– Impossible de sortir on dirait, dit-il. Puis il ajoute : Mais on sortira.
Au nord, entourée de lacs grands comme des océans, la forêt s’étend jusqu’au pied d’une chaîne de montagnes. Au milieu de la forêt, il y a un puits. Le puits fait environ sept mètres de profondeur et ses parois irrégulières forment une muraille de terre humide et de racines, son embouchure est étroite et sa base plus large, comme une pyramide vide et émoussée. De veines lointaines en galeries affluentes de la rivière, une eau sombre s’écoule au fond du lit, le tapissant d’un dépôt terreux et d’une boue piquée de bulles qui, en éclatant, restituent à l’atmosphère son parfum d’eucalyptus. Peut-être à cause du mouvement des plaques tectoniques, ou de la continuelle brise tourbillonnante, les petites racines s’agitent, se retournent et paradent en une danse lente et angoissante qui évoque les entrailles des forêts dirigeant lentement le monde.
Le frère aîné est grand. Il gratte la terre pour former des marches, mais lorsqu’il y pose le pied, tout son corps s’affaisse et le mur s’éboule.
Le frère cadet est petit. Assis par terre, les bras autour des jambes, il souffle sur la blessure fraîche qu’il a au genou. En se disant que le premier sang coule toujours dans le camp des plus faibles, il observe son frère tomber, une, deux, trois fois.
Le puits – Iván Repila
Un rendez-vous initié par Ma lecturothèque, suivi par Georges, La chambre rose et noire, Moka, Au café bleu, Nadège, Mon univers Fantasy, La bibliothèque de Céline, et A la page des livres.