Fead The Beast est une nouvelle série de 10 épisodes diffusée depuis le début juin sur les ondes d’AMC aux États-Unis et au Canada. L’action se déroule dans le Bronx alors que Dion Patras (Jim Sturgess), un ex-chef, vient tout juste d’être libéré de prison. Poursuivi par la mafia à qui doit absolument honorer sa dette, il se réfugie chez son meilleur ami Tommy Moran (David Schwimmer), récemment veuf. Peu à peu, il le convainc d’ouvrir un nouveau restaurant grec nommé le Thirio, mais on se demande si leur relation, basée sur quelques mensonges, tiendra le coup à long terme. Basé sur la série danoise Bankerot, Feed The Beast nous présente des êtres sympathiques qui trainent tous un boulet, bien qu’ils semblent en voie de s’en sortir, mais on ne tire pas assez avantage de la prémisse et on ne sait trop quoi penser du ton qui chancelle constamment entre la comédie sentimentale et le drame criminel.
En transition… pour le meilleur?
On apprend au fil des épisodes que Dion a été incarcéré après avoir incendié un restaurant appartenant à Patrick Woichik (Michael Gladis), un chef de bande qui grâce à ses contacts est parvenu à raccourcir sa peine d’emprisonnement… seulement pour pouvoir lui régler son compte à sa manière. On n’a en effet pas envie de plaisanter avec celui que l’on surnomme dans le milieu « la fée des dents » en raison de son plaisir morbide d’édenter à froid ceux qui ne respectent pas les règles établies. Dion le convainc de retarder sa « sentence » en lui promettant des paiements mensuels une fois son restaurant ouvert. Après beaucoup d’insistance, Tommy qui est sommelier accepte de se joindre à lui et pour cela consent même à demander des fonds à son père Aidan (John Doman) à qu’il il n’a pas adressé la parole depuis plusieurs années. En échange, le patriarche demande à passer du temps avec son petit-fils TJ (Elijah Jacob) qu’il n’a jamais connu, lequel est muet depuis que sa mère est morte tragiquement. Après trois épisodes, on est toujours dans l’aménagement du bâtiment, mais le duo est déjà à court d’argent puisque Dion pige effrontément dans la caisse pour régler ses dettes, à l’insu de tous. Pour le moment, ils surmontent leurs embûches et Tommy reprend lentement goût à la vie depuis qu’il a rencontré Pilar (Laurenza Izzo) dans un groupe thérapeutique pour endeuillés et qui accepte de leur donne un coup de main.
Ce qu’il y a d’intéressant avec Feed the Beast est que tous les personnages en sont à un point mort de leur vie : les bons comme les méchants et il semble bien que leur « salut » à tous passera par l’ouverture du Thirio : Dion par exemple est impulsif jusqu’à la moelle en plus d’être accro à la cocaïne. Devenu orphelin de ses deux parents à un très jeune âge, la seule personne envers qui il est resté fidèle est son ami Tommy et c’est avec ce nouveau projet qu’il a la chance de partager avec tout le monde ce qu’il fait de mieux : la cuisine.
Quant à Tommy, il s’est toujours fait intimider dans sa jeunesse et depuis la mort de sa femme Rie (Christine Adams), il se traîne les pieds, boit beaucoup trop et jusqu’à ce jour, manquait cruellement de confiance en soi. Maintenant, il reprend goût à la vie et par ricochet, TJ emprunte le même processus en voyant son père se sortir enfin la tête hors de l’eau.
Ceux qui les intimident n’ont pas une vie plus reluisante. Patrick est traité comme un gamin par son vieux père qui réussit à le diminuer chaque fois qu’ils se voient, et ce, bien que ce dernier se trouve derrière les barreaux. Même chose pour Aidan. En raison de son attitude peu empathique, tous ses proches l’ont déserté et qui plus est, il est en fauteuil roulant. Pourtant, l’on voit poindre une touche d’humanité dans le visage de cet homme depuis qu’il passe du temps avec son petit-fils.
Une assiette pêle-mêle…
Si on aime suffisamment les acteurs, les personnages qu’ils interprètent et qu’on est curieux quant à leur évolution personnelle, on est en revanche déçu par le ton mi-figue mi-raisin employé du côté scénaristique. Chaque épisode de Feed the Beast est en fait une combinaison d’épisodes de Boardwalk Empire avec ceux River et d’About a Boy. Le problème et qu’on ne va jamais à fond dans l’un de ces genres si bien qu’on est pas aussi ému qu’on l’aurait voulu en regardant Tommy et TJ en plein deuil. On n’est pas plus servi en terme de sensations fortes, lesquelles sont neutralisées davantage par l’ajout de différentes mises en situation supposément comiques. Le personnage de Pilar est un peu à l’image de ce brouhaha et probablement l’aliment le plus indigeste de l’assiette. Lorsqu’elle se présente à Tommy à une de leurs thérapies, on a l’impression qu’elle n’y est présente que pour flirter, ce qu’elle fait de façon à peine voilée. Pourtant, elle aussi vient de perdre récemment son mari, mais d’elle n’émane aucune tristesse. Finalement, pour être aussi peu crédible, on se dit que la seule explication à son comportement est qu’elle travaille pour Patrick, mais même là on doute que cette avenue scénaristique potentielle tienne la route.
Reste le sujet principal qui est au cœur de toutes les péripéties de la série: la nourriture. Mis à part Chefs de France 2, le métier de la restauration est peu exploité dans les fictions télévisées et il faut se tourner plutôt vers le cinéma avec des films comme Julie & Julia (2009), Les Saveurs du Palais (2012) ou encore The Hundred-Foot Journey (2014). Dans ces trois cas, les chefs ne vivent que de cuisine au point où leurs problèmes familiaux sont relégués à l’arrière-plan. Leur passion pour la nourriture, l’accord avec les vins, les épices utilisées qui feront toute la différence ainsi que la façon de présenter le tout transperçaient l’écran et plongeaient le spectateur dans un univers gastronomique. On n’arrive pas à nous transmettre la même passion envers la nourriture dans Feed the Beast: Encore une étoile de perdue.
Pour son premier épisode, Feed The Beast a rassemblé moins d’un million de téléspectateurs en direct (976 000) et un maigre taux de 0,31 chez les 18-49 ans. C’est moitié mois que son lead-in Preacher qui juste avant comptait plus du double en auditoire. Mais c’est lorsque la série a rejoint sa case horaire régulière du mardi que tout s’est effondré : 398 000 (taux de 0,14) pour le second épisode et une légère remontée à 484 000 (taux de 0,10) pour le troisième. Des chiffres nettement insuffisants pour AMC et on doute que la fiction se voit accordée une seconde saison et même que la diffusion de la première se rende à terme…