La nouvelle livraison des Red Hots (la onzième depuis 1984) laissera un souvenir mitigé.
Un son très polissé, une hargne, un funk quasiment disparu qui était pourtant leur marque de fabrique. Certes Anthony Kiedis (chant), Flea (basse) et Chad Smith (batterie) devenus quinquagénaires ne peuvent plus se permettre de jouer nus avec une ampoule sur la tête comme il y a 20 ans. La totale déconne adolescente a fait son chemin. Mais de là à avoir céder à une facilité mainstream d'un rock aseptisé... The Getaway qui ouvre le disque caractérise ce punch effondré. Le gimmick de basse de Flea, bien que toujours aussi impeccable au sein du groupe sur Dark Necessities ne parvient pas à faire oublier les interventions mielleuses entre piano niais et choeurs friandises pop édulcorée.
We Turn Red : un flow voix/batterie syncopé en attaque, on retrouve un peu de l'ADN Red Hots mais version allégée et deux de tension... Une guitare silex, une basse dodelinante. Mais c'est à regret que le groupe décélère pour se lover dans un refrain west coast ultra léché et produit qui frise la caricature...
Se faufile un arpège cristallin en introduction de The Longest Wave. Ballade typique des ballades des Californiens. Pas désagréable. A siroter dans un hamac. Cela fleure bon la lumière irisée du Spritz déversée dans la slide guitare de Josh Klinghoffer (lequel a remplacé John Frusciante depuis 2009). Enfin la première relative bonne chanson de cet album très [trop] posé.
La fougue qu'on aime chez le groupe est de retour sur le final électrocuté de Goodbye Angels. Si on met de côté les exaspérants "hey yo, hey yo" de Kiedis au chant, la chanson se soulève peu à peu avec une entrée progressive de chaque instrument. Guitares moulinées au phaser, basse épileptique, flow vocal hip hop, les ingrédients sont là malgré une production trop léchée de Danger Mouse, convoqué par le groupe sur cet album après la vingtaine d'années de bons et loyaux services prodigués par Rick Rubin.
Suit la chanson co-écrite avec Elton John : Sick Love et son rock californien à la Sugar Ray (oui oui Sugar Ray qu'on a tous oublié depuis...) Assez niais... Un peu de Coldplay dans le bocal marshmallows pop. Les Red Hots nous gavent de rock acidulé et crémeux. L'estomac flanche...
On arrive à la moitié du disque et le chemin parcouru est jusqu'ici plutôt décevant. On ne peut plus attendre des Californiens de nous signer des albums au funk rock du calibre de "One Hot Minute" ou "Blood Sugar Sex Magik", ce serait pour le coup affligeant au regard de leur âge (53 ans chacun à l'exception du trentenaire John Klinghoffer)... Mais on aurait aimé les voir emprunter un terrain plus introspectif, en allant gratter l'acoustique, déterrer les racines du blues, folk ou jazz. L'exercice aurait été intéressant.
Au lieu de cela, les Red Hots surprennent avec un semi-virage disco ! La mécanique bien huilée à la Prince de Go Robot est totalement nouvelle chez les Red Hots. Les envolées discoïdes du groupe donnent envie de taper du pied et provoquent un léger déhanché sur le dancefloor. C'est là que le travail de Danger Mouse paie et se révèle cohérent. Feasting on the Flowers poursuit l'exercice. Une sunshine pop qui vire disco à 2'03 avec ce piano simple mais parfaitement efficace. Les Scissor Sisters sont dans la place, Aerosmit h période 70's ("Sing for the moment") également.
Parenthèse disco fermée. Le son se durcit. Inattendu. Une basse/batterie vicieuse aux intonations très Rage Against The Machine ("Bombtrack") bondit comme une meute de hyènes en ville. On écoute Detroit et c'est parti pour le "headbang". Danger Mouse joue sur la console de mix, en modulant les harmonizers pour conférer un son menaçant, claustrophobe et paranoïaque à l'ensemble. Génial. La hargne est de retour avec This Ticonderoga. Guitares félines. Coups de griffe. Le groupe alterne morsures et relâches pop sur ce titre bien inspiré. Avec un côté opérette rock assez marrant.
Nous approchons de la fin. Encore et ses notes de guitare sous valium plongent de nouveau la formation dans ses travers pop mainstream. Une ballade très "girly". Les radios vont aimer cette "lounge pop" digne de figurer sur une compilation Buddha Bar ou Costes... Pas nous. The Hunter convoque les grands espaces dans un océan d'échos et de réverbe. Une basse ronronnante. Des guitares en étoiles filantes. Anthony Kieidis sur son perchoir invoque le ciel. Assez captivant. L'affaire est réussie.
Nous quittons les Red Hots avec Dreams of a Samuraï. Sur cette dernière séquence, les Pink Floyd sont une influence flagrante et surprenante. Pas immédiatement puisque le titre décolle sur un shuffle remarquable. Josh Klinghoffer défouraille un gimmick sur sa wah-wah pendant que Chad Smith, très en retrait globalement jusqu'ici, délivre un caviar de batterie. Ce dernier titre malgré sa grandiloquence parvient à nous faire plonger. Un refrain et des choeurs féminins très Floyd, quasi pompé sur le titre "Eclipse" qui clôt le chef d'oeuvre "Dark Side Of The Moon" (1973).
Au final un album correct et éclectique, quelques moments très plaisant, quelques bons titres. Sur ce disque, le groupe a clairement cherché à ouvrir son éventail d'influences. Quelques ouvertures épiques (assez réussies) que l'on ne leur connaissait pas. Des éclairs disco rock fun et bien amenés. Quelques fulgurances du passé. Pas mal de fautes de goût également, tant dans la production que les arrangements ultra chiadés et donc au détriment de l'énergie des Red Hots. Et puis l'absence de John Frusciante se fait cruellement sentir.