Partager la publication "[Critique] THE FUNDAMENTALS OF CARING"
Titre original : The Fundamentals of Caring
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Rob Burnett
Distribution : Paul Rudd, Craig Roberts, Selena Gomez, Jennifer Ehle, Megan Ferguson, Bobby Cannavale…
Genre : Comédie/Drame/Adaptation
Date de sortie : 24 juin 2016 (Netflix)
Le Pitch :
Alors qu’il se trouve dans une impasse, Ben, un quadragénaire un peu paumé, décide de devenir aide-soignant. Son diplôme en poche, il répond à une annonce qui le conduit à s’occuper de Trevor, un garçon paralysé atteint de myopathie. Trevor dont l’existence obéit à une routine extrêmement précise, et dont le traitement interdit à priori toute incartade. Pourtant, Ben décide de pousser le jeune homme à s’embarquer dans un voyage sur la route, afin de le sortir de sa zone de confort…
La Critique :
Les Fondamentaux de l’aide à la personne revus et corrigés est le troisième livre de Jonathan Evison. Écrivain américain assez peu connu chez nous, il se proposait avec ce roman de revenir une sur deux trajectoires de vie amenées à se télescoper au sein d’une aventure sur la route, au fil de la découverte de quelques sites américains abritant des curiosités. Production Netflix, The Fundamentals of Caring est ainsi l’adaptation de ce bouquin et pour répondre d’emblée à la question que l’on se pose souvent quand on parle d’un film qui n’a pas eu droit à une sortie en salle : oui, encore une fois, une exposition plus large aurait amplement été méritée, tant ce formidable long-métrage s’impose avec un mélange de puissance et de douceur comme l’un des meilleurs road movies vus depuis des lustres.
Un aide soignant dont la vie ressemble à un champ de bataille rencontre un jeune homme paralysé et entame avec lui une aventure qui va les mener à bâtir une solide amitié. Ça ne vous rappelle rien ? Et bien non, raté. The Fundamentals of Caring, hormis les ressemblances qu’on peut lui trouver sur le papier, n’est pas une simple copie d’Intouchables. Ce serait trop simple. Pas de discours social ici, mais un désir de s’attacher à une relation amicale portée par un désir de rédemption, savamment diluée par un humour efficace dont l’une des principales qualités est de parvenir à faire rire sans porter préjudice à l’aspect dramatique d’un discours doux-amer remarquablement illustré.
Il s’agit pourtant d’un premier film. Celui de Rob Burnett, dont le CV mentionne, outre la mise en scène d’un épisode de la série Les As du braquage (dont il est le créateur), la production d’une poignée de shows, dont le Late Show de David Letterman. Qu’est-ce qui pouvait pousser un homme de TV à sortir de sa tanière pour se lancer dans la grande aventure du cinéma ? Peu importe au fond. Tout ce qui compte, c’est que son coup d’essai peut tout à fait être considéré comme un coup de maître.
Le talent de Rob Burnett est discret. Ses fulgurances aussi. The Fundamentals of Caring est en cela un long-métrage puissant, mais pas au sens premier du terme. La mise en scène apparaît certes pertinente, mais sait aussi exploiter les non-dits et les regards pour raconter en filigrane des choses qui échappent aux mots. Avec une audace encore une fois en apparence timide, le cinéaste fait des prouesses et évolue tout du long sur un fil tendu, sans jamais verser dans l’excès, la gaudriole ou le drame trop lourd. Résultat des courses, son film ne va jamais trop loin. Ni d’un côté, ni de l’autre. Il s’avère d’une pudeur extrême, évite la majorité des pièges de cet exercice casse-gueule et va au bout de sa démarche, sans perdre de vue le côté cinématographique de la chose. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que The Fundamentals of Caring coche beaucoup de cases de la comédie dramatique à l’américaine. Il y a les deux personnages principaux, dont on sait qu’ils vont devenir amis, tout en s’aidant, sans forcément le savoir, l’un l’autre, la fille paumée, dont les aspirations font écho à celles des deux pivots de l’histoire, et qui amorce en outre la petite love story qui intervient à mi-parcours, et plusieurs personnages secondaires censés appuyer de diverses manières le propos.
Les esprits les plus cyniques verront là une production indépendante typique et tant pis pour eux si cela est synonyme d’ennui. Ce serait fermer la porte à un road movie qui fait face à ses thématiques et qui s’assume en tant que tel, avec tout ce que cela sous-entend.
Remarquablement construit, le scénario fait la part belle à de jolies parenthèses, qui elles aussi, viennent alimenter une progression constante qui interdit tout ennui. Le métrage ne fait jamais du sur-place. Il est toujours dans une justesse absolue et jouit de l’interprétation de comédiens au diapason des intentions de leur chef d’orchestre.
Paul Rudd est ainsi encore une fois parfait. Dans un rôle moins « facile » qu’il n’y paraît, celui qui s’illustre en ce moment chez Marvel, dans le costume de Ant-Man, fait des merveilles face à un Craig Roberts impeccable. Découvert dans la production indépendante un peu ampoulée Submarine, le comédien tient les rennes avec une prestance directement imputable à sa capacité faire passer un maximum de choses avec une économie de moyen liée à son personnage. Certes, Selena Gomez écope encore une fois d’un rôle assez balisé et prévisible, mais qui à l’arrivée permet à l’histoire de rebondir. Sa présence insuffle en outre une énergie quoi qu’il en soit salutaire. C’est elle qui permet aussi à Bobby Cannavale de passer une tête. Et on ne dit jamais non à Bobby Cannavale, bien évidemment !
Avec son sujet qui aurait pu déboucher sur un drame pur et dur un peu maladroit, The Fundamental of Caring trouve la bonne direction à emprunter pour s’imposer avec grâce et naturel. L’émotion qu’il dispense est solide. De celles qui restent dans les esprits et qui poussent à la réflexion. Voici donc un film non seulement divertissant, mais également galvanisant et drôle. Une combinaison somme toute assez rare.
@ Gilles Rolland