Bien née, Comtesse fortunée, Veuve, libido A zéro, Nadège, ma grand-mère Habite un manoir Sans baignoire Ni frigidaire. Elle n'a de cesse D'arroser son diocèse En larges générosités, Sans jamais compter. Il y a vingt ans, L'évêque reconnaissant Fait nommer la comtesse Chanoinesse Du Saint-Sépulcre. Fiat lux ! Un tel privilège Autorise Nadège, À employer une nonne, gratis Et toute dévouée à son service. Alors, d'une abbaye voisine, Elle débauche une religieuse Adipeuse Pour faire son ménage, sa cuisine, Conduire son cabriolet Et co-réciter le chapelet. Hélas, Lasse De toujours tout faire, De vivre l'enfer, L'épouse de Jésus se met à boire Tous les soirs Coups sur coups Mais ne tient pas le coup. Et désespérée de n'être plus servie Comme avant, Bonne-maman Noie sa peine dans l'eau-de-vie. Un jour, sans doute cuvant, La nonne s'endort au volant. L'auto fracasse un saule pleureur : Les deux femmes meurent. Au ciel, leur nouvelle résidence, Dieu profite de leurs compétences : La chanoinesse A le bol De tenir le tiroir-caisse De l'Eden bar. Et la nonne obtient le monopole Du transport des pochards.