la conférence de décrochage de l’exposition d’Ernest Breleur, Le vivant passage par le féminin,  présentée à la Fondation Clément avait fait débat lors d’un colloque au MAC VAL il y a dix ans.

Vaut – il mieux laisser le champ au choc esthétique individuel et solitaire ou tendre la main au public via la médiation ?

Certains supportent difficilement les discours, immanquables accompagnateurs des œuvres d’art qu’ils jugent importuns. Le seul contact avec l’œuvre suffirait à quiconque pour en jouir dans une révélation spontanée et universelle.

 Pour d’autres, l’oeuvre ne vit qu’à travers les multiples commentaires, les diverses appropriations  qu’elle suscite. Elle engendre des interprétations qui en retour l’enrichissent.

On pourrait être tenté d’appliquer aux arts visuels cette  phrase de la préface de Charmes de Paul Valéry qui condamnait  l’indétrônable explication de texte, «  l’exercice scolaire absurde qui consiste à faire mettre des vers en prose » et  rejeter la mise en mots des œuvres picturales ou sculpturales.

Et pourtant la contemplation de l’œuvre d’art passe forcément par le langage même sous la forme d’un monologue intérieur car nous formulons nos impressions même silencieusement.  « L’œuvre d’art visuel est indissociable du langage.  Les œuvres d’art n’accèdent à la pleine conscience que par le procès du langage » dit Roland Retch.

La médiation n’apporte – t- elle pas des points de repères ? N’est – elle pas susceptible d’attiser la curiosité ? D’aider chacun à vivre pleinement son émotion ? A prendre conscience de son questionnement ? A nourrir la diversité des approches ? De favoriser une profonde appropriation ?

Déjà, la mise en espace, l’accrochage, la mise en lumière sont une interprétation, une  forme de commentaire tout comme  la sélection d’œuvres qui crée des dialogues entre elles. Elles  structurent la présentation des œuvres et à ce titre constituent  bien un commentaire.

 Aujourd’hui les dispositifs d’accompagnement de l’art sont pléthoriques : journal d’exposition, visite guidée, articles de presse, site internet , dossier pédagogique, catalogue, cartels.

A propos, connaissez – vous l’origine du cartel, ce rectangle apposé à côté de l’œuvre et qui indique son titre, son auteur, l’année de sa création, sa technique et son support ?

Trois dates.

1793, Le Conservatoire du Museum national des arts au comité d’instruction publique réalise des pancartes en carton  où figurent le titre du tableau et le nom du peintre.

1830, dans un musée de Berlin, à l’entrée de chaque salle, un panneau situe  l’emplacement de chaque tableau et précise le nom de son auteur.

1937, l’exposition « La vie et l’œuvre de Van Gogh » accorde une large place aux textes évoquant les voyages du peintre,  son processus de création,  ses thèmes de prédilection.

 A ces innombrables commentaires des historiens, des pédagogues, des critiques  vient aussi parfois s’ajouter le discours de l’artiste lui-même. L’artiste, créateur d’expressions nouvelles mais aussi de pensée sur l’art. Les textes d’artistes se multiplient au XXème siècle : manifestes, écrits théoriques.

Aujourd’hui, plus encore qu’hier, l’art est « devenu un art du faire raconter », un art du récit, du commentaire, de la légende, de l’interprétation, comme le souligne Nathalie Heinich dans Le paradigme de l’art contemporain – structures d’une révolution artistique.

L’oeuvre, loin de se réduire  aux limites matérielles de l’objet agit comme un activateur qui entraîne des mots, des actions et vient s’enrichir de tous les commentaires, les interprétations, voire les imitations qu’elle engendre. 

Que resterait – il aujourd’hui de la présentation de Fountain de Marcel Duchamp en 1917,  de l’exposition Le vide d’Yves Klein en 1958, d’Erased de Kooning de Rauschenberg en 1953 sans les anecdotes, les chroniques, les exégèses, les remix même? L’oeuvre contemporaine va bien au – delà de l’objet.

 

 Dominique Brebion


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