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Samedi 2 juillet 2016
Les mauvaises nouvelles ont récemment déferlé sur le Royaume-Uni – aussi bien politiques qu’économiques ou météorologiques.
Alors quand j’ai vu le médecin cette semaine pour ma première consultation depuis la fin de ma radiothérapie, suite à la récidive de mon cancer de la prostate, je redoutais une autre avalanche de mauvaises nouvelles.
Mais en fait, elles furent plutôt encourageantes.
L’analyse de sang montre que la radiothérapie a eu un effet certain. Le taux de PSA, le marqueur que l’on utilise pour détecter la présence de cellules cancéreuses, a chuté de près de 90% (pour ceux qui aiment les chiffres précis, il est passé de 0,259 ng/ml à 0,028 ng/ml).
Jusqu’ici, tout va bien.
C’est donc reparti pour le jeu de patience – en attendant un autre contrôle dans trois mois pour vérifier le taux de PSA. Ce que nous espérons, c’est qu’il reste stable ou même diminue encore.
Je ne vous cache pas que c’est parfois assez pénible (pour ma partenaire et moi-même) de vivre la vie en tranches de trois mois – d’autant plus que nous sommes déjà passés par là !
Après la chirurgie pour enlever ma prostate cancéreuse en janvier 2015, mon PSA a brutalement chuté de 18,96 à 0,05. Mais, neuf mois plus tard, il avait recommencé à grimper et je me préparais à subir un nouveau traitement.
Vous comprenez donc pourquoi je n’ai pas vraiment envie de faire la fête !
L’hémisphère du cerveau qui gouverne la raison dit que la seule réponse rationnelle c’est de garder son calme et d’aller de l’avant. L’inquiétude ne vous sera vraiment d’aucune aide. Profitez donc du moment présent. Buvez une grande gorgée au calice de la vie et savourez-la.
Mais dans les recoins les plus sombres de votre esprit les diablotins de l’incertitude sèment la gangrène. A la moindre occasion, ils vont se ruer au dehors et s’exhiber comme des satyres démoniaques. Ces démons du doute peuvent aussi parfois s’avérer de sadiques petites bestioles.
Ils attendent que vous soyez fatigué ou absorbé par un travail délicat avant de faire surface et de commencer à vous harceler avec leurs pointes d’anxiété bien aiguisées.
Malheureusement, plus je traverse le pays de l’incertitude et plus les démons paraissent intelligents. Ils ont progressé depuis les tout premiers jours où ils se contentaient de proférer des propos incohérents sur une mort imminente.
Ils se permettent à présent de vous rappeler à coups de chuchotements toxiques ce qui est déjà arrivé. Ils insistent sur le fait que cela va se reproduire et énumèrent avec allégresse les terribles effets secondaires de l’hormonothérapie que les médecins vous inciteront à entreprendre en tout dernier recours.
Leur dernière ruse est une technique apparentée au cheval de Troie. Ils trouvent une naïve licorne pleine de vie, au milieu d’un rêve sans aucun rapport avec le cancer, et l’encouragent d’un sourire à s’ébattre dans votre paysage onirique avec de superbes couleurs. En 3D et avec un super son dolby digital 5.1. L’expérience semble si vivace que cela vous réveille à moitié.
« Voilà un rêve vraiment exaltant, » vous dites-vous dans un étrange état de semi-conscience.
Et c’est à ce moment-là que les petits diables du doute ouvrent la porte sur le côté du rêve Licorne et se ruent à l’intérieur pour semer la terreur dans votre esprit à demi-conscient et sans défense.
Mais maintenant je sais comment riposter. L’astuce, c’est de se réveiller, de se lever, même si on se sent totalement épuisé, et de se mettre à lire.
Au début, les mots s’écoulent dans votre cerveau comme un charabia dénué de sens. C’est comme essayer de déclamer de la poésie à une classe d’adolescents blasés et indisciplinés.
Il faut parfois relire la même page trois ou quatre fois mais les jeunes démons finissent par réaliser que vous les ignorez et ils commencent alors à s’éloigner pour chercher quelqu’un d’autre à tourmenter.
Et puis l’aube pointe son nez et tout s’arrête. Vous vous retrouvez alors avec une sorte de gueule de bois psychologique alors que toutes les petites mais douloureuses blessures laissées par les démons du doute commencent à cicatriser.
Comme avec une gueule de bois classique, cela vous rend irritable et de mauvaise compagnie. Si c’est plus comme une énorme cuite, cela peut même prendre plusieurs jours mais cela finit toujours par passer.
Vous êtes alors prêt à boire une nouvelle fois au calice de la vie. Le paysage politique morose lui donne un goût prononcé assez amer mais heureusement pour moi, je suis assez friand des saveurs amères un peu fortes.
La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie !