La chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues est à Montpellier pour présenter sa dernière création Pour que le ciel ne tombe pas dans le cadre du 36è Festival Montpellier Danse.
Née à São Paulo, où elle étudie le ballet classique et l'histoire, Lia Rodrigues danse depuis les années 70. En 1990 elle crée, à Rio de Janeiro, sa propre compagnie de danse. Depuis 2004, elle développe des actions pédagogiques et artistiques dans la favela de Maré. Mêlant militantisme et utopies, elle croit à la synergie entre l’art et les processus sociaux.
Brasilidade : le travail au sein de la favela de Maré, quartier de Rio, où vivent 140 mil personnes
Lia Rodrigues : Quand j’ai décidé d’installer ma compagnie au sein de la favela de Maré j’étais consciente que nous allions être confrontés à des situations bien spécifiques, résultat d’inégalités économiques et sociales. Arts de Maré a pour mission la création, la formation et la diffusion artistique. C’est là que la compagnie répète et donne des cours de danse gratuits pour les habitants du quartier. La réalité du lieu où l’on travaille influence de façon déterminante nos modes de création et de production. J’articule ma démarche comme chorégraphe dans ce territoire, en créant des stratégies afin que notre travail puisse aller a la rencontre aussi bien des habitants de Maré , que des publics des autres quartiers de la ville.
Brasilidade : le défi : trouver sa place
Lia Rodrigues : Penser la relation entre ce que l’on crée et les différents spectateurs est un défi. Quelle est la manière dont chacun va trouver sa place à partir de cette rencontre, avec ses similitudes, ses différences, les uns vers les autres, les uns avec les autres ? La décision de développer notre travail dans cette favela signifie prendre une position politique et aller contre la tendance à l’exclusion de cette immense partie de la population de Rio de Janeiro. À cette époque où partout dans le monde on construit de plus en plus de murs et de grilles, où les territoires sont férocement délimités, où les frontières sont imposées et rigoureusement défendues, nous proposons de faire le mouvement inverse. Nous proposons de découvrir de nouvelles possibilités de partage, de dialogues et de création.
Brasilidade : la création de Pour que le ciel ne tombe pas
Lia Rodrigues : Il existe un seul ciel et l'on doit le préserver, car s'il tombe malade, tout disparaitra.
Ce sont les mots proférés par Davi Kopenawa, shaman du peuple Yanomami dans la forêt Amazonienne. Comment ne pas lâcher, quand nous sommes confrontés tous les jours aux forces du chaos et hantés par les catastrophes et les atrocités... Que reste-t-il à faire ? Que peut-on faire individuellement, chacun à sa façon pour soutenir le ciel ? Nous dansons ! Sous la pluie et l’orage et le soleil brûlant, nous dansons comme une offrande et comme un hommage, pour ne pas disparaître, pour durer et se décomposer, pour agiter l’air et pour le déployer, pour rêver et pour explorer des lieux sombres. Nous dansons pour devenir des lucioles, pour être faibles et résister, nous dansons pour trouver un moyen de rester en vie et pour survivre à ce monde à l’envers.
Brasilidade : créer au Brésil
Lia Rodrigues : Dans mon pays, je crois que l’acte artistique ne peut pas se restreindre à la création d’une œuvre d’art. Il faut d’abord et simultanément occuper un espace, créer un territoire et provoquer les conditions pour y survivre. Aménager, déplacer, construire des stratégies, réparer, restaurer. Bâtir le terrain pour que l’œuvre d’art puisse exister. La compagnie existe depuis 20 ans et au Brésil, pays où les aides publiques à la culture sont très limitées, ceci signifie une lutte quotidienne et la recherche permanente de solutions pour survivre.
Brasilidade : la situation politique brésilienne
Lia Rodrigues : J'ai beaucoup lutté contre da dictature militaire brésilienne dans les années 70. J'ai soutenue le gouvernement Lula avec beaucoup d'espoir et je considère le gouvernement actuel illégitime. J'appelle cela un coup d'état !
Brasilidade : le mot brasilidade
Lia Rodrigues : Je suis née au Brésil, je suis certaine d'être brésilienne car cela est impregné dans mon corps. Etre brésilienne c'est être multiple, infinie et différente. Ce cela la beauté !
Pour que le ciel ne tombe pas
Le 29 juin et le 1er juillet à l'Opéra Berlioz, à Montpellier
Photos : Sammi Landweer