Rencontre avec Colyr et Öneslick, membres des 3GC, le crew bordelais qui organise le « SHAKE WELL Festival » le 1er, 2 et 3 juillet à Bordeaux.
Trois jours de festivités rythmés de performances artistiques, de concerts, dj set, ateliers d’initiation, espaces créateurs, buvette.
Un week end qui promet d’être haut en couleur !
3GC
Le crew naît en 2005 sur l’île de La Reunion, fondé par Gamer, Zemar et Drop. Le collectif s’étoffe au grès des rencontres et l’arrivée de Gamer sur Bordeaux.
Aujourd’hui 18 membres actifs, aux individualités différentes, composant toujours ensemble avec leurs propres univers. Öneslick, Colyr, Gamer, Meks, Kenz, Dorms, Hobs, Moksa, Dr Jonz, Zemar, Cyclone, Bros, Drop, Dyox, Sock, Fenek, Seron, Heik.
La diversité, l’unité et l’amitié définissent le crew et le processus de création des 3GC. Une vrai bande de potes solidaire prônant le métissage autour de l’apéro, du barbeuk et de la peinture… Le kiffe quoi !
« Une pensée à ceux avec qui ont a pu partager des bonnes sessions peintures depuis ces 10 dernières années et avec qui on a crée des liens (de Bordeaux à Nantes, Montpellier, Paris, Tours, Saintes, Milan, La Réunion, la Guadeloupe, etc). Pleins de projets graffiti et de partages à venir, c’est ça notre kiff ! On continuera dans ce sens là ! » Fuck le TAFTA, Fuck Walls et sa loi dont personne ne veut, c’est le temps de s’émanciper ! »
Page Facebook : 3GC / Flickr 3GC / Page Facebook : SHAKE WELL
Crédits Photos : 3GC
Interviews de COLYR et ÖNESLICK
COLYR
Parle nous de ton parcours et comment as-tu commencé à pratiquer le graffiti ?
J’ai débuté le graffiti à 15 ans en Martinique avec la rencontre de VIZIR, revenant de Paris. Assis à la même table en cours, on grattait des sketches et j’ai pris le virus. Il me racontait comment se passait la scène parisienne, on a chopé les premières bombes et j’ai réalisé mes premiers tags, mes premières pièces. Ensuite, je suis arrivé en métropole, je faisais beaucoup de sketches, je passais mon temps à dessiner à l’école, j’ai rencontré VAKS qui graffait aussi; on était dans un trou paumé sous Royan, il n’y avait pas grand chose pour choper du matos alors je montais sur La Rochelle voir SERY et la clique. C’est enchainé une grande période de motivations et de rencontres; constamment en sortie à peindre, avec les M2P, CAST, SIDE, puis EASI, on posait partout où on pouvait… on a fait les 400 coups, on était jeune, frais, c’était magnifique ! Je suis installé à Bordeaux depuis 4 ans où j’ai rejoint les 3GC ; une belle équipe de pirates amateurs de rhum, dans une bonne ambiance où l’on se consacre à la peinture et à recevoir du monde pour partager notre passion.
À quoi ressemblait la scène graffiti en Martinique ?
Lorsque j’ai commencé à peindre, la scène graffiti martiniquaise était assez petite… Boowser avait bien cartonné l’île, mais la scène guadeloupéenne était plus étoffée niveau Hip Hop. Les MAC de Paris peignaient de lourdes fresques, et sont venus peindre en Martinique. Je me rappelle d’une fresque des MAC à Fort de France, j’étais minot, mon premier souvenir de graffiti; une fresque contre la drogue et la prostitution, lourde peinture bien à thème… Sur l’ile on apercevait les prods de quelques gars de passage, en vacances, ou lors de leur service militaire. La scène martiniquaise était assez petite à l’époque. Avant de partir en métropole, entre 2000 et 2002, on était quatre, cinq à faire de la couleur et du vandale sur l’île.
Où puises-tu tes inspirations ? Qu’est -ce qui influence ton travail ?
Tout dépend ce que je réalise, je fonctionne beaucoup à l’humeur…
Mes pièces seront plus ou moins dynamiques, hérissées ou rondes selon mon état d’esprit, de mon énergie. Les émotions inspirent mon travail, elles trouvent toujours une porte de sortie, une projection dans un de mes personnages ou l’un de mes lettrages. La nature influence aussi mes productions. La musique m’inspire considérablement lorsque je peins.
Ce qui me colle à la peau, c’est de danser avec les murs ! La dynamique est importante dans le graffiti, que ce soit du légal, du vandale, 2D, 3D, du tag. Le mouvement du poignet et du corps est fondamental. Lorsque je regarde le travail des autres, j’aperçois l’âme du peintre et pas uniquement la technique. Je pense que la peinture parle d’elle-même.
Comment définirais-tu ton style ?
Oh la la la la… rires . C’est de la 3D! Après je réalise de tout… J’aime tout, tant que c’est bien réalisé, c’est beau !
L’environnement naturel, les oiseaux sont des thèmes récurrents dans tes productions…
J’ai grandi aux Antilles, j’avais la mer à portée de tongs…J’ai toujours vécu avec l’eau, même en arrivant en métropole, je me suis installé en Charente Maritime sur la terre de mes aïeux. J’aime beaucoup la nature et je suis pêcheur… Le rapport avec la nature est très important pour se retrouver, apprendre. Il suffit de la regarder pour comprendre la vie de tous les jours; c’est très instructif ! C’est mon coté flamand rose.
Quelle place tient le graffiti dans ta vie ?
Le graffiti fait partie intégrante de ma vie….. Chez moi, les murs sont peints, mes potes sont quasiment tous graffeurs, même si je ne fréquente pas qu’eux. La peinture est tout le temps présente… Avec le temps, j’essaie de me dépasser, d’arriver à produire mieux que ce que j’ai déjà réalisé, dans le fond comme dans la forme, j’ai envie que mon travail évolue même si j’ai toujours l’esprit de peindre « à la cool ». Je peux me prendre la tête sur une peinture autant que décompresser totalement sur une autre, pas de thème, c’est la fête, simplement se faire plaisir.
Que penses-tu de la démocratisation du graffiti ?
C’est tout et n’importe quoi… personnellement, je m’en fous. Le problème, ce n’est pas vraiment le graffiti mais les gens autour du graffiti. Ils ont besoin de mettre des étiquettes pour classifier, se rassurer. C’est la société qui veut ça ! Dès que le pognon rentre en jeu, ça génère des histoires. J’ai ma vision du graffiti, j’essaie de la préserver et de vivre cette passion avec ceux qui l’a pratique.
Tes projets à venir ?
Je travaille beaucoup de sculptures et de luminaires. J’aime la dynamique de construction, les volumes. J’utilise ce qui me tombe sous la main et l’assemble sans contrainte, c’est ce qui m’intéresse avec ces médiums, un gros kiffe à réaliser. Je crée également des toiles, j’essaie de tripper avec plusieurs matières. Avec le crew, on organise le « SHAKE WELL FESTIVAL »: un festival international de graffiti avec une centaine de graffeurs venus de tout horizon, les 1,2 et 3 juillet aux bassins à flots à Bordeaux. Je compte reprendre un peu la route, retourner faire des connections à droite à gauche et revoir les personnes que je n’ai pas vu depuis longtemps… et vivre… tout simplement !
Page Facebook : COLYR
Crédits Photos : COLYR
ÖNESLICK
Raconte nous tes débuts…
J’ai débuté sur les bancs du collège, je dessinais beaucoup et je ne connaissais pas encore le graffiti mais j’avais cette passion pour le dessin. J’ai grandi dans une cité à Bordeaux puis mes parents ont déménagé à la campagne. Je ne connaissais personne et le dessin a été un exutoire! J’avais 15 ans, j’achetais des magazines; RER, RADIKAL, Mix Grill, des fanzines…. Je ne comprenais pas vraiment ces mecs qui peignaient dans la rue, ça m’a tellement intrigué que j’ai chopé le virus! J’ai commencé à acheter des marqueurs, début de mes premiers tags, à la recherche d’un nom, j’investissais un peu la rue, seul à l’époque. J’ai chopé quelques bombes de peintures dans des rayons de bricolage… mais je ne me rendais pas compte de l’impact visuel que cela avait. J’y allais un peu trop fort… j’exécutais beaucoup de fat dans la ville où j’habitais, à Libourne, et on m’a vite attrapé. J’ai rencontré SMACK avec lequel j’ai débuté, on a fait beaucoup de Vandale… je me suis fais choper plusieurs fois, il fallait que je change de technique car ce n’était plus possible de passer à la barre! Le graffiti est une discipline qui apporte beaucoup d’adrénaline et je ne le maitrisais pas…. J’ai commencé à aller sur Bordeaux, en 1995, je voyais des peintures de Guizmo, Mozar, Baryo, Scan.r, Foe, pil173, Me, MX, CV… des fresques des Fullcolor, P.fresh… c’était déjà des crews solides.Mon graffiti a évolué au fur à mesure de mes rencontres et font ce que je suis. J’ai voyagé, rencontré d’autres graffeurs, peaufiné mon style… Au départ je faisais de la 2D, je suis partie dans le secteur de Poitiers, Rouen et j’ai découvert une autre approche « le tracé direct », j’ai changé immédiatement de technique.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
Mes sources d’inspirations sont multiples: mes rencontres, les lieux dans lequel je crée, la nature et la musique m’apporte beaucoup…Une personne décisive, a marqué mon parcours lorsque j’avais 15/16 ans, un Peintre en lettre, devenu ami, avec qui j’ai bénéficié d’une formation au pinceau. Il m’a amené à m’intéresser à la peinture, m’a sorti tous ces bouquins, Dali, Magritte, les grands classiques… Je l’observais réaliser ses tableaux, d’anciens panneaux publicitaires, le tout réalisé aux pinceaux.J’étais plutôt vandale à cette époque, à la recherche d’adrénaline, d’expressions… Il m’a ouvert à une autre sensibilité…
Comment définirais-tu ton style ?
Je le définirai comme organique, je puise mes inspirations dans la nature.Rendre la lettre vivante, (poulpe, mollusques), j’aime ce genre de volume et de texture. Auparavant, je réalisais des pièces très pointues, carrés; avec le temps je me suis certainement adoucie et mon style s’en ressent. Mon style est encore en train d’évoluer… Je vais induire du figuratif à l’organique…. Du perso, des postures, j’aime beaucoup le corps et les expressions. Je prends plaisir à travailler les textures et à déstructurer mes pièces, c’est ce qui m’intéresse, j’aime quand c’est propre et déstructuré. Mon style est en constante évolution…
Tes productions sont souvent truffés de mots, peux tu nous en dire plus…
Effectivement, j’ai eu une session où j’ai voulu intégrer des mots….. C’était des mots de l’instant présent, me venant à l’esprit… des mots un peu personnel comme « Parentalité » par exemple, car je viens d’être papa. Un moyen de marquer le temps, l’instant présent.
Comment investis-tu la toile ?
Je peins très peu à la bombe, j’expérimente le pinceau. Je n’ai jamais pris de cours. J’aime prendre le temps… j’utilise le pinceau avec une approche graffiti. Mon travail sur toile vient inspirer mes productions et réciproquement. Mes créations sur mur apportent l’improvisation dans mes tableaux. Les deux s’équilibrent, s’apportent l’un à l’autre et ont un impact aussi sur ma vie. Le graffiti est un style de vie, une passion, je veux me donner les moyens d’avoir un peu plus de temps pour peindre…
Comment vois-tu l’évolution du graffiti ?
Le graffiti c’est un peu comme la nature, on cherche à le contrôler mais c’est impossible… Le graffiti de 1990 n’est pas le graffiti de 2016, ce qui est important c’est que les gens soient libre de pratiquer leur art, leur passion de manière indépendante, pourvus de sens critique et ne rentrant pas dans le moule. Le graffiti c’est toujours trouver un style différent, s’émanciper, ne pas rentrer dans un code. C’est un état d’esprit, un mode de vie, de penser. Personnellement, c’est ce qui m’anime…Je ne m’inquiète pas pour le graffiti, il fera son chemin…
Quels sont tes projets à venir ?
Continuer mes toiles, mes peintures et projets avec toute ma clique 3GC… Je veux profiter de tous ces moments le plus longtemps possible… Notre crew est très important pour moi, ceux sont plus que des potes…
Une pensée à ma femme et mon fils et à tous les potos et les meufs ! Moksa, Gamer, Llouli, Hobs, Kems, Béré, Kenz, Dr Jonz, Z, Dorms, Bros, Cycle, Chomomo (il se reconnaitra !) Vaks, Sion, Smo, Res, Zarb, Scan.r, ManuFaktur, Gost, Rady, Tanis, Benou, Drop, Les Nantais Eskat, Maso, Les Poitevins Lxir75, Jam, Exod, Les Tourrangeaux Drope, M.Plume, Corsak, IBS, WD, 334, MYC, VTP, SAC, VEC… Bref, à tous ceux qui ont croisé mon chemin !
« C’est pas la mer qui prend l’homme, c’est l’homme qui prend la mère »
Page Flickr : ÖNESLICK
Crédits Photos : ÖNESLICK