Quand tombent les lumières du crépuscule est une auto-fiction. Le genre fait des émules dans l’espace francophone. On a aimé le camerounais Eugène Ebodé. On a relu Théo Ananissoh dans ce type de narration où le lecteur pris au piège de l’écrivain tente de démêler le vrai du faux. Exercice naturellement vain et puéril puisque le lecteur distant ne maîtrise aucune clé de décryptage. Dans l’ouvrage de Jussy Kiyindou la forme prend, en y repensant, une forme particulièrement exquise. Ici, nous suivons un jeune français d’origine congolaise. Ou un jeune congolais ayant grandi en France. Le suivre est en soi une mission périlleuse puisque l’on ne sait jamais trop bien à quelle période de sa vie on se trouve. 2008. 2009. 2014. Sont-ce des dates. On a même des mois. Kinsoundi. Saint-Germain-des-Prés. Rouen. 1997.
Je cherche la trame. Le personnage lui se cherche. C’est sûrement pour cela que ce roman n’a pas de
Jussy Kiyindou - credit Présence Africaine
trame. Pas de commencement. Pas de fin. Des questions... Un repère central. Le grand père qui vient de mourir. Non, il est mort il y a quelques temps. Grand-père auquel on s’accroche dans une croyance farouche, bien bantoue, celle du culte des ancêtres. Les morts continueraient d’accompagner les vivants et il serait possible de communier avec eux... Ce roman qui est construit comme une errance où les jeunes femmes que rencontrent Jussy ne sont que des lieux de passage, des exutoires dont la mission n’est pas de recueillir la confidence, la douleur, l’enfermement du personnage central. C’est le récit d’une non rencontre. Et c’est assez troublant.Pourquoi? Parce que ce jeune homme possède, ou plus prudemment, semble posséder tous les codes de l’intégration. Il ne manque pas d’ambition. Il évolue dans un milieu où il pourrait véritablement prendre ses marques dans la terre d’accueil. Mais la contemplation du patriarche prend une forme oppressante.
Ecrit dans une forme littéraire très classique par ce jeune auteur de 25 ans (entendons-nous bien, je parle de l’écriture, pas de l’architecture de l’oeuvre qui en porte toute la richesse) Kiyindou me fait penser à un autre romancier congolais de talent, Wilfried N’Sondé qui a abordé l’écartèlement culturel dans une approche assez similaire dans le coeur des enfants léopards, mais un contexte complètement différent. Celui attendu de la banlieue. Kiyindou dépasse cette étape. Son lieu d’interpellation n’est pas la cellule froide d’une garde à vue mais la marche forcenée d'un jeune africain après un coït satisfaisant. Ce roman n’a pas de début. Il n’a pas de fin. Il a des questions. Il traduit une triste errance solitaire.
Jusqu'à quand? L’important pour Kiyindou semble être le mouvement. Avancer. A tâtons. Mais avancer tout de même.
Jussy Kiyindou
Quand tombent les lumières du crépuscule
Editions Présence Africaine, Parution 2016
Voir la critique plus réservée de Joss Doszen