Source:portailhumanitaire.org
Pour éviter le recours à l’hôtellerie privée pour l’hébergement d’urgence, la Caisse des dépôts et Adoma vont acquérir 75 résidences hôtelières pour une capacité de 10 000 places.
Pour éviter le recours à l’hôtellerie privée pour l’hébergement d’urgence, la Caisse des dépôts et Adoma vont acquérir 75 résidences hôtelières pour une capacité de 10 000 places.
Ce projet reposera sur un fonds d’investissement privé. Une première en France qui fait débat dans le secteur de l’urgence.
La critique est récurrente : non seulement l’hébergement des familles sans domicile à l’hôtel est un non-sens économique, mais il est totalement inadapté sur le plan humain. Faute de solutions alternatives, plus de 700 000 € sont quotidiennement engloutis pour financer 40 000 nuitées en Île-de-France (contre 24 000 en 2013). Un pis-aller qui, en outre, s’accompagne rarement d’un suivi social, ce qui retarde l’insertion des intéressés. La plupart vivent ainsi des années dans des établissements parfois livrés à des marchands de sommeil.
Un montage financier jamais expérimenté en France
Pour sortir de l’impasse, la filière immobilière de la Caisse des dépôts, alliée pour l’occasion à Adoma (1), a décidé d’employer les grands moyens. Elle va racheter 75 résidences hôtelières totalisant 10 000 places (5 000 pour les demandeurs d’asile, 5 000 pour les sans-abri du 115) et les mettre directement à disposition des sans-abri. « Pour 17,50 € par jour et par personne, soit ce qui est actuellement dépensé en hôtel privé, nous proposerons des lieux plus dignes, et en sus, l’accompagnement social nécessaire à une bonne insertion », expose Jean-Paul Clément, directeur général d’Adoma, qui aura ce nouveau parc en gestion. Les sites n’ont pas encore été précisément identifiés. Ils devraient prioritairement se trouver en Île-de-France, en Rhône-Alpes et sur l’Arc méditerranéen, mais aussi en Lorraine et dans le Pas-de-Calais.
L’achat se fera selon un montage financier encore jamais expérimenté en France, faisant appel à des « social impact bonds » (titres à impact social). Concrètement, un fonds d’investissement privé va être monté par la Caisse des dépôts. Ses contributeurs pourront percevoir des intérêts sur les coûts évités à la collectivité. Le portefeuille d’actifs n’est pas encore constitué, mais la Caisse des dépôts est en discussion avec des assurances-vie et des mutuelles (BNP Paribas, Maif, Macif…). « Au bout de douze ans d’exploitation, Adoma deviendra propriétaire pour 1 € symbolique », assure Thomas Le Drian, directeur de cabinet du groupe SNI, filiale immobilière de la Caisse des dépôts.
Jouer sur la mixité des publics
D’autres modèles concurrents existent. L’idée de racheter ou de réaménager des hôtels pour en faire des lieux adaptés revient à Éric Pliez, président du Samu social de Paris et directeur général de l’association Aurore. Depuis un an et demi, il expérimente à Pantin (Seine-Saint-Denis) une formule de 60 chambres à 18 € incluant un accompagnement, un petit déjeuner et des espaces de vie (réfectoire, cuisine, laverie…).
Pourtant, ce responsable ne cache pas sa colère à l’annonce du projet de la Caisse des dépôts. Selon lui, remplacer un hôtelier privé, « souvent artisan et pas toujours indigne », par un fonds d’investissement n’a aucun avantage. « À quoi bon garantir à des investisseurs des taux de rendement sur le compte de l’État, puisque nous avons démontré que le modèle économique pouvait tourner sans y avoir recours ! », tonne le responsable.
Lui compte creuser son sillage en lien avec la fédération des Entreprises sociales pour l’habitat. Avec le groupe 3F (le plus gros bailleur social de France), il voudrait expérimenter une formule jouant sur la mixité des publics. L’idée serait de fonder des « résidences hôtelières à vocation sociale » accueillant un tiers de personnes sans domicile, un tiers de travailleurs pauvres et un tiers de touristes. Éric Pliez, toutefois, reconnaît avoir le plus grand mal à trouver des hôteliers prêts à céder leur bien, sur un marché très lucratif. « Nous avons tenté deux approches qui n’ont pas abouti », admet-il. Une autre solution serait d’imposer aux hôteliers un cahier des charges, avec des conditions minimales d’accueil, en passant par des appels d’offres.
Le projet Adoma-SNI, de par son envergure industrielle, aurait l’avantage de fournir un levier de négociation plus grand. Il pourrait décider de grands groupes hôteliers, plus prompts à vendre une partie de leur patrimoine. Mais Éric Pliez prévient : « Il ne faudrait pas que la logique de rendement prime sur le service rendu aux familles. »
Un système inefficace et inadapté
L’État dispose actuellement d’un parc d’hébergement durable de plus de 110 000 places (+ 30 000 par rapport à 2012). Mais ces solutions restent insuffisantes et inadaptées.
Plus de 40 000 nuitées sont ainsi financées chaque jour en Île-de-France, avec de mauvaises conditions d’accueil. 29 % des familles vivent sans toilettes ni douche, 11 % des personnes sont en « insécurité alimentaire sévère », 41 % des enfants doivent dormir dans le même lit que leurs parents, 13 % d’entre eux ne trouvent pas le chemin de l’école (Samu social de Paris, 2013).
Le gouvernement a promis l’an dernier 13 000 solutions alternatives d’ici à 2017 (intermédiation locative, pensions de famille, appartements dédiés aux familles). Mais à Paris, les attributions à l’hôtel sont toujours en hausse (+19 % cet hiver). De même que dans 45 départements français (+ 6 % entre janvier et mars selon la Fnars).
(1) Adoma (anciens foyers Sonacotra) est une société d’économie mixte française au capital public, qui gère un parc de 70 000 places pour demandeurs d’asile, jeunes travailleurs, migrants âgés, etc.
Source:portailhumanitaire.org
Pour éviter le recours à l’hôtellerie privée pour l’hébergement d’urgence, la Caisse des dépôts et Adoma vont acquérir 75 résidences hôtelières pour une capacité de 10 000 places.
Pour éviter le recours à l’hôtellerie privée pour l’hébergement d’urgence, la Caisse des dépôts et Adoma vont acquérir 75 résidences hôtelières pour une capacité de 10 000 places.
Ce projet reposera sur un fonds d’investissement privé. Une première en France qui fait débat dans le secteur de l’urgence.
La critique est récurrente : non seulement l’hébergement des familles sans domicile à l’hôtel est un non-sens économique, mais il est totalement inadapté sur le plan humain. Faute de solutions alternatives, plus de 700 000 € sont quotidiennement engloutis pour financer 40 000 nuitées en Île-de-France (contre 24 000 en 2013). Un pis-aller qui, en outre, s’accompagne rarement d’un suivi social, ce qui retarde l’insertion des intéressés. La plupart vivent ainsi des années dans des établissements parfois livrés à des marchands de sommeil.
Un montage financier jamais expérimenté en France
Pour sortir de l’impasse, la filière immobilière de la Caisse des dépôts, alliée pour l’occasion à Adoma (1), a décidé d’employer les grands moyens. Elle va racheter 75 résidences hôtelières totalisant 10 000 places (5 000 pour les demandeurs d’asile, 5 000 pour les sans-abri du 115) et les mettre directement à disposition des sans-abri. « Pour 17,50 € par jour et par personne, soit ce qui est actuellement dépensé en hôtel privé, nous proposerons des lieux plus dignes, et en sus, l’accompagnement social nécessaire à une bonne insertion », expose Jean-Paul Clément, directeur général d’Adoma, qui aura ce nouveau parc en gestion. Les sites n’ont pas encore été précisément identifiés. Ils devraient prioritairement se trouver en Île-de-France, en Rhône-Alpes et sur l’Arc méditerranéen, mais aussi en Lorraine et dans le Pas-de-Calais.
L’achat se fera selon un montage financier encore jamais expérimenté en France, faisant appel à des « social impact bonds » (titres à impact social). Concrètement, un fonds d’investissement privé va être monté par la Caisse des dépôts. Ses contributeurs pourront percevoir des intérêts sur les coûts évités à la collectivité. Le portefeuille d’actifs n’est pas encore constitué, mais la Caisse des dépôts est en discussion avec des assurances-vie et des mutuelles (BNP Paribas, Maif, Macif…). « Au bout de douze ans d’exploitation, Adoma deviendra propriétaire pour 1 € symbolique », assure Thomas Le Drian, directeur de cabinet du groupe SNI, filiale immobilière de la Caisse des dépôts.
Jouer sur la mixité des publics
D’autres modèles concurrents existent. L’idée de racheter ou de réaménager des hôtels pour en faire des lieux adaptés revient à Éric Pliez, président du Samu social de Paris et directeur général de l’association Aurore. Depuis un an et demi, il expérimente à Pantin (Seine-Saint-Denis) une formule de 60 chambres à 18 € incluant un accompagnement, un petit déjeuner et des espaces de vie (réfectoire, cuisine, laverie…).
Pourtant, ce responsable ne cache pas sa colère à l’annonce du projet de la Caisse des dépôts. Selon lui, remplacer un hôtelier privé, « souvent artisan et pas toujours indigne », par un fonds d’investissement n’a aucun avantage. « À quoi bon garantir à des investisseurs des taux de rendement sur le compte de l’État, puisque nous avons démontré que le modèle économique pouvait tourner sans y avoir recours ! », tonne le responsable.
Lui compte creuser son sillage en lien avec la fédération des Entreprises sociales pour l’habitat. Avec le groupe 3F (le plus gros bailleur social de France), il voudrait expérimenter une formule jouant sur la mixité des publics. L’idée serait de fonder des « résidences hôtelières à vocation sociale » accueillant un tiers de personnes sans domicile, un tiers de travailleurs pauvres et un tiers de touristes. Éric Pliez, toutefois, reconnaît avoir le plus grand mal à trouver des hôteliers prêts à céder leur bien, sur un marché très lucratif. « Nous avons tenté deux approches qui n’ont pas abouti », admet-il. Une autre solution serait d’imposer aux hôteliers un cahier des charges, avec des conditions minimales d’accueil, en passant par des appels d’offres.
Le projet Adoma-SNI, de par son envergure industrielle, aurait l’avantage de fournir un levier de négociation plus grand. Il pourrait décider de grands groupes hôteliers, plus prompts à vendre une partie de leur patrimoine. Mais Éric Pliez prévient : « Il ne faudrait pas que la logique de rendement prime sur le service rendu aux familles. »
Un système inefficace et inadapté
L’État dispose actuellement d’un parc d’hébergement durable de plus de 110 000 places (+ 30 000 par rapport à 2012). Mais ces solutions restent insuffisantes et inadaptées.
Plus de 40 000 nuitées sont ainsi financées chaque jour en Île-de-France, avec de mauvaises conditions d’accueil. 29 % des familles vivent sans toilettes ni douche, 11 % des personnes sont en « insécurité alimentaire sévère », 41 % des enfants doivent dormir dans le même lit que leurs parents, 13 % d’entre eux ne trouvent pas le chemin de l’école (Samu social de Paris, 2013).
Le gouvernement a promis l’an dernier 13 000 solutions alternatives d’ici à 2017 (intermédiation locative, pensions de famille, appartements dédiés aux familles). Mais à Paris, les attributions à l’hôtel sont toujours en hausse (+19 % cet hiver). De même que dans 45 départements français (+ 6 % entre janvier et mars selon la Fnars).
(1) Adoma (anciens foyers Sonacotra) est une société d’économie mixte française au capital public, qui gère un parc de 70 000 places pour demandeurs d’asile, jeunes travailleurs, migrants âgés, etc.