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Quatre années de négociations intenses ont été nécessaires, depuis la proposition de la Commission européenne en juillet 2012, pour que le chalutage soit enfin interdit au-delà de 800 mètres de profondeur, dans l’ensemble des eaux européennes. Une fois n’est pas coutume, c’est un Etat membre -le Luxembourg assurait la présidence de l’UE jusqu’au 31 décembre 2015- qui a réinscrit l’interdiction de ce type de pêche à l’agenda européen, alors que le Parlement avait rejeté le principe en décembre 2013. Le Conseil européen avait ensuite donné son feu vert le 6 novembre dernier, permettant d’ouvrir les négociations en trilogue. L’accord trouvé aujourd’hui dessine les contours du règlement européen sur la pêche profonde, avec l’interdiction pure et simple comme principe.Le succès des ONGCette victoire est surtout celle des ONG spécialisées dans la protection des océans, comme Bloom ou Pew, qui se battent depuis 8 ans pour que l’UE protège des chaluts profonds et des filets maillants de fond ses écosystèmes des abysses. "Cette réforme aurait pu être beaucoup plus ambitieuse si elle avait été portée par un autre rapporteur. L’eurodéputée socialiste Isabelle Thomas a bradé le règlement en acceptant, presque sans ciller, les reculs proposés par les États membres, Espagne en tête", nuance Claire Nouvian, directrice de Bloom. L’ONG tient cette parlementaire pour responsable du refus du Parlement européen d’interdire la pêche profonde en décembre 2013. Elle est d’ailleurs marraine du lobby pour la pêche Blue fish. À l’époque, les négociations avaient été relancées par d’autres eurodéputés, dont Yannick Jadot pour Europe Ecologie-les Verts, Marielle de Sarnez pour le Modem, et Younous Omarjee pour le parti communiste, selon Bloom.Les Espagnols hors des filetsLa flotte de pêche espagnole compte 9.895 navires en 2014. C’est la première de l’UE en capacité, avec 379.209 tonneaux de jauge brute. Le texte de l’accord comporte en effet un recul majeur par rapport aux dernières négociations. La zone frappée par l’interdiction est réduite aux eaux de l’UE et à l’Atlantique du Centre-est, et ne touche plus l’Atlantique du Nord-est, comme le souhaitait le Parlement. Cet échec s’explique par le lobbying intense de l’Espagne, dont la flotte, qui pêche surtout hors des eaux européennes, se trouve de facto exemptée de toute contrainte.Protection des écosystèmes vulnérablesLe règlement sur la pêche profonde crée, outre le principe d’interdiction au-delà de 800 m, un mécanisme juridiquement contraignant de fermeture de zones dès qu’elles abritent des écosystèmes vulnérables. "Cette mesure est très importante puisque les zones pourront être fermées en se basant sur les cartographies prédictives des scientifiques. Les observations sur le terrain sont en effet très coûteuses, au minimum 25.000 euros par jour, ce qui limite les investigations. Et les prédictions sur la vulnérabilité des écosystèmes, calculée en fonction des courants et de la topographie des fonds, s’avère très fiable", précise Claire Nouvian. "Nous encourageons également l’UE à améliorer la protection des écosystèmes profonds dans les eaux internationales et à fixer des limites de capture ciblées et accessoires dans les eaux profondes de l’Atlantique du Nord-est en tenant compte des données scientifiques", réclame de son côté Matthew Gianni, représentant de la Deep sea conservation coalition. FG