Mauvaise nouvelle pour l’Amazonie : un programme prévisionnel des périodes d’incendies considère que suite à la faible saison des pluies qui vient de s’achever, les conditions sont propices dans cette région à un important développement d’incendies. À l’heure actuelle, les feux recensés sont déjà plus nombreux que lors des mémorables sécheresses de 2005 et 2010.
« Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » interrogeait le météorologue Edward Lorenz en 1972. Et bien les multiples interactions dans notre biosphère font qu’un phénomène naturel récurrent localisé dans l’océan Pacifique comme le fameux El Niño peut avoir des conséquences désastreuses à des milliers de kilomètres de là, voire même à l’échelle globale.
L’épisode de cet hiver 2015-2016, l’un des plus puissant jamais enregistré avec celui de 1997-1998, a malheureusement des effets sur le long terme qui sont à l’origine de nombreux désordres présents et à venir. Ainsi « l’enfant terrible » n’est sans doute pas étranger aux vagues de chaleur qui frappent ces dernières semaines le sud-ouest des États-Unis (plus de 50°C à certains endroits et 180 km² de forêt qui viennent de partir en fumée au nord de Los Angeles) ni à la disparité des pluies en Amérique du Sud ou, plus loin encore, en Afrique où 60 millions de personnes devraient être touchées par El Niño, selon l’ONU…
Les données sur les réserves d’eau souterraine collectées avec le satellite Grace montrent un déficit très important en 2016 pour la moitié nord de l’Amérique du Sud. L’impact sur la forêt amazonienne et tout le bassin du fleuve Amazone risque d’être très fort — Crédit : Yang Chen, University of California, Irvine
En Amazonie, une saison des pluies qui fut sèche
En ce qui concerne l’Amazonie, l’une des régions les plus humides du Globe terrestre, le programme Amazon fire forecast(en français, « prévision des incendies en Amazonie ») initié en 2011 par des chercheurs de l’université de Californie et du GSFC (Goddard Space Flight Center) de la Nasa – le programme étudie en particulier les liens entre le réchauffement des eaux océaniques et les feux de forêt pour construire des modèles -, tire la sonnette d’alarme.
La saison des pluies, de décembre à juin, fut en effet en deçà des niveaux moyens. El Niño conjugué à des eaux plus chaudes en surface dans l’océan Atlantique ont eu tous deux pour effet de décaler les pluies abondantes sur des régions plus au sud du bassin amazonien (voir cartes ci-dessus).
En conséquence :« Les conditions de sécheresse sévère au début de la saison sèche [juin à octobre, NDLR] ont préparé le terrain pour le risque extrême d’incendie en 2016 à travers le sud de l’Amazonie » s’inquiète l’un des membres de l’organisation, Doug Morton. Pour les chercheurs, qui s’appuient sur les données des réserves d’eau souterraine recueillies par le satellite GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment), la situation est encore plus préoccupante qu’en 2005 et 2010, deux années déjà marquées par des sécheresses exceptionnelles et des incendies qui ont ravagé de grandes portions de la forêt équatoriale.
Indicateurs des risques les plus probables d’incendies dans plusieurs régions d’Amérique du Sud. Six concernent le Brésil (les états Acre, Amazonas, Maranhao, Mato Grosso, Para et Rondonia), trois en Bolivie (El Beni, Pando et Santa Cruz), et un pays tout entier : le Pérou — Crédit : Yang Chen, University of California, Irvine
Déjà beaucoup d’incendies déclarés
Un site internet qui engrange les données de l’instrument Modis du satellite Terra détectant les foyers actifs, ainsi que celles de la Global Fire Emissions Database (GFED), a été ouvert pour pouvoir suivre quasiment en temps réel, l’évolution des incendies. Jusqu’à présent, l’équipe a des raisons d’être pessimiste car en ce début de saison sèche, les feux sont déjà plus nombreux que lors des épisodes précédents.
« Quand les arbres ont moins d’humidité au début de la saison sèche, ils deviennent plus vulnérables au feu, et évaporent moins d’eau dans l’atmosphère. Cela stresse des millions d’arbres et cette baisse d’humidité dans toute la région, permet aux incendies de grossir plus encore qu’ils ne le feraient normalement » explique Jim Randerson, qui avec son collègue Yang Chen de l’UC-Irvine, a développé ce modèle de prévisions.
Il y a de grands risques que les petits feux dans des parcelles agricoles débordent et dévorent la forêt environnante, précisent-ils, rappelant que les arbres de ce biotope ne sont pas adaptés à ce type d’événement, c’est pourquoi même un incendie très lent peut être très destructeur pour la forêt.