Dans moins d’un an, l’Assemblée sera renouvelée. Concrètement, compte-tenu des vacances et d’un calendrier électoral chargé, il ne reste donc à nos députés qu’une poignée de mois pleins pour les laisser exprimer leur moi profond, leur créativité législative et les laisser passer toutes les jolies petites expériences sociétales qu’ils ont âprement préparées toutes ces années durant. Excellente raison, donc, pour se déchaîner.
Et justement, ça tombe bien : avec la Loi Égalité et Citoyenneté, il y avait un projet de loi tout désigné pour les idées les plus moisies belles qui pouvaient germer dans l’esprit fertile et inarrêtable de nos élus en mal de légitimité et de reconnaissance éternelle.
Il faut dire qu’arrivé à ce bout du quinquennat, il devient difficile de se lancer dans les lois aux répercussions économiques les plus importantes. La tentative désespérée de remettre un peu d’ordre dans le Code du travail par le truchement du factotum El Khomri ayant abouti à une situation de blocage quasi-parfaite en République du Bisounoursland, il faut donc se concentrer sur ces lois qui se contentent de bricoler à la marge, et qui peuvent toujours se parer de la morale, du bien-être ou de ce bon sens dont les députés sont, pourtant, si dépourvus habituellement.
Le sociétal est donc un domaine tout trouvé pour ces expérimentations législatives. Oh, attention, on ne parle pas de ces grands chambardements tels que le mariage homosexuel qui aura lâché sur la France des hordes de conservateurs assoiffés de destructions de magasins, de manifestations violentes avec échauffourées et d’occupations permanentes de places publiques pour réclamer un autre monde possible, démontrant d’ailleurs l’impuissance d’une police désemparée, incapable de calmer ces dangereuses mères de famille avec poussettes qui passaient leur temps à lancer pavés et objets contondants à des compagnies républicaines stoïques sur ordre. Non. Pas de ça ici, mais plutôt de simples bricolages qui n’ont, dans l’opinion publique générale, qu’un impact modeste sur les individus et semblent couler de source.
Or donc, quelques amendements permettent d’ajouter des petites sucreries législatives à un projet par ailleurs fourre-tout morne, et habituelle giclée de moraline grasse et corrosive d’un socialisme en bout de course.
Je ne vous ferai pas l’affront de détailler le projet global, ce dernier s’ébrouant mollement dans les boues épaisses du service civil obligatoire et de la réserve citoyenne, l’immixtion de l’État dans la vie associative, du mille-feuille administratif entre les régions et l’État, de la formation décidée, encadrée et organisée par l’État, la mixité sociale, l’égalité réelle, concrète, palpable, tangible et solide et des douzaines d’autres babioles plus ou moins cachées au détour des 41 articles, trois titres et de la demi-douzaine de chapitres qui forment ce gros patapouf législatif sur lequel il fut finalement fort aisé de coller plein de cavaliers.
On pourra en tout cas en citer deux, symptomatiques.
La suite logique, c’est d’interdire la contestation de faits historiques moins saillants, puis, pourquoi pas et par extension, verrouiller une bonne fois pour toutes certains champs de la géographie, de la biologie, de la physique ou des mathématiques que d’aucuns prennent un peu trop à la légère, merde à la fin : il est temps que la valeur de Pi soit gravée dans le marbre, les approximations ont suffisamment duré. Et de toute façon, la liberté d’expression s’entend toujours pour ceux qui ont une opinion décente, n’est-ce pas…
Le second, c’est l’invasion, toujours plus loin, toujours plus forte, du législatif dans la vie intime des individus, de leur famille, et dans l’encadrement de leurs comportements. Cette fois-ci, il s’agit de légiférer sur les violences corporelles exactement comme si celles-ci avaient un jour été autorisées en France et s’il était permis, jusqu’à présent, de torturer ou frapper ses enfants dans la plus parfaite décontraction du législateur qui regarderait ailleurs en attendant tranquillement qu’un os se brise pour décider d’intervenir, éventuellement, peut-être… L’idée réelle des députés est donc d’accroître encore le champ d’application des textes existants et d’étendre ces interdictions au cadre de l’autorité parentale qui exclura donc « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ».
Comme souvent lorsqu’on pave l’enfer de bonnes intentions, les députés ont ici soigneusement alignés leurs pavés en croyant lutter contre les sévices faits aux enfants (ce dont toutes les lois précédentes se chargeaient pourtant déjà). Charge ensuite à l’État, dans sa grande intelligence et son immense finesse, de définir au quotidien ce que « traitement humiliant » veut dire. Délice de l’administration qui se chargera de retirer les enfants de parents jugés incompétents par la magie d’un texte de trop : forcément, il n’y aura pas d’erreurs, de dénonciations calomnieuses, de dérapages et de familles déchirées, jamais, puisque le texte part d’une bonne intention, voyons.
Mmmh, vraiment, ce projet législatif obèse, ces amendements cavaliers, tout ceci sent bon la fin de règne, la nécessité pour cette Assemblée de pondre de la loi toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus fort. La meute républicaine a reniflé sa fin proche et ces derniers projets, passés en blocs, sentent un peu l’hallali.
Chaque député, chaque ministre, gonflés de sa propre importance, veut passer sa petite loi, faire le plein de projets concrétisés afin de pouvoir dire enfin, lorsque le temps des urnes reviendra, « Regardez ce que j’ai fait pour vous » tant est forte la peur de se faire débarquer pour incompétence à la prochaine législative.
Mais surtout, l’actuelle majorité a bien compris qu’en tartinant ainsi les codes de leurs excréments législatifs, leurs successeurs devront se coltiner ces lois débiles et interminables sans vraiment pouvoir revenir en arrière (et on ne manque pas d’exemples en la matière – Rocard, récemment décédé, n’imaginait probablement pas que sa CSG lui survivrait). Ici, c’est identique : à la fin de règne, on ouvre à fond le robinet à niaiseries, on taille à grands coups de marteau-pilon dans un sociétal peu coûteux, et les députés de la majorité suivante devront gérer leurs scories les cinq prochaines années. Et si jamais il leur venait la fantaisie de revenir en arrière, l’opposition d’alors se fera un plaisir de hurler devant tant d’infamie.
La France, bateau ivre et percé de toutes parts, s’enfonce lentement. Les élus, cyniques et bien certains d’avoir une place dans de beaux canots de sauvetage, vérifient que personne ne chaparde les petites cuillères en argent.
Ce pays est foutu.
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