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L'Affaire Kerviel est-elle en train de devenir l'affaire Société générale ? Selon une enquête menée conjointement par nos confrères de France Inter, Médiapart et 20 minutes, la banque française a bénéficié d'une remise du fisc français alors qu'un rapport pointant les dysfonctionnements au sein de l'entreprise aurait dû invalider la procédure.Cadeau fiscalLa Société générale réclame toujours 4,9 milliards d'euros à son ex-trader Jérôme Kerviel, accusé de lui avoir fait subir des pertes en 2008. De son côté, le ministère des Finances a permis à la banque de déduire une partie des pertes de sa déclaration fiscale, équivalent à une remise de 2,2 milliards d'euros. La procédure est parfaitement légale sous réserve qu'aucune défaillance au sein de l'entreprise ne soit relevée. Or la banque ne semble pas répondre pas à ce critère. Dès le 23 mai 2008, un cabinet d'audit sollicité par la banque française elle-même, souligne un "environnement général" ayant conduit à des "dépassements fréquents de limites de risque" dans le service de Jérôme Kerviel. Le 4 juillet 2008, la Commission bancaire a infligé un blâme et une amende de 4 millions d'euros à la banque pour des "carences graves du système de contrôle interne". Or la ristourne de 2,2 milliards d'euros "accordée très rapidement par Bercy" a été validée "avant même la fin de l’enquête judiciaire au début de l’année 2009", précise le site de France Inter. "Cette perte de la Société Générale n’a jamais été quantifiée par un tiers évaluateur. Il n’y a eu aucune expertise indépendante, ni aucune expertise de justice" souligne l’expert-comptable Michel Tudel, cité par nos confrères.Un rapport resté lettre morteD'après leur enquête, un rapport du parquet financier faisant état de cette incohérence, a curieusement été enterré. Le document de vingt-cinq pages, rédigé en mai 2008 à la demande du parquet financier et rédigé par un assistant spécialisé, expert des questions financières, insistait sur la nécessité d'enquêter sur les pratiques de la banque. Ce document mettait également en cause la légitimité des 2,2 milliards d'euros accordés à la banque. "Secrets d’Info" (émission sur France Inter) qui a retrouvé ces pages en dévoile un extrait : "La déductibilité de cette charge pourrait être remise en cause si [l’enquête] venait à révéler la défaillance des contrôles internes de la société (…) qui seraient à l’origine, directe ou indirecte, des détournements. Une communication à l’administration fiscale apparaît nécessaire ». Or ces recommandations ne sont pas suivies d'effet, malgré "plusieurs réunions au Pôle financier entre le procureur et les avocats de la banque".Mutisme"La Société Générale a participé à une truquerie parfaitement honteuse. On peut s’interroger sur ces liens incestueux qui ont pu exister entre la section financière du parquet de Paris et la banque française" s'insurge David Koubbi, l'avocat de Jérôme Kerviel, cité par France Inter. Ni l'auteur du rapport, ni les avocats de la banque, ni même des membres du parquet financiers en poste à l'époque des faits n'ont accepté de s'exprimer sur le sujet, se retranchant derrière le secret professionnel ou affirmant leur ignorance de l'existence du rapport. Pour le député socialiste Yann Galut, qui dénonce une "affaire d’État", "le gouvernement doit absolument se saisir de cette affaire et une enquête des services fiscaux doit être ordonnée". FG