The 770 : Lubavitchs of Brooklyn I ©Sasha Goldberger
Les attentats et la réaction républicaine qui leur a succédé ont illustré une particularité de l’histoire et de la place des juifs notamment en France. Émancipés depuis 1791, intégrés dans la société civile tout au long du XIXe siècle, les juifs ont en même temps suscité des mouvements d’hostilité parmi les plus violents. L’Affaire Dreyfus et la montée du nationalisme ont fourni au mouvement antisémite quelques-uns de ses théoriciens les plus virulents. Quant à la période de l’entre-deux-guerres et au régime de Vichy, ils ont mis en lumière, à travers l’avènement de l’antisémitisme d’État, ce qu’avait en commun la haine ancestrale des juifs et le combat contre la République. Banni de l’espace public depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’antisémitisme a resurgi à la faveur de "certains" dans les années 1970. Il s’est honteusement ré-enraciné dans l’espace politique, parallèlement à la montée d’extremisme vicieux et s’exposant désormais au grand jour dans des manifestations publiques. D'Internet aux "territoires perdus de la République", cette discrimination s’impose comme l’un des défis majeurs de notre société. "L’imbécillité humaine est un bien curieux spectacle", a dit Joseph Delteil.L’humour vs la hainePour tordre le cou aux regards obliques, aux paroles inconsistantes, aux préjugés ou aux fantasmes sombres qui se posent sur les juifs, il existe ce propre de l’homme dont nous sommes les seuls capables à observer : l’humour. Il reste le plus court chemin d’un homme à un autre. Il inspire la dérision, l’esprit, l’ironie, la plaisanterie, le sel de l’intelligence... en somme, une foule de mots qui résonnent au travers de différents clichés noir&blanc d’une série photo rondement bien menée, lumineuse et perspicace : les Lubavitchsde Brooklyn à New-York, mise en scène et photographiée par Sasha Goldberger. Les photos sont exposés actuellement à la mairie du IVe arrondissement à Paris dans le cadre du Festival des cultures juives. "Avec Ben Bensimon mon co-auteur, nous avions envie de montrer une autre vision du judaïsme, dans une période où la parole antisémite redevient banale, explique le photographe à notre consœur Julie Estève, journaliste spécialiste d'art contemporain. Par ces images, nous avons voulu poser sur la religion juive, un regard positif, poétique, spirituel et humoristique, une façon de lutter contre les idées reçues. En photographiant ces femmes et ces hommes objets de tant de préjugés, nous avons pu observer leur capacité à l’autodérision et leur aptitude à faire partager leur joie". La série a demandé une année de conception, deux mois de prises de vue et six mois de développement. Les tirages argentiques et agrandisseurs ont été réalisés par Les laboratoires Demi-Teinte et Diamantino. Enfin et surtout, les sujets de la série sont de vrais Lubavitchs, qui se sont prêtés aux mises en scènes les plus singulières. A voir absolument, il y a urgence… FG
NOTA BENE > A partir de demain (mardi 28 juin 2016), la Gare d’Austerlitz accueille une rétrospective inédite du travail de Sacha Goldberger. Une large sélection de photographies issues de l’ensemble de ses dernières séries.